Revêtir la casquette d’expert
Dans ce rôle d’expert, le médecin quitte temporairement sa posture de thérapeute. En déclarant une personne inapte à conduire, il ou elle fait face à un dilemme éthique et émotionnel: œuvrer pour la sécurité publique tout en sachant que le retrait du permis peut entraîner un isolement social, une situation dont le médecin pourrait se sentir responsable. Néanmoins, il est crucial de rappeler qu’éviter un accident grave est également dans l’intérêt de la personne concernée, tout en réduisant les risques légaux pour le médecin.
Préparer et atténuer le choc
Pour réduire les tensions liées à une décision d’inaptitude, une approche proactive est essentielle. En sensibilisant tôt la personne aux effets du vieillissement ou des maladies (cognitives, visuelles, etc.), le médecin peut introduire l’idée que l’aptitude à conduire n’est pas immuable. Participer à des cours pour seniors peut encourager une auto-évaluation des capacités de conduite. Le médecin peut également suggérer des alternatives de transport (famille, taxis, transports publics), rassurant ainsi la personne sur sa mobilité future.
Un dialogue anticipé et respectueux permet d’accompagner ces patient·es vers une meilleure acceptation de l’éventuelle cessation de la conduite. Grâce à la relation de confiance établie, le médecin peut parfois obtenir un renoncement volontaire au permis. Une décision délibérée est souvent moins douloureuse lorsque la personne se sent impliquée et respectée, facilitant ainsi la transition vers des solutions adaptées.
Des décisions mûrement réfléchies
En tant que médecin généraliste, j’ai parfois été amené à déclarer inaptes à la conduite quelques-un·es de mes patient·es atteint·es de troubles cognitifs. Deux patients ont choisi de me quitter pour cette raison. Malgré la tristesse, je n’ai jamais regretté ma décision. Les proches m’ont à chaque fois rapporté une détérioration rapide de leur état cognitif, ce qui a renforcé ma conviction d’avoir agi dans leur intérêt et celui des autres usagers et usagères de la route. Ce que je redoute bien davantage, c’est de ne pas signaler une inaptitude à temps et de voir un accident survenir en conséquence.
Formation ad hoc
Les médecins qui souhaitent effectuer des examens d’évaluation de l’aptitude à la conduite doivent être formé·es en conséquence. Plus l’examen à réaliser est complexe, plus les exigences fixées sont élevées. Il existe ainsi 4 niveaux de formation, selon qu’il s’agit de personnes âgées, de conduite professionnelle ou de cas complexes. En Suisse romande, le CREACA (Collège romand d’experts en aptitude à la conduite automobile) dispense les cours de formation des différents niveaux aux médecins. La liste des médecins habilité·es peut être consultée sur www.medtraffic.ch