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Politique

Trois dossiers cantonaux conditionneront l’avenir de la médecine vaudoise

Pour défendre l’équité d’accès et la qualité des soins, trois dossiers revêtent plus que jamais une importance particulière au niveau cantonal : la clause du besoin, la valeur du point TARMED et la planification hospitalière. Tour d’horizon et exposé des enjeux pour les médecins vaudois-es et leurs patient-es, à l’heure de renouveler un gouvernement qui déterminera l’évolution de ces sujets cruciaux.

Après avoir contribué loyalement à un traitement raisonnable de ces dossiers dans le cadre du partenariat entre le Département de la santé et de l’action sociale (DSAS) et la Société vaudoise de médecine (SVM), notre association déplore que leur gestion soit devenue de plus en plus unilatérale.

Clause du besoin : l’évolution démographique doit être prise en compte

Une nouvelle réglementation fédérale concernant l’admission des fournisseurs de prestations à facturer à l’Assurance obligatoire des soins (AOS), dite « clause du besoin », est entrée en vigueur en juillet 2021. Notamment, quatre ordonnances fédérales révisées donnent désormais les pleins pouvoirs aux cantons pour préciser d’ici 2023 les possibilités d’installation de nouveaux médecins sur leur territoire. Certains cantons n’en feront pas usage mais le canton de Vaud est tenté de faire du zèle.

La SVM plaide pour que la reprise de cabinets existants et l’installation de médecins de premier recours soient exemptées de toute limitation, comme dans un passé récent, et que tous les médecins remplissant actuellement les conditions voient leurs droits acquis sauvegardés. Elle demande également que son préavis et celui de ses groupements de continuent à être pris en considération lors de chaque demande, afin de favoriser des installations au bon endroit et au bon moment.

Déjà aujourd’hui, il n’est pas facile de trouver rapidement un rendez-vous dans un cabinet médical, y compris chez certains spécialistes. Selon les dernières prévisions démographiques du Canton, on annonce environ 200’000 personnes de plus ces vingt prochaines années, et un vieillissement accéléré de la population. Toutes spécialités confondues, c’est au moins 500 médecins installés de plus qu’il faudra, sans parler du remplacement de celles et ceux qui prendront leur retraite ou du souhait de la nouvelle génération de médecins de travailler à temps partiel. Or toutes les mesures discutées actuellement visent à juguler l’offre, alors qu’il faudrait tenter de favoriser la relève !

Valeur du point : des intentions étatiques contre-productives, à la légalité douteuse

La SVM redoute par ailleurs un départ précipité à la retraite de praticiens en fin de carrière si la volonté exprimée en mai 2021 par le Conseil d’Etat, dans le cadre de sa réponse à un postulat du député Riesen, venait à se réaliser. Le gouvernement y fait part de son intention de faire baisser progressivement la valeur vaudoise du point TARMED de 4%, ce qui représenterait jusqu’à 12% de revenu en moins pour le médecin compte tenu des charges incompressibles d’un cabinet de l’ordre de deux tiers (loyer, personnel, équipement, frais, etc.). Le tout sans réelle prise en compte de la LAMal, du cadre conventionnel et de la jurisprudence, mais surtout de la réalité économique du terrain.

Outre le fait que le Conseil d’Etat entend persister sur une voie dont l’illégalité lui a récemment été rappelée par le Tribunal administratif fédéral, et contre laquelle la SVM continuera à lutter, cette proposition va à l’encontre du bon sens. D’abord, elle pénaliserait davantage les médecins de premier recours, ce que le postulant et le Grand Conseil ne voulaient justement pas ! Deuxièmement, elle interviendrait juste avant l’introduction d’une nouvelle structure tarifaire fédérale (TARDOC ou dérivée) amenée à remplacer TARMED, avec un mécanisme de neutralité des coûts.

C’est dans ce contexte que, le 24 juin dernier, l’Assemblée des Délégués de la SVM a voté massivement une résolution visant l’attitude du Conseil d’Etat et l’enjoignant à respecter le cadre légal fédéral concernant les conventions avec les médecins. Du point de vue de la santé de la population comme de la maîtrise des coûts, et compte tenu des perspectives démographiques, elle demande aussi au Conseil d’Etat de favoriser le développement d’une offre en cabinets garante de l’accessibilité et de la qualité des soins.

Dans le cadre des travaux de la Commission thématique de la santé publique (CTSAP) chargés de préaviser sur la réponse au postulat Riesen, la SVM a enfin pu présenter son analyse de la situation et ses arguments. L’épilogue au Grand Conseil est désormais attendu après les élections cantonales.

Planification hospitalière : la centralisation n’est pas une solution

Le constat n’est guère plus réjouissant en milieu hospitalier. Conformément à l’obligation légale de réviser régulièrement sa planification hospitalière, le DSAS a mis en consultation en mai 2021 auprès de plusieurs partenaires (mais pas spontanément de la SVM !), un projet particulièrement centralisateur qui a fait l’unanimité contre lui. En substance, il était annoncé une forte volonté de concentration de compétences médicales au CHUV, au détriment des hôpitaux régionaux et des cliniques privées, tout comme le conditionnement de l’obtention de mandats de prestations à la salarisation de tous les médecins (fin du statut de médecin agréé-e) par les établissements publics et privés. Soit une impossibilité totale pour les cliniques privées de prétendre même maintenir les prestations actuelles délivrées dans le domaine AOS, et la fin annoncée ad minima de toutes les gardes spécialisées dans les hôpitaux régionaux, où interviennent des médecins indépendants agréé-es.

Là aussi, on a rapidement constaté des problèmes de conformité à la LAMal et à la jurisprudence, avec une complémentarité entre secteur public et privé de la santé, pourtant voulue au niveau fédéral, que l’on tente de contourner en terres vaudoises. Affaire à suivre en 2022, le calendrier ayant été repoussé d’une année suite au tollé suscité.

Des alternatives à la centralisation existent, telles que la mise en réseau de tous les spécialistes. L’excellent réseau d’oncologie, initié sous l’égide du partenariat DSAS-SVM comme alternative à la concentration de la médecine hautement spécialisée, en est un parfait exemple.

Pour assurer une médecine équitable, qualitative et durable à nos patient-es, souhaitons que le gouvernement cantonal fraîchement renouvelé saura considérer sainement ces trois dossiers particulièrement sensibles, en rétablissement pleinement le dialogue avec un corps médical qui n’appelle qu’à cela !

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