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Centrale téléphonique des médecins de garde

Entre détresse et agressivité: le quotidien d’une infirmière régulatrice

Infirmière depuis 22 ans, je suis actuellement en poste à la Centrale téléphonique des médecins de garde (CTMG), où tout repose sur l’écoute et la détection de la souffrance à distance. Si elle ne menace pas mon intégrité physique, la violence verbale existe et n’en reste pas moins marquante.

Auparavant infirmière de transfert, j’évoluais dans les 12 mètres cubes d’une ambulance, impliquant une proximité accrue avec le ou la patient·e et des débordements physiques pouvant surgir en route. C’est une réalité que je devais d’autant plus anticiper – un quotidien très différent de celui que je vis aujourd’hui ! En tant que régulatrice sanitaire à la Centrale téléphonique des médecins de garde, il m’arrive aussi d’être confrontée à l’agressivité des appelant·es. J’aime dire que l’urgence est subjective et qu’il faut savoir écouter chaque situation.

Entre attentes et réalités

Je remarque qu’une source non négligeable de violence verbale émane d’une frustration liée à l’inadéquation entre attentes et réalité. Contrarié·es par un temps d’attente parfois important au téléphone, surtout durant les congés, les patient·es peuvent manifester leur mécontentement, voire leur colère, au bout du fil. Beaucoup pensent qu’ils ou elles seront pris·es en charge immédiatement une fois le tri vital effectué, ce qui n’est pas le cas.

En outre, lors des fermetures des cabinets médicaux, la patientèle est redirigée vers la Centrale pour toutes les questions de santé perçues comme urgentes, ce qui peut aussi générer, selon les périodes, de la frustration. Les patient·es expriment une lassitude du système et leur agacement lié au prix élevé des primes d’assurance-maladie, ce que je comprends, étant moi-même patiente.

Le service à la CTMG est assuré en première ligne par du personnel administratif formé pour évaluer l’urgence vitale, suivi des infirmiers et infirmières en deuxième ligne qui évaluent les situations, avant de dispenser des conseils ou orienter vers la ressource la plus adéquate sur la base de l’heure, du jour et de la situation médicale. Le nom « Centrale téléphonique des médecins de garde » peut prêter à confusion et susciter de l’incompréhension.

L’impact de la violence verbale sur la prise en charge

M’appuyant sur les protocoles et mon expérience professionnelle, je conseille et/ou j’oriente les appelant·es vers les ressources les plus adaptées. Certain·es, espérant un rendez-vous, sont orienté·es vers un service d’urgences, ce qui peut générer de l’agressivité. J’apaise la discussion en expliquant le raisonnement selon la situation médicale et les limites des ressources. Selon les besoins, en cas d’urgence vitale, de danger pour la personne ou autrui, ou pour faire « au mieux » dans les circonstances, j’adapte la prise en charge: rappel, ambulance, police ou encore intervention d’un CMS dont l’équipe, parfois déjà familière du ou de la patient·e, peut gérer la situation différemment une fois sur place.

L’importante responsabilité que je porte lors de ces prises en charge exige parfois que je recadre la discussion, tout en faisant preuve d’écoute, en paraphrasant ou même en haussant le ton. Vouloir aider sans être entendue ou subir des agressions verbales engendre une certaine frustration que j’ai appris à canaliser en parlant avec un·e collègue, en le partageant avec mes proches, ou surtout en faisant une pause. Nous pouvons également signaler les débordements à notre hiérarchie.

Cependant, quand je constate qu’une personne a été bien conseillée, adéquatement orientée et apaisée à l’issue d’un appel, cela apporte du sens à cette approche dans ma profession.

La CTMG, une équipe de première ligne confrontée à la violence au téléphone

La CTMG traite 250 000 appels par an, avec des pics en fin d’année dépassant 1500 appels quotidiens, selon Brigitte Jacquat-Bitsch, Cheffe de secteur CTMG. L’attente peut engendrer impatience et comportements inappropriés, cependant, les régulateurs et régulatrices comprennent que les situations perçues comme urgentes par les patient·es génèrent de l’angoisse. Formé·es à la communication téléphonique, les collaboratrices et collaborateurs peuvent débriefer entre pairs après les appels « difficiles » et/ou avec l’équipe d’encadrement. Tous les appels sont enregistrés et réécoutables si nécessaire. En cas d’insultes ou de non-respect avéré, un courrier de recadrage peut être envoyé au ou à la patient·e concerné·e, mais cela reste une mesure exceptionnelle.

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