Publicité

Pierre-André Repond

“Le meilleur avocat d’un patient reste son médecin”

Pierre-André Repond, secrétaire général de la Société vaudoise de médecine depuis fin 1998 et rédacteur en chef de DOC, quittera ses fonctions à l’automne 2022. Il revient sur les moments forts de sa carrière au sein de l’association et nous livre ses espoirs et ses craintes pour le futur de la médecine vaudoise.

© Laurent Kaczor

Quels sont les trois moments qui vous ont le plus marqué au sein de la Société vaudoise de médecine (SVM) ?

Sur une longue période il y en a forcément eu plus. Certains sont davantage publics et médiatiques comme l’organisation par la SVM de la première grande manifestation du corps médical – contre la clause du besoin déjà ! – il y a plus de 20 ans à Berne avec plusieurs milliers de participants. Les craintes à l’origine de cette opération se sont hélas avérées fondées et ressurgissent aujourd’hui (voir aussi pp. 12-17). S’agissant de moments moins visibles mais non moins forts, on peut mentionner la création du centre de confiance de la SVM ou de sa fondation LPP qui suit une courbe de croissance constante et dépasse désormais les 1000 assurés. Les avantages de ces deux instruments pour la profession ont été très nombreux. La SVM a aussi obtenu plusieurs résultats au plan fédéral. En faisant voter par la Chambre médicale de la FMH le principe d’un référendum automatique, elle est parvenue à empêcher les tentatives d’instaurer une liberté de contracter par les assureurs qui leur aurait laissé le choix des médecins autorisés à facturer à charge de l’assurance-maladie.

Et votre plus grande réussite ?

J’ai voulu œuvrer dans l’intérêt de tous les médecins, et par conséquent dans l’intérêt de leurs patients. Nous avons pour cela négocié âprement un arsenal de conventions tous azimuts. Des conventions tarifaires dont l’introduction de TARMED mais aussi la première convention collective des médecins-chefs (CCT), la première convention d’organisation de la garde suivie d’une convention de collaboration avec le Département de la santé et de l’action sociale, ainsi que les soins à domicile, l’hébergement, le dépistage du cancer du sein et du côlon, la convention instaurant un réseau d’oncologie, etc. L’objectif a consisté à préserver simultanément la liberté thérapeutique du médecin autant que sa situation économique.

Qu’est-ce qui a fondamentalement changé dans la profession médicale sur sol vaudois en plus de 20 ans ?

La féminisation de la profession, bien sûr, qui a commencé par les études de médecine puis gagné progressivement nos effectifs et tous les organes. Les femmes médecins des nouvelles volées sont désormais devenues majoritaires. Plus largement, on a vu évoluer la conception du travail et la recherche d’un équilibre entre vie privée et professionnelle où hommes et femmes des nouvelles générations se rejoignent. En médecine, cette évolution a été clairement accentuée par l’introduction de la clause du besoin qui a rompu l’équilibre entre l’engagement considérable attendu dans les hôpitaux et les perspectives d’avenir, notamment l’installation en pratique libérale. Ce qui a changé aussi, c’est la taille des organisations. Les assureurs-maladie ne sont plus les mutuelles d’alors mais des acteurs financiers à l’échelle nationale ; et les hôpitaux régionaux sont passés du statut d’établissements de taille modeste sans médecins salariés à celui de holding concentrant progressivement les soins aigus, la gériatrie, la réadaptation et l’ambulatoire, démultipliant au passage leurs budgets.

Et qu’est-ce qui n’a pas bougé ?

C’est la tension, et parfois la confusion, entre les problèmes inhérents au système de santé, de niveau cantonal, et ceux liés au système d’assurance-maladie, de niveau fédéral. Ce décalage entre l’évolution des primes et des coûts de la santé se traduit par le traditionnel rituel d’annonce des hausses de primes qui intervient toujours plus tôt dans l’année.

Quel bilan personnel tirez-vous de votre carrière au sein de la SVM ?

Malgré les luttes et un environnement souvent hostile ou du moins ambivalent face à la profession, j’ai eu un immense plaisir à me mettre au service de la cause médicale dans le cadre de la SVM. J’ai retenu du président qui m’a engagé que le meilleur avocat du patient reste son médecin et que la meilleure chose qu’on puisse faire pour lui est de permettre au médecin de le soigner dans de bonnes conditions. Malgré certains moments difficiles et les responsabilités, j’en garderai d’excellents souvenirs.

Quels devront être les points d’attention du futur secrétaire général ?

La SVM est une entreprise dynamique et en pleine forme à tous points de vue. Elle dispose de nombreux atouts qu’il convient de renforcer, à commencer par l’équipe du secrétariat général sans laquelle rien ne serait possible. Le terrain est donc favorable pour prendre de nouvelles initiatives créatives. Il faut garder à l’esprit que le secrétariat général est un organe statutaire de la SVM et pas un simple rouage administratif. Il doit toujours porter haut les intérêts à long terme de l’ensemble des membres au-delà des clivages et des intérêts qui sont toujours possibles. C’est justement la raison d’être de la SVM de les fédérer pour les faire valoir à l’extérieur. Pour le surplus, je n’entends donner aucune leçon mais tout mettre en oeuvre, le moment venu, pour une transition réussie.

Vos trois souhaits pour le futur de la médecine vaudoise ?

A l’heure de la mondialisation, la centralisation est partout à l’œuvre. Le risque est de s’éloigner toujours plus des besoins concrets des gens. Si on n’y prend pas garde, la concentration va de pair avec des formes de déshumanisation déjà à l’œuvre dans bien des secteurs de l’économie ou de l’administration. La médecine reste un des derniers bastions de cette humanité, ce qui ne s’oppose pas à la rationalité économique. Au contraire, on constate que, paradoxalement, la rationalisation du système s’est accompagnée d’une hausse des coûts et des primes maladie. La SVM doit donc veiller à préserver des conditions qui rendent possible la relation de confiance avec le patient et la liberté thérapeutique, et à réduire les intrusions qui sont hélas 08 fréquentes voire systémiques et coûteuses. Elle doit aussi continuer à travailler pour l’unité du corps médical comme le veulent les statuts car c’est la clé de voûte de notre action. Et enfin, persévérer dans le tissage de collaborations et de conventions avec les nombreux partenaires de la SVM, tout en garantissant les conditions matérielles et juridiques de son indépendance.

Un message personnel aux quelque 4000 membres de la SVM ?

Merci à tous les membres pour leur confiance et leur soutien constant pendant toutes ces années, leur investissement auprès de leurs patients. Et particulièrement à toutes celles et ceux qui s’engagent en plus dans la politique professionnelle à différents niveaux, engagement sans lequel la SVM n’existerait pas.

Partagez votre opinion sur cet article !

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires