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Le modèle de la médecine intégrative

Concilier médecines conventionnelle et complémentaire

Une part grandissante de la population fait appel aux médecines complémentaires, recommandées aussi parfois par les sociétés de médecine. Il est désormais nécessaire de prendre les mesures pour que le système de santé s’adapte à cette nouvelle approche qu’est la médecine intégrative.

Les médecines complémentaires sont utilisées pour de nombreux problèmes de santé, aigus ou chroniques, notamment lors de douleurs, de troubles de l’humeur ou du sommeil1. Par exemple, le recours à l’ostéopathie est fréquent en cas de lombalgie2. Pratiquer des manipulations de la colonne en première intention dans une douleur vertébrale fait partie des recommandations de l’American College of Physicians3. Dans d’autres domaines, des thérapies complémentaires sont également plébiscitées par des organismes sérieux, comme par exemple la méditation, le yoga ou l’acupuncture dans la prise en charge de la fatigue liée au cancer4. Ainsi, la palette de soins s’élargit désormais à certaines médecines complémentaires, d’où l’évolution de l’ancien modèle de médecine dite alternative vers celui de médecine intégrative.

(Nicolas Zentner)

Reconnaissance des thérapies complémentaires

Le médecin peut collaborer comme il le fait avec les autres professions de santé reconnues : se créer un réseau de confiance et connaître les indications pour recommander telle ou telle thérapie, ou l’interrompre. Toutefois, il existe certaines différences. Tout d’abord, il s’agit d’un soin de première ligne, donc le-la patient-e ne passera pas forcément par un médecin avant d’y avoir recours. Il est donc utile d’investiguer cette question dans l’anamnèse. Par ailleurs, le remboursement des thérapeutes complémentaires dépend des assurances complémentaires auxquelles tout un chacun n’a pas forcément accès. Enfin, la plupart des thérapies complémentaires ne sont pas reconnues comme des professions de santé dans le canton de Vaud: les thérapeutes n’ont donc pas de droit de pratique, ne figurent sur aucun registre officiel, et ne font ainsi l’objet d’aucune surveillance de la part de la Direction générale de la santé. Il reste à espérer que cette situation va bientôt évoluer, pour la qualité de soins et la sécurité des patients.

Le chiffre

38
% des Romand-es ont recours au moins une fois par année à des prestations relevant de la médecine complémentaire. (chiffres 2017)

Au cours de leur formation, les médecins n’ont souvent pas collaboré régulièrement avec des thérapeutes complémentaires, puisque ces soins ont souvent été utilisés en marge des traitements conventionnels. L’introduction de cours sur les médecines complémentaires dans la formation prégraduée permet désormais aux futurs médecins de mieux connaître cette thématique : par exemple, comment parler avec les patient-es des différentes options de traitement pour non seulement les aiguiller vers la thérapie la plus appropriée, mais également leur recommander l’arrêt d’une thérapie inutile, voire dangereuse.

Nécessité d’un réel soutien politique

Les médecins de famille ont l’habitude de travailler avec un vaste réseau interprofessionnel. Certains médecins ont d’ailleurs déjà intégré dans leur cabinet médical un-e ostéopathe ou un-e acupuncteur/trice. Dans le développement de l’interprofessionnalité, il est souvent question de regrouper les intervenant-es dans un même lieu, par exemple une maison de santé, pour mieux se coordonner. Bien qu’intéressant dans certaines situations, ce modèle, calqué sur celui d’un hôpital, n’est pas la seule solution d’avenir. En effet, avec la multiplication des professions et des professionnel-les (nous travaillons chacun-e par exemple avec de multiples CMS) qui interviennent, il est illusoire de vouloir regrouper en un même lieu toutes les professions impliquées autour d’un-e patient-e.

L’unité de lieu n’est pas le seul élément qui contribue à une bonne collaboration interprofessionnelle. La connaissance du champ des autres professions de santé et le temps qui peut lui être consacré sont d’autres éléments déterminants. Ainsi, que ce soit avec les thérapies conventionnelles ou complémentaires,

le double discours du Conseil fédéral qui consiste à promouvoir l’interprofessionnalité tout en réduisant drastiquement la rémunération du temps passé à son exercice va continuer d’empêcher un développement pourtant nécessaire.

A retenir

La médecine intégrative offre une approche thérapeutique globale en combinant traitements conventionnels et médecines complémentaires de façon coordonnée. Le système de santé doit désormais s’adapter à cette nouvelle approche, depuis la formation pré-graduée des médecins jusqu’au réel soutien politique (reconnaissance, rémunération), en passant par une collaboration optimisée entre les différent-es intervenant-es dans le but commun d’améliorer la prise en charge.

Références

1 Dubois J, Bill AS, Pasquier J, Keberle S, Burnand B, Rodondi PY. Characteristics of complementary medicine therapists in Switzerland: A cross-sectional study. PLOS ONE 2019; 14(10): e0224098.
2 Bill AS, Dubois J, Pasquier J, Burnand B, Rodondi PY (2020) Osteopathy in the French-speaking part of Switzerland: Practitioners’ profile and scope of back pain management. PLOS ONE 15(5): e0232607.
3 Qaseem A, Wilt TJ, McLean RM, Forciea MA, Clinical Guidelines Committee of the American College of P. Noninvasive Treatments for Acute, Subacute, and Chronic Low Back Pain: A Clinical Practice Guideline From the American College of Physicians. Ann Intern Med. 2017;166(7):514–30.
4 Bower JE, Bak K, Berger A, Breitbart W, Escalante CP, Ganz PA, Schnipper HH, Lacchetti C, Ligibel JA, Lyman GH, Ogaily MS, Pirl WF, Jacobsen PB; American Society of Clinical Oncology. Screening, assessment, and management of fatigue in adult survivors of cancer: an American Society of Clinical oncology clinical practice guideline adaptation. J Clin Oncol. 2014 Jun 10;32(17):1840-50.

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3 Commentaires
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Merci pour cet article!
Il souligne en particulier la nécessité de se mobiliser contre le rationnement des soins qui se fait sur le temps passé auprès du patient. Une médecine intégrative prend du temps. Le temps, c’est aussi de la parole libérée.

Au cours de mon travail de 31 ans de cabinet de pédiatrie j’ai regulièrement envoyé des patients chez des therapeutes, soit parce que j’arrivais aux limites de mes compétences ( si il n’y avait pas de médecin spécialiste compétent ) soit dans une vision de médecine intégrative pour offrir une prise en charge optimale de mes patients. Les parents de mes patients ont été très reconnaissants de cette approche.

Bonjour,
merci pour vos articles sur la médecine intégrative et les thérapies complémentaires. Dans ce dernier domaine, je regrette que la sophrologie caycédienne ne soit pas citée.
Pour plus d’information, je vous invite à regarder le site de Sofrocay http://www.sofrocay.com et celui de Sophrologie Suisse http://www.sophrologiesuisse.ch.
Sofrocay, qui est l’organisation mondiale de la sophrologie caycédienne développe les applications dans de nombreux domaines et effectuent des études scientifiques des effets de la méthode. Rappelons que cette méthode est proposée en individuelle et en groupe.
Sophrologie Suisse espère pouvoir démarrer une étude sur l’application au stress en collaboration avec une université.