AOS versus LCA
En Suisse, l’assurance-maladie est obligatoire (AOS) et à la charge de l’assuré·e dans le cadre de la LAMal (loi fédérale sur l’asssurance-maladie), tout comme l’assurance- accident prise en charge la plupart du temps par l’employeur dans le cadre de la LAA (loi fédérale sur l’asssurance-accidents). Les assurances complémentaires sont facultatives et régies par la LCA (Loi sur le contrat d’assurance).
L’assurance complémentaire peut couvrir différents types de prestations comme les soins alternatifs et médecines douces, les soins dentaires, lunettes et lentilles de contact, les cures et réhabilitations. Concernant les soins stationnaires, les couvertures hospitalières d’assurance privée ou semi-privée garantissent à l’assuré·e un confort supplémentaire lors d’une hospitalisation, mais surtout des prestations médicales supplémentaires qui sont définies sous trois aspects principaux :
- Le libre choix du médecin ainsi que de l’hôpital ou de la clinique ;
- La coordination par le médecin référent, impliquant que le médecin choisi se voit confier la responsabilité de sélectionner les intervenant·es lors d’un traitement stationnaire à l’hôpital ;
- La disponibilité accrue du médecin choisi et son implication personnelle dans la prise en charge et le traitement ou l’intervention du/de la patient·e.
L’acte médical ou chirurgical est couvert par l’assurance de base (LAMal ou LAA). Les prestations additionnelles sont quant à elles couvertes par l’assurance complémentaire, comme cela est prévu par la LCA.
Historique de la double facturation
La problématique de la double facturation des honoraires médicaux dans le domaine stationnaire est apparue en 2012 avec l’introduction des forfaits DRG (ou forfaits par cas) dans l’assurance de base (AOS). Incriminant la facturation de prestations incluses dans les DRG, également facturées à charge des assurances médicales complémentaires (LCA) au titre de prestations médicales supplémentaires qui seules peuvent l’être, l’OFSP a demandé aux cantons, en 2017, d’intervenir pour rectifier cette situation.
Les cantons n’ont pas de compétence dans le domaine LCA. C’est à la FINMA qu’incombent la surveillance et le respect des règles de transparence. Au terme de plusieurs réunions à l’initiative de l’OFSP, il avait été acté, en 2019, que les partenaires présenteraient à la FINMA et à la COMCO une « solution de branche ». Soit des règles de facturation des suppléments d’hospitalisation et d’honoraires médicaux à charge de la LCA distincts des prestations financées par l’AOS.
En 2020, après s’être retirés des groupes de travail, les assureurs ont dénoncé leurs contrats LCA avec les hôpitaux et cliniques pour instaurer une facturation unique, sous forme de contrats combinant les prestations AOS et LCA. La FINMA a alors modifié les conditions d’approbation des contrats proposés aux assuré·es en imposant une transparence accrue avec une séparation stricte des prestation AOS et LCA. Elle a fixé une échéance au 01.01.2025 et précisé que les assuré·es restaient couvert·es même en cas de vide 12 contractuel ou conventionnel.
Deux conceptions de facturation opposées
Les modèles des assureurs
L’Association Suisse d’Assurances (ASA) impose des lignes sectorielles qui vont au-delà des exigences de la FINMA et que de nombreux assureurs semblent s’engager à respecter. Ces lignes sectorielles sont imposées via des contrats avec les médecins, intégrés aux accords d’hospitalisation pour les tarifs des prestations supplémentaires.
Le modèle de la SVM
Face à cette situation, la Société Vaudoise de Médecine (SVM) propose aux assureurs, depuis 2021, le conventionnement de la facturation des honoraires médicaux supplémentaires à charge de la LCA. Ce conventionnement définit pour celles et ceux qui y adhérent des modalités contraignantes de facturation pour le médecin et de remboursement des patient·es par l’assureur. Il décrit de manière explicite ce qui est entendu par prestation médicale supplémentaire et comment les documenter au moyen d’un agrégateur (GREG). Un système de points valorise les prestations supplémentaires concernant les actes et gestes médicaux pris en charge dans les forfaits DRG. La répartition par GREG permet à l’assureur et au/à la patient·e de vérifier que ces prestations supplémentaires ont bien été effectuées par les médecins librement choisis (voir le tableau de répartition ci-dessous, aussi disponible en pdf). Les conventions sont complétées par une annexe tarifaire dans laquelle la valeur de point est négociée en tenant compte de la part médicale des forfaits DRG que les établissements s’engagent à verser aux médecins dans le cadre d’accords séparés, indépendamment des contrats d’hospitalisation entre ces établissements et les assureurs.
Une situation conflictuelle
Après avoir tergiversé pendant plus de 18 mois, considérant que les fondements même du principe de conventionnement proposé par la SVM ne sont pas conformes à sa ligne sectorielle, usant de sa position dominante et n’hésitant pas à prendre les institutions et les patient·es en otage en les menaçant de ne plus payer les factures, ni de rembourser les patient·es, l’ASA a récemment mis en demeure les partenaires à choisir parmi cinq contrats de facturation LCA.
Outre qu’ils ne remplissent pas les exigences de transparence en ce qui concerne la part médicale des forfaits DRG, ces contrats ne permettent pas au/à la patient·e de faire le lien entre les prestations médicales supplémentaire et celles couvertes par l’assurance de base. En rompant le lien entre le médecin et son/sa patient·e, ils impliquent à terme de renoncer à l’indépendance thérapeutique et tarifaire indispensables pour que les responsabilités éthiques, civiles et pénales puissent entièrement être garanties en ce qui concerne les prestations supplémentaires, alors que seule leur responsabilité pénale peut être engagée pour les prestations inclues dans les forfaits DRG, le cas échéant.
C’est pour ces raison que la SVM et ses groupements refusent le diktat de l’ASA et continuent de négocier le conventionnement avec les assureurs qui en ont accepté le principe. Seul celui-ci permettra de garantir, dans un cadre conciliant, l’ensemble des obligations et responsabilité de chaque partenaire dans le respect des patient·es et des demandes de la FINMA. Tout en préservant l’autonomie des médecins vaudois et en assurant la neutralité des coûts, le conventionnement proposé par la SVM garantit la transparence nécessaire à un système de facturation géré en commun par les médecins et les assureurs.