Le personnel est principalement exposé à des agressions verbales, telles que dénigrements, propos racistes, insultes et menaces. Il est également confronté à de la violence physique, incluant crachats, bousculades, coups et blessures. Une proportion importante d’agressions, notamment verbales, n’est probablement pas signalée. Grâce aux compétences de nos collègues de terrain, seul un faible nombre de ces situations dérive vers des comportements violents plus graves.
Les actes de violence peuvent être classés en quatre catégories :
- Insultes, propos discriminatoires, comportements perturbateurs : 41%
- Agressions physique : 37 %
- Menaces : 21%
- Agressions physiques avec objet ou arme : 1%
Pourquoi plus d’agressivité en psychiatrie ?
Plusieurs facteurs expliquent la prévalence de la violence en psychiatrie. En plus des actes liés à la symptomatologie psychotique, maniaque ou aux troubles cognitifs, le fait que de nombreux et nombreuses patient·es arrivent à l’hôpital sous l’emprise de substances augmentant l’impulsivité joue un rôle déterminant. D’autre part, les patient·es hospitalisé·es sous contrainte en PLAFA (placement à des fins d’assistance, soit 30% des cas) peuvent percevoir les soignant·es comme des adversaires, rendant le climat très volatile. Cette tension est d’autant plus marquée si l’état du/de la patient·e justifie la mise en place d’un traitement médicamenteux contre son gré, une décision que l’on s’efforce d’éviter autant que possible.
Recenser et prévenir
L’augmentation de la violence en milieu psychiatrique s’explique aussi par une évolution du point de vue de la direction à l’égard de la violence contre les soignant·es. Si, par le passé, certain·es considéraient que l’exposition à la violence «faisait partie du métier» en psychiatrie, le Département de psychiatrie du CHUV adopte aujourd’hui une attitude bien différente, très éloignée de cette banalisation. L’impact de la violence sur les soignant·es et sur leur capacité à effectuer un travail de qualité a conduit à la mise en place d’un système de recensement de ces événements. L’objectif est double : mieux soutenir les équipes et développer des stratégies préventives, notamment par le biais de formations spécifiques. La moindre réticence des soignant·es à signaler ce type d’événement explique probablement une part de l’augmentation observée. Pour permettre aux soignant·es de se concentrer pleinement sur leur mission de soin, le CHUV a engagé des agents de sécurité spécifiquement formés, en plus du dispositif de signalement. Des formations en prévention et gestion de la violence ont également été mises en place pour l’ensemble des professionnel·les. La supervision étroite par les cadres, les discussions cliniques et la formation permettent de mieux saisir les enjeux de chaque prise en charge, d’aider le ou la patient·e à mieux comprendre sa situation et d’éviter le recours à la violence.
Face à un système surchargé et aux risques de violence liés aux pathologies psychiatriques, les stratégies mises en place réduisent les événements graves, apaisent de nombreuses situations et préservent la qualité des soins. La formation des collaboratrices et collaborateurs reste une priorité, comme le renforcement des approches préventives en santé mentale, afin d’éviter que la violence ne devienne le seul mode d’expression lorsqu’une hospitalisation s’impose.
Qu'en est-il aux urgences somatiques du CHUV?
Nous observons également une recrudescence d’actes d’incivilité, de violence verbale ou physique aux urgences du CHUV. Un grand nombre de ces situations est lié à un contexte psychiatrique ou à un abus de substances. Plus inquiétantes sont les manifestations d’agressivité ou de violence liées à la détresse, l’angoisse ou la frustration des patient·es ou de leurs proches, qui s’inquiètent ou doivent attendre durant leur prise en charge.
Adapter les urgences à une réalité en mutation
Le Service des urgences a mis en place plusieurs stratégies pour s’adapter à cette évolution. Il dispose d’agents de sécurité 24h/24, formés à la prise en charge de patient·es. Le personnel médico-soignant est également sensibilisé et formé à la prise en soins des patient·es à risque de violence ou violent·es. Un travail est fait pour informer les patient·es sur le parcours de soins ou les délais d’attente, et disposer de conditions d’accueil et d’attente favorables: accès au wifi, chargeurs de smartphone, espace de collation. Pour les patient·es présentant dès le préhospitalier un état d’agitation majeur, nous disposons depuis fin 2021 d’une filière dédiée, permettant de les accueillir de manière sécurisée (170-200 cas/an). Le service des urgences est le reflet de notre société: si la violence augmente, les médecins en cabinet, comme l’ensemble des professions en contact avec des patient·es, en font également l’expérience. L’incertitude et l’angoisse face à l’avenir sont des catalyseurs de comportements violents. Une partie de ces éléments peut être améliorée et nous poursuivons nos efforts en ce sens.
La « bulle » « urgence » supposée « salvatrice » autant en médecine qu’en psychiatrie est l’ultime lieu d’adresse pour un sujet en déshérence qui n’est plus « sujet » nulle part! Si une « société » (?!), fabrique des « non sujets », aucune « urgence » ne pourra traiter les causes sociétales mais elle pourra au « un par un » proposer des solutions respectueuses adaptées hors « comptage » d’efficacité ! Une goutte d’eau mais…à la fin, un océan! Parole de psychiatre, 45 ans d’exercice!