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Politique

Libre choix du médecin: un pilier de notre système de santé menacé

L’association faîtière des assureurs-maladie santésuisse a affiché mi-janvier dans un communiqué sa volonté d’imposer le modèle de « gatekeeper » comme nouveau standard de l’assurance de base.

Dr Philippe Eggimann © Laurent Kaczor

Cette nouvelle norme impliquerait que les patient-es consultent prioritairement un médecin de premier recours parmi une liste restreinte, selon des critères déterminés par l’assureur. Le libre choix du médecin serait ainsi considéré comme un modèle alternatif supérieur, disponible moyennant un coût supplémentaire. La démarche s’inscrit clairement dans une volonté de limiter la hausse des coûts de la santé. santésuisse justifie sa proposition par les données de l’Office fédéral de la santé publique, selon lesquelles 75% des assuré-es optent aujourd’hui déjà pour un modèle restrictif et ne seraient dès lors pas impacté-es par cette mesure.

«Accepter cette limitation du libre choix et la légaliser, c’est consentir à un nivellement par le bas qui sape un des fondements mêmes de la LAMal.»

Comme médecins mais surtout comme patient-es, il y a pourtant lieu de s’alarmer des implications d’un tel changement de système. Accepter cette limitation du libre choix et la légaliser, c’est consentir à un nivellement par le bas qui sape un des fondements mêmes de la LAMal. Des votations populaires ont confirmé à plusieurs reprises l’attachement des Suisses-ses à cette liberté. En 2012, la révision de l’assurance-maladie sur les réseaux de soins intégrés, dits «managed care», avait été balayée par 76% des votant-es. La loi aurait incité les médecins et les soignant-es à privilégier les traitements moins coûteux et par conséquent à ne plus soigner leurs patient-es de manière optimale. C’est aussi le risque lié à cette nouvelle proposition: le critère du coût pourrait primer sur celui de la qualité.

Saturation des généralistes

De plus, le modèle prévu par santé-suisse impliquerait que le premier point de contact vérifie si le/la patient-e a besoin d’un traitement médical, cas échéant par un-e spécialiste. Un obstacle supplémentaire et contre-productif dans bien des cas qui affecterait tout particulièrement les 2,7 millions de personnes atteintes de maladies chroniques en Suisse (soit environ un tiers de la population), lesquelles doivent pouvoir compter sur une relation médecin-patient durable, y compris avec leur spécialiste. Dans tous les cas, les consultations tant du gatekeeper que du/de la spécialiste finalement consulté-e devraient alors être financées. Economiquement, le gain d’efficience est douteux.

Le passage obligé par un médecin de famille encombrerait en outre sa consultation, dans un contexte de profonde saturation des généralistes vaudois-es relayé notamment via un sondage publié dans la 3e édition de DOC publiée en août 2022. Au final, les délais de prise en charge s’allongeraient certainement. La proposition de santésuisse ne ferait donc qu’exacerber les tensions déjà existantes et renforcer la pression que subissent les médecins de premier recours.

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1 Commentaire
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l’alternative est elle de devoir exposer au patient les lacunes potentielles dans la gestion initiale de la prise en charge ?, le praticien ne devrait pas oublier qu’il porte la responsabilité administrative, qu’il tient le parapluie administratif pour l’assurance et donc se fait mouiller … et reste responsable. Prévoyez un upgrade de votre police d’assurance RC ?