Jusqu’à 2012, le financement des coûts du stationnaire était basé sur l’établissement (hôpital ou clinique) plutôt que sur les prestations. La contribution des cantons variait ainsi selon les régions et les types d’établissement.
La réforme du financement hospitalier de 2012 est venue brouiller les cartes en introduisant un financement axé sur les prestations et en obligeant les cantons à participer aussi aux coûts du stationnaire pour les patient·es privé·es dans les hôpitaux listés. Les progrès techniques ont, quant à eux, permis davantage d’opérations en ambulatoire, réduisant également la facture pour les assureurs complémentaires. Pour autant, les assuré·es complémentaires n’ont pas vu leurs primes diminuer de manière reconnaissable.
Une impulsion attendue par les assureurs
L’Autorité de surveillance des assureurs privés, jusque-là peu active, s’est exprimée sur le sujet le 17 décembre 2020. Constatant que les factures (des cliniques et des médecins) sont souvent opaques, la FINMA attendait un controlling plus efficace des contrats avec les fournisseurs.
Constatant des variations d’un hôpital à l’autre (sic), la FINMA relève des « indices laissant penser que dans certains cas, les coûts d’hôtellerie facturés dans les hôpitaux dépassent systématiquement les coûts réels ». Faudrait-il facturer au prix coûtant ?
Effet immédiat : dès 2021, l’Association Suisse d’Assurances (ASA) édicte onze principes destinés à garantir « une transparence et une lisibilité accrues », afin qu’au plus tard en décembre 2024, toutes les conventions soient dénoncées ou remplacées. Sous menace de la FINMA de ne pas approuver les nouveaux produits d’assurance complémentaire d’hospitalisation.
Que veulent les assureurs privés ?
Pour éviter la double facturation avec l’AOS, les assureurs exigent une justification des marges bénéficiaires des hôpitaux privés et bientôt des médecins. Bien que le marché de la santé du secteur privé, contrairement à l’assurance sociale, réponde largement aux règles du marché, et donc de la concurrence. Cette pression aura un impact sur l’offre et sur la qualité, certaines prestations ne pouvant pas être maintenues aux tarifs imposés par certains assureurs.
Comment estimer la valeur du libre choix du/de la patient·e ? La valeur de la confiance en un médecin, en un établissement où les visites des proches se dérouleront aisément ?
Choisir par qui et où se faire opérer est central dans l’assurance complémentaire. Or, sans information proactive à leurs assuré·es, les assureurs modifient des « listes négatives », excluant des établissements – et sans doute bientôt des médecins – exerçant ainsi une sélection opaque entre fournisseurs, et privant les médecins de leur lieu d’opération de choix.
Et les assuré·es dans tout cela ?
La FINMA voulait rassurer le 17 décembre 2020 : « Il est important pour les assurés de savoir que leur couverture est maintenue, indépendamment du fait qu’il y ait un contrat entre l’assurance-maladie complémentaire et les fournisseurs de prestations. » La réalité est autre. Si une personne assurée est opérée dans un hôpital non admis, tout est à sa charge selon les CGA, l’assureur ne versant même pas ce qu’il accorderait dans l’établissement agréé le plus proche. C’est un droit de vie et de mort économique d’un hôpital ou d’un médecin. Le Tribunal fédéral, dans un récent arrêt du 15 août 2023 (4A_142/2023), n’a pas considéré que la possibilité pour un assureur d’établir une liste négative des établissements assurés, et de la changer en cours de contrat, pouvait être une clause insolite susceptible d’être écartée, tous les assureurs y ayant recours. L’inadmissible, lorsqu’il est répandu, devient ainsi un critère de normalité… Par ailleurs, cette clause étant claire et non équivoque, l’assureur pouvait refuser totalement ses prestations, y compris pour les médecins ayant opéré dans un tel établissement. À quoi ont donc servi les primes versées ?
« L’inadmissible, lorsqu’il est répandu, devient ainsi un critère de normalité. »
Que faire ?
Seule la force respective des parties en présence semble être à même d’équilibrer les négociations. La FINMA, à qui il incomberait de rappeler le rôle complémentaire de la médecine privée dans notre système de santé, n’ayant pas (encore) saisi la distorsion que ses incitations ont engendré, il appartient aux faîtières des hôpitaux privés, des associations médicales et des associations d’assuré·es et de consommateurs/trices d’imposer les principes de la bonne foi sans lesquels il n’y aura plus d’intérêt à souscrire de telles assurances. À défaut, le législateur fédéral devra se saisir de cette question.