Mais comment en est-on arrivé là ?
En décembre 2020 déjà, la FINMA annonçait dans un communiqué de presse que les décomptes de prestations devraient être profondément remaniés. Cette injonction sanctionnait plusieurs années d’audits au cours desquels l’autorité de surveillance a acquis la conviction, pour la faire courte, que les assureurs-maladie réglaient les notes d’honoraires comme elles leur parvenaient, sans grande influence sur leur montant ni compréhension quant à leur contenu.
La menace était suffisamment sérieuse pour affoler l’Association Suisse d’Assurances (ASA) qui, une année plus tard, négociait une période transitoire de « mise en conformité » qui s’étendrait jusqu’à la fin 2024. Cette période devait ménager aux partenaires tarifaires un délai raisonnable pour contracter, et donner ainsi une assise réglementaire au remboursement des honoraires.
Or nous y voilà justement, à quelques semaines du délai fatidique. Et force est de constater que les progrès attendus ne sont pas au rendez-vous.
Les sociétés médicales romandes ont tardé à prendre la mesure de l’enjeu, et n’ont pas su proposer une structure tarifaire susceptible de faire l’objet d’un consensus de branche. Elles en avaient pourtant l’opportunité. Elles étaient légitimes pour le faire. Il eût fallu pour cela s’intéresser plus sérieusement aux tendances du marché et aux exigences des autorités.
Et où va-t-on ?
Au lieu de cela, elles se sont engagées désunies dans des travaux tardifs, en sous-estimant la tâche démiurgique que représente la refonte complète d’une structure tarifaire.
La fenêtre de temps semble aujourd’hui trop étroite pour qu’un nouveau tarif romand n’émerge et ne serve de base aux négociations de fin d’année.
Vers quoi se dirige-t-on donc ? Vers un bras de fer entre assureurs, médecins et hôpitaux ? Vers un gel des admissions ? Vers une guerre médiatique ? Ou peutêtre simplement vers un plafonnement arbitraire des remboursements par le biais de modifications des conditions des produits d’assurance ? Tous les scenarii sont aujourd’hui possibles, et ne s’excluent pas mutuellement.
Une seule chose est certaine : l’incapacité de la branche à dialoguer nuit gravement au marché que nous avons tous en commun, celui des produits complémentaires.
L’abcès devra être crevé, mais je prends le pari qu’il nous laissera à toutes et tous un extraordinaire sentiment de gâchis. Et la désagréable impression que la culture du dialogue et du compromis qui a longtemps fait le succès du modèle suisse ne parvient plus à convaincre dans un domaine de la santé en crise.