D’après la philosophe britannique Onora O’Neill, avoir confiance signifie croire qu’une personne ou un groupe agira de manière compétente, honnête et fiable. La confiance naît dans les attentes, qu’elles soient justifiées ou non, réalistes ou non. Une personne accorde sa confiance lorsqu’elle pense que ces attentes seront remplies. Comprendre cela, c’est comprendre ce qui peut fragiliser la confiance envers la médecine. Avoir accès sans discrimination aux soins, être respectée comme une personne à part entière dont la valeur égale est reconnue : telles sont les attentes auxquelles la médecine doit être capable de répondre. Or, lorsque les vulnérabilités s’accumulent, ces attentes sont menacées.
Identifier et contrôler ses biais
Les médecins, comme tout individu, évoluent dans un environnement véhiculant des stéréotypes qui leur sont transmis. Si notre société tient certains groupes ethniques à l’écart, réprouve l’obésité, peine à comprendre la transidentité ou attend des patient·es qu’ils ou elles acceptent les traitements sans discuter, alors nous entrerons en médecine avec ces stéréotypes intégrés dans nos réflexes et notre pensée. Malgré l’apprentissage d’une médecine équitable, l’entraînement à l’accueil des besoins médicaux de chacun·e et le développement de l’autonomie dans la prise de décision, ces stéréotypes restent têtus. Si les médecins cherchent en vain des moyens efficaces de les amoindrir, les plus expérimentés n’en sont pas plus libres que les débutants. Seule lumière à l’horizon : les médecins aguerris, même biaisés, parviennent mieux à tenir leurs biais à distance de leurs décisions cliniques.
Pour être digne de confiance, la première étape consiste donc à en prendre conscience pour les tenir à l’écart de nos décisions.
Montrer nos efforts
Pour gagner leur confiance, nous devons aussi faire connaître nos efforts car nos patient·es ont aussi intégré ces stéréotypes. Si vous étiez victime de stigmatisation, de discriminations, de dénigrements au quotidien, comment sauriez-vous dans quelle mesure la médecine échappe ou non à cette logique ? J’ai perdu un patient il y a des années, après qu’il avait tardé à consulter par manque de confiance dans le secret professionnel. Lorsqu’elles viennent consulter, et ce n’est pas toujours le cas, les personnes vulnérables se présentent souvent avec un déficit de confiance. Pour le combler, il ne nous suffit pas d’être dignes de confiance, nous devons aussi le démontrer et veiller à ce que nos patient·es en soient conscient·es.