Si l’outrage aux moeurs recouvre souvent la notion d’attentat à la pudeur, sa compréhension varie au gré des siècles. Le viol, lui, fait l’objet d’une réprobation constante, puni par la peine de mort. Dans le Coutumier Lillois, un recueil de droit de la fin du 13e siècle, on lit : « Lois en cheste ville que quiconques fairat, si comme de femme efforchier, il doit être justichiés et mis à mort. » L’exécution se faisait par décapitation, à l’aide d’une planche de bois. La Caroline de 1532, l’un des premiers codes criminels écrits de l’Europe moderne, est claire : si le viol est consommé, la peine de mort est requise.
Berne, un exemple de répression précoce
Berne, en 1708, interdit aux officiers et soldats « d’offenser en aucune manière femmes, enfants et vierges, sous peine de vie. Toujours Berne, en 1758, punit sévèrement les domestiques qui vont « jusqu’au point de débaucher les enfants de la maison, soit en les séduisant eux-mêmes, soit en les engageant dans un commerce défendu avec d’autres. » La pédophilie, tout comme l’inceste, semblent être sous-jacents à de tels comportements.
C’est au 19e siècle que les médecins apparaissent, avec la loi de 1810 sur la « Police de Santé des hommes ». L’art. 58 précise que les chirurgiens-accoucheurs doivent signaler à la Justice de paix tout avortement forcé ou accouchement clandestin, ce qui permet, en amont, de vérifier s’il y a eu viol. Un médecin parisien constate, en 1837, que le viol constitue un crime courant, que les parents étouffent pour sauver la réputation de leur fille, laissant ainsi échapper les coupables. Attaché au bureau des admissions des hôpitaux, il crée « une consultation » recevant les victimes.
Tardieu, pionnier de la preuve médico-légale
En 1873 paraît, en 6e édition, une Étude médico-légale sur les Attentats aux moeurs par le Prof. Ambroise Tardieu. Remarquablement documenté par des statistiques et de très nombreuses vignettes cliniques, l’ouvrage fait une analyse exhaustive du problème : outrage public à la pudeur, photographies obscènes, zoophilie. Viols et attentats à la pudeur, y compris dans les cas impliquant des victimes de même sexe, sont décrits, quantifiés, avec cette remarque que « les liens du sang ne servent trop souvent qu’à les favoriser. » Il consacre un important chapitre à la pédophilie adulte, y compris maternelle, mais aussi aux jeunes garçons et adolescents qui en sont victimes.
Quelque 150 ans plus tard, les mêmes drames se répètent encore. Pourtant cet ouvrage aurait dû servir d’alerte aux viols commis dans les institutions, par exemple. La médiatisation actuelle permet aux médecins une meilleure écoute de leur patientèle, femmes, hommes ou enfants, pour déceler à temps une agression sexuelle et proposer une prise en charge adéquate.