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Analyse juridique

Les conséquences d’un vide conventionnel

Et si, le 1er janvier 2025, il n’y avait plus aucune convention tarifaire entre fournisseurs de soins et assurances, que se passerait-il ?

La plupart des conditions générales relatives aux contrats d’assurance complémentaire (voire toutes ?) conditionnent la prestation d’assurance à l’existence d’une convention tarifaire avec les hôpitaux et/ou médecins concernés.

Actuellement, il existe une grande incertitude quant au succès des négociations en cours entre les assurances et les prestataires de soins en matière de conventions tarifaires. La question se pose de savoir ce qu’il adviendra, dès le 1er janvier 2025, des factures médicales si une clinique ou un médecin n’a pas de convention tarifaire en vigueur avec une, plusieurs, voire toutes les assurances complémentaires.

Que dit la loi ?

L’article 35 de la loi sur le contrat d’assurance (LCA) stipule que les conditions générales d’assurance ne peuvent être modifiées en cours de contrat au détriment du preneur ou de la preneuse d’assurance, sans le consentement de ce dernier ou cette dernière. À notre sens, la modification des listes d’établissements/médecins pris en charge par l’assurance constitue une modification des conditions générales d’assurance. Cet avis n’est toutefois pas partagé par les tribunaux suisses qui ont (étonnamment) déclaré que ces modifications ne constituent pas une modification des conditions générales d’assurance, à tout le moins lorsque ces dernières prévoient le droit pour l’assurance de modifier en tout temps ses listes (TF 4A_142/2023) – ce qui sera certainement presque toujours le cas.

Ces clauses des conditions générales permettant d’exclure certains prestataires en tout temps seraient-elles insolites ? En substance est insolite une clause de conditions générales qui est inhabituelle dans la branche et qui ne pouvait être attendue de la part du/de la co-contractant·e. En l’espèce, les tribunaux ont déjà eu l’occasion de trancher qu’il est tout à fait admissible pour les assurances de prévoir de telles clauses dans leurs conditions générales, à tout le moins lorsque l’attention du preneur ou de la preneuse d’assurance a été expressément attirée sur ce point, par exemple au moyen d’un tableau explicatif (cf. ATF 133 III 607 ou, plus récemment, TF 4A_142/2023).

Et la concurrence déloyale ?

L’article 8 de la loi contre la concurrence déloyale qualifie de déloyales les dispositions de conditions générales prévoyant, au détriment du consommateur ou de la consommatrice, une disproportion notable entre les droits et obligations résultant du contrat. Dans sa récente décision précitée, notre Haute Cour n’a pas fait application de cette disposition, expliquant que « compte tenu du nombre restreint de prestataires ne figurant pas sur la liste des hôpitaux inclus dans l’assurance (12 cliniques sur un total d’environ 310 dans toute la Suisse), on ne saurait parler d’une disproportion importante et injustifiée entre les droits et obligations au détriment du preneur ou de la preneuse d’assurance » (TF 4A_142/2023, c. 5.5.2). On en déduit que si l’assurance avait soudainement une proportion notable de prestataires non pris en charge par rapport aux prestataires pris en charge, et seulement dans ce cas, il pourrait être question de concurrence déloyale au détriment des consommateurs/trices. Dans un tel contexte, la clause deviendrait probablement insolite également. Elle ne serait en définitive plus opposable aux patient·es.

Cela signifie que les tribunaux n’interviendront vraisemblablement en faveur d’une couverture des coûts de la médecine privée ou semi-privée que si les patient·es n’ont plus suffisamment de prestataires vers lesquels se tourner en vertu de leur couverture d’assurance.

En cas de refus valable de couverture par l’assurance (ou de couverture partielle seulement), fondé sur les conditions générales applicables, les médecins devront adresser leur facture complémentaire à leurs patientes et patients qui auront à débourser de leur poche pour les soins médicaux reçus.

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