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Interview de Laurence Boland

« La nouvelle planification hospitalière a fait l’objet de consultations avec les partenaires »

Malgré ses avantages en termes d’efficacité et d’économicité, la nouvelle planification hospitalière du canton de Vaud suscite aussi, depuis le 1er janvier 2024, des interrogations sur la continuité des soins et la participation des cliniques privées. Laurence Boland, directrice générale adjointe et responsable de la Direction Hôpitaux au sein de la Direction générale de la santé, nous expose les implications et enjeux de cette révision caractérisée par l’introduction d’une nouvelle approche basée sur les groupes de prestations.

Pouvez-vous nous décrire les principaux objectifs de la nouvelle planification hospitalière pour le canton de Vaud. En quoi diffèrent-ils de ceux de la planification précédente datant de 2011 ?

Depuis l’entrée en vigueur de la LAMal, les cantons sont tenus d’établir une planification hospitalière qui couvre les besoins en soins hospitaliers de la population et de publier une liste des établissements hospitaliers habilités à facturer à l’assurance obligatoire des soins. La LAMal prévoit que les cantons revoient périodiquement leurs planifications. La nouvelle planification hospitalière pour les soins somatiques aigus, entrée en vigueur le 1er janvier 2024, répond à cet objectif de révision périodique, afin de s’assurer que les besoins en soins de la population vaudoise restent couverts en fonction de leur évolution. Néanmoins, pour ajuster l’offre au plus près des besoins, et conformément aux recommandations de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS), les mandats sont dorénavant attribués aux établissements hospitaliers par groupes de prestations.

Quels bénéfices concrets cette attribution des mandats par prestations — et non plus globalement par établissement — apporte-t-elle aux patient·es, médecins et établissements ?

C’est la première fois que le Canton a utilisé la méthode standardisée des Groupes de prestations pour la planification hospitalière (GPPH) développée par le Canton de Zurich. Celle-ci permet une répartition plus fine de l’offre en soins à l’échelle régionale, visant à offrir aux patient·es un accès aux soins de proximité pour les missions non spécialisées, tout en centralisant les groupes de prestations qui nécessitent un haut degré de spécialisation. Cette approche définit des exigences spécifiques et des critères à remplir par GPPH, de manière à garantir des prises en charge sécuritaires et de qualité pour les patient·es. Elle permet également de regrouper les compétences des professionnel·les pour éviter les redondances, ce qui améliore l’économicité du système de santé. À l’échelle du Canton, cela nécessite une bonne coordination interinstitutionnelle. Depuis la mise en oeuvre de la nouvelle planification hospitalière au 1er janvier 2024, l’expérience a montré que cette collaboration entre établissements hospitaliers fonctionnait.

Quels ont été les principaux critères d’évaluation et de sélection des établissements hospitaliers lors de l’appel d’offres, et comment ont-ils été pondérés ?

Les postulations ont été analysées et appréciées selon les critères et leurs pondérations respectives décrits dans le rapport du Conseil d’État sur les conditions-cadres de l’appel d’offres (Rapport Conseil d’Etat).Les critères d’évaluation étaient de deux ordres. D’une part, des critères généraux qui visent à garantir la qualité, la sécurité et l’économicité des prestations, incluant des critères relatifs aux conditions de travail, à la rémunération du personnel et à l’obligation d’admission. D’autre part, des critères spécifiques aux groupes de prestations, certains communs à tous les GPPH et d’autres spécifiques en fonction des spécialités.

Les établissements ont été évalués et notés sur leur conformité à ces critères. L’analyse pour l’attribution des mandats a également pris en compte la localisation des hôpitaux pour assurer une couverture régionale des besoins.

Le partenariat public-privé DSAS-SVM a-t-il eu une influence sur la nouvelle planification hospitalière ?

La planification hospitalière a fait l’objet de consultations avec les partenaires, dont la SVM et les cliniques privées (ces dernières ayant la possibilité de postuler), pour comprendre les enjeux respectifs. Lors de l’évaluation des offres reçues, le Conseil d’État a reconnu la place des cliniques dans la couverture des besoins et leur a ainsi attribué des mandats dans les différentes régions.

Dans les régions périphériques et les petites structures, la pénurie de médecins à plein temps est un défi. La planification actuelle prend-elle réellement en compte la nécessité de recourir à des médecins agréé·es et la flexibilité des modèles organisationnels ?

La planification hospitalière actuelle permet aux établissements hospitaliers de recourir à des conventions de collaboration interinstitutionnelle pour répondre aux exigences de certains GPPH, notamment en matière de garde et de disponibilité de certain·es spécialistes. Les établissements hospitaliers peuvent également, et dans certains cas, s’organiser avec des médecins agréé·es.

Plusieurs acteur·trices, notamment du secteur privé, estiment que les critères techniques imposés rendent difficile, voire impossible, leur participation effective à la planification hospitalière. Que leur répondez-vous ?

Le Canton de Vaud a établi sa planification hospitalière en suivant les recommandations de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de la santé et de l’ordonnance sur l’assurance maladie (OAMal). Il est difficilement justifiable de s’écarter de critères admis par l’ensemble des autres cantons ou de conditions édictées par l’OAMal. Néanmoins, le système de notation et la prise en compte des besoins régionaux ont démontré que les cliniques avaient leur place dans la couverture des besoins et le Conseil d’État leur a ainsi attribué des mandats dans les différentes régions.

Comment la Direction générale de la santé accompagne-t-elle les établissements qui n’ont pas obtenu tous les mandats sollicités, et quelles alternatives leur sont proposées ?

Les établissements hospitaliers ont été consultés tout au long du processus de planification, de manière à pouvoir anticiper au mieux les décisions qui allaient être prises. L’attribution ou non de certains mandats spécialisés a nécessité la mise en place de collaborations interinstitutionnelles plus rapprochées, mais globalement la mise en œuvre de la nouvelle planification hospitalière s’est déroulée sans problèmes majeurs. L’enjeu pour la Direction générale de la santé est de s’assurer que les établissements réalisent les prestations qui leur sont confiées conformément aux critères définis, afin que la population vaudoise bénéficie des prestations nécessaires.

Quels enseignements le Canton de Vaud peut-il tirer de l’exemple de Wetzikon pour anticiper ou éviter une telle situation ?

Le processus de planification hospitalière intègre l’analyse de la pérennité économique des établissements hospitaliers, ce qui permet d’identifier d’éventuelles fragilités financières chez les établissements candidats. Le Canton de Vaud est attentif aux établissements hospitaliers qui présentent des situations financières difficiles. Il met en place, lorsque cela s’avère nécessaire, des commissions d’accompagnement visant à s’assurer que ceux-ci sont en mesure de maintenir ou retrouver un équilibre financier à court ou moyen terme.

Pour certaines spécialités, la formation médicale est presque exclusivement centralisée au CHUV. Comment le Canton anticipe-t-il le risque de saturation ou de fuite des jeunes médecins formé·es, qui ne pourront pas tous être absorbé·es par le CHUV ?

La centralisation de certaines prestations spécialisées au CHUV s’inscrit dans la stratégie de planification hospitalière. Le CHUV, en tant qu’hôpital universitaire, a pour mission la formation médicale. Cependant, les hôpitaux régionaux jouent aussi un rôle crucial dans la formation médicale post-graduée pour certaines spécialités, comme la médecine interne ou la pédiatrie. Le CHUV ne vise pas à employer tous les médecins formé·es mais à assurer la formation pour l’ensemble du système de santé vaudois.

Quels sont les mécanismes de suivi, d’évaluation et d’ajustement prévus pour cette nouvelle planification, afin de garantir qu’elle reste adaptée aux besoins et évolutions du système de santé vaudois ?

Un suivi du respect des conditions d’octroi et des prestations attribuées sera réalisé annuellement par la Direction générale de la santé à compter de l’automne 2025, sur la base des séjours hospitaliers réalisés en 2024. Le Canton prévoit, à l’instar de la plupart des autres cantons, une révision de sa planification hospitalière tous les dix ans environ, de manière à garantir l’adéquation de l’offre aux besoins de la population et leurs évolutions.

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