Selon l’OMS, la CIP se définit comme « plusieurs membres d’une équipe de soins de différents domaines professionnels qui travaillent ensemble avec les patients, les familles et leurs proches aidants, les soignants et les communautés afin d’offrir des soins de la plus grande qualité possible. Elle permet aux équipes de soins de reconnaître quand les soins dépassent leurs champs d’exercice et d’expertise, et de faire appel aux compétences d’autres professionnels de la santé pour atteindre des objectifs en santé dans leurs lieux de pratique. Elle fait en sorte que chaque membre de l’équipe de soins de santé travaille selon ses compétences optimales, et favorise une diminution de la hiérarchie des rôles et améliore l’efficacité de l’équipe »1.
Qualité et sécurité des soins accrues
La CIP est incontournable en raison de l’évolution démographique et de l’augmentation du nombre de personnes atteintes de maladies chroniques2. Le suivi des patient-es polymorbides est toujours plus spécialisé et nécessite l’expertise de soignant-es de disciplines et professions multiples. Cela implique que les professionnel-les de la santé doivent fournir plus d’efforts pour que la prise en charge des patient-es continue à répondre aux besoins de la population3. Le fait que chaque champ d’expertise respectif soit mis à profit de manière coordonnée et concertée, en y intégrant le-la patient-e, permet une amélioration de la qualité des soins et une sécurité des soins accrue. Par ailleurs, la CIP pourrait notamment répondre à la pénurie des généralistes4. Finalement,
la CIP est aussi un moyen de valoriser les professions non médicales en diminuant les liens hiérarchiques et en utilisant de manière optimale l’expertise de chacun.
La clé du succès d’une CIP réside dans le fait d’avoir connaissance de son propre rôle et de celui des autres, de pouvoir travailler efficacement au sein d’une équipe, de percevoir les conflits et les divergences d’opinion ainsi que les opportunités, de trouver des solutions créatives et novatrices, de faire preuve de leadership collaboratif, avec pour but commun de répondre aux besoins des patient-es et de leurs proches. Tout cela dans un environnement où la confiance règne et où la communication est respectueuse et adaptée à chaque membre de l’équipe5.
Les défis de la collaboration interprofessionnelle
Dans notre profession, l’application concrète de ces principes fondamentaux de la CIP n’est pas évidente. Nous ne connaissons pas forcément les compétences et l’expertise de l’autre et nous avons parfois des réticences à faire confiance ; nous n’avons pas appris à travailler activement en équipe, et avons plutôt tendance à agir en tant que manager déléguant des tâches précises au lieu de transférer le leadership selon les besoins de la situation. Finalement, communiquer dans un langage compréhensible pour toutes et tous reste un défi.
Il existe des écueils à la CIP, clairement surmontables selon nous. En premier lieu, l’aspect chronophage de la CIP peut être un frein même si on gagne en temps et en qualité de prise en charge sur le long terme. Par ailleurs, les professionnel-les ne sont pas toutes et tous rémunéré-es pour le temps dédié à la CIP, ce qui peut diminuer la motivation à y participer. Finalement, notre système de délégation des soins par le-la médecin aux autres professionnel-les ne facilite pas non plus cette collaboration. Pourquoi est-ce qu’une personne qui a mal au dos de manière chronique n’irait pas consulter directement le-la physiothérapeute qui facturerait à son nom sans délégation ?
Quelles perspectives d’avenir ?
Pour favoriser une CIP efficace dans le futur, nous devons poursuivre le développement d’enseignements conjoints de la CIP dans la formation pré-graduée pour apprendre à travailler ensemble précocement. Le soutien politique est aussi indispensable pour des soins de qualité optimale et efficients.
A l’avenir, nous imaginons que les patient-es pourront consulter des centres de santé interprofessionnels incluant une pharmacie, un centre de soins avec divers profils professionnels où ils/elles pourront être pris-es en charge sans forcément toujours passer par le-la médecin en premier recours. Cette vision futuriste n’est pas utopique et fait l’objet de nombreuses recherches en cours. Continuons donc à construire ensemble, avec nos patient-es, pour une meilleure santé de notre communauté !
A retenir
Face à l’évolution démographique qui implique notamment des populations de plus en plus âgées, la collaboration interprofessionnelle représente une grande opportunité pour une prise en charge optimisée de la patientèle. Une collaboration accrue entre professionnel-les de la santé, une diminution des liens hiérarchiques ainsi qu’une formation pré-graduée adéquate permettront de garantir, grâce également au soutien politique, une meilleure santé de la communauté.
Références
1 The Framework for Action on Interprofessional Education & Collaboration. Health Professions Networks Nursing & Midwifery Human Resources for Health. WHO 2010. Framework for action on interprofessional education and collaborative practice (who.int)
2 Gerber,M, Kraft, E, Bosshard, C. (2018). La collaboration sous l’angle de la qualité. Bulletin des médecins suisse. 99(44) : 1524-1529.
3 Plochg T, Klazinga NS, Schoenstein M, Starfield B. (2011), Reconfiguring Health Professions in Times of Multi-Morbidity: Eight Recommendations for Change. 7-6-2011. OECD.
4 Programme de promotion «Interprofessionnalité dans le domaine de la santé», Office fédéral de la santé publique (OFSP). Disponible sous : https://www.bag.admin.ch/bag/fr/home/strategie-und-politik/nationale-gesundheitspolitik/foerderprogramme-der-fachkraefteinitiative-plus/foerderprogramme-interprofessionalitaet.html
5 CIHC. Consortium pancanadien pour l’interprofessionnalisme en santé (2010). Référentiel national de compétences en matière d’interprofessionnalisme.
