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Ma pratique

BetterDoc : un bon chemin vers le bon médecin ?

Plusieurs modèles d’assurances alternatifs proposent de passer par la solution BetterDoc pour trouver un médecin spécialiste. Lancé en Allemagne en 2012, ce service s’est depuis étendu à notre pays. Plus d’un million d’assuré·es suisses peut ou doit faire appel aujourd’hui. Si la démarche peut sembler innovante, elle soulève un certain nombre de questions.

Le principe de BetterDoc est simple : avant de consulter un·e spécialiste, la patiente ou le patient ayant souscrit un modèle d’assurance alternatif faisant appel à ce service contacte la hotline de BetterDoc pour expliquer son problème de santé. Une équipe médicale dispose ensuite de deux jours ouvrables pour identifier les trois spécialistes les plus approprié·es pour le ou la prendre en charge. « BetterDoc prend en considération dans ses recherches tous les médecins spécialistes et les hôpitaux pratiquant en Suisse », garantit Lucas Müller, responsable du développement des affaires dans l’assurance-maladie auprès de BetterDoc. Le passage par BetterDoc est obligatoire pour certaines spécialités : cardiologie, chirurgie-
cardiaqueet vasculaire, chirurgie de la main et neurochirurgie, gastro-entérologie, chirurgie viscérale, urologie et orthopédie. En dehors de celles-ci, le service est pour l’heure optionnel.
Pour traiter des cas rares ou complexes, BetterDoc s’appuie sur un panel semble-t-il composé de plus de 2500 médecins experts, représentant plus de 400 sous-spécialités. Jusqu’à 20 avis sont récoltés, afin de donner trois choix de spécialistes aux patient·es. La Suisse compterait toutefois une centaine d’expert·es seulement. Et combien en Suisse romande, ou dans le canton de Vaud ? Contacté, le service de presse de BetterDoc n’a pas souhaité en fournir la liste. Cette poignée d’expert·es a-t-elle une connaissance assez fine du tissu médical régional pour orienter chaque rédactionpatient·e vers le médecin spécialiste le plus approprié parmi les plus de 40’000 médecins actifs au sein du pays ? Rien ne permet de le savoir.
On ignore aussi comment ces expert·es sont sélectionné·es. Les critères annoncés sont les suivants : publications, certifications et qualifications, nombre de cas de diagnostics ou traitements effectués, engagement dans des sociétés scientifiques spécialisées et des congrès, ou encore recommandations d’expert·es. Ce « jury » ne serait pas rémunéré. En revanche, pour chaque recommandation de spécialiste, BetterDoc verse un don d’environ CHF 100.- au nom de l’expert·e à une sélection de trois projets de santé publique à but non lucratif en… Allemagne. Des dons a priori financés par les assuré·es, via la rémunération de BetterDoc par les caisses-maladie. De nombreux médecins étant déjà surchargés, les motivations à s’impliquer dans ce système posent aussi question.

Légitimité remise en cause

Prenons le cas d’un médecin vaudois qui a contacté la rédaction à ce sujet. Des patient·es ont été orienté·es vers lui par BetterDoc alors qu’il n’avait jamais entendu parler de ce service, ni ses collègues spécialistes. Ceux-ci étaient donc étonnés d’apprendre qu’une société privée allemande, bien que dotée d’une succursale à Bâle, pouvait librement déterminer qui était un bon médecin ou non, choisir vers qui elle allait orienter les patient·es, puis récolter et analyser des questionnaires de satisfaction. Quid de la protection des données et du secret médical ? Se peut-il qu’un médecin risque l’exclusion de la liste de BetterDoc et se retrouve dans l’impossibilité de soigner certain·es patient·es ? Un·e patient·e qui change de modèle d’assurance pourra-t-il/elle rester chez son ou sa spécialiste habituel·le ?
Rappelons que l’Institut suisse pour la formation médicale postgraduée et continue (ISFM) délivre des titres de spécialistes reconnus aux médecins suisses, dans un cadre très régulé, et ce au terme de longues et exigeantes études. Le système développé par BetterDoc met en doute cette légitimité (comme son nom que d’aucuns jugeront discriminant en soi), en proposant une forme de « Tripadvisor » des spécialistes, sans aucun droit de recours pour les médecins qui seraient écartés par BetterDoc.

Des médecins vaudois s’interrogent

“J’ai appris par un patient que je figurais dans le choix de spécialistes que BetterDoc lui a soumis, sans jamais avoir été informé auparavant de ces démarches par BetterDoc ou Assura/Qualimed. Cette société est mandatée par certains assureurs-maladie pour évaluer les médecins à leur insu, obligeant ensuite les patient·es à consulter un des spécialistes shortlistés… En l’occurrence, comble du ridicule, un chirurgien de Genève figurait dans la liste des spécialistes recommandés à mon patient, alors qu’il dispose uniquement d’une assurance-maladie de base et ne peut donc pas être opéré hors canton !
Personnellement, je trouve cette pratique tout à fait honteuse. Elle contrevient à tous les principes de liberté de choix pour les patient·es, et de liberté thérapeutique pour les médecins. Je suis contre ce genre de dérive arbitraire, à savoir le business visiblement fructueux de notation des médecins.”

“Bien entendu, l’idée de confier à une entité externe comme BetterDoc le rôle de conseiller pour le choix d’un spécialiste est problématique sans une totale transparence sur les critères considérés. Cependant, cette initiative peut se révéler bénéfique pour toutes les parties concernées. Pour une organisation médicale, ne pas s’engager activement (ou rester dans une posture purement défensive) dans un processus qualité pour les gestes spécialisés dans l’ambulatoire, revient à se faire imposer à moyen terme des mécanismes arbitraires et inadéquats. D’un point de vue éthique et politique, les médecins ont tout à gagner à s’impliquer activement dans des projets qui influencent positivement les coûts du système de santé.”

“J’ai été récemment confronté à BetterDoc suite au rejet d’une facture par l’assurance, la patiente concernée n’ayant pas fait appel à ce service avant son examen chez un spécialiste. J’avais pourtant déjà effectué des examens endoscopiques auprès d’elle par le passé. Il s’agissait donc d’un simple suivi, et ce refus m’a surpris. Par téléphone, on m’a assuré que le nécessaire serait fait, même si je n’étais a priori pas sur leur shortlist de spécialistes pour cette patiente. A ce jour, la facture reste impayée et la patiente est fâchée contre moi.”

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