Quel rôle l’art musical joue-t-il dans votre vie ?
La musique fait partie intégrante de mon quotidien depuis ma plus tendre enfance en Tunisie. Mon père, médecin lui aussi, nous a transmis à mon frère Hamza et moi-même sa passion dévorante pour le classique arabe. Nous avons énormément pratiqué, parcouru le monde et petit à petit trouvé notre propre identité musicale, contemporaine et riche de multiples influences culturelles. C’est d’ailleurs par ce biais que nous avons tissé nos premiers liens avec la Suisse. Si je ne considère pas ma carrière musicale comme mon gagne-pain, je l’exerce avec la même envie et le même sérieux que la médecine. J’y trouve également un espace de liberté supplémentaire qui me procure un grand bien-être.
Vos carrières de médecin psychiatre et de musicien s’influencent-elles mutuellement ?
Sans aucun doute ! Certes, la médecine est une discipline fondamentalement plus définie, plus cadrée. Le médecin se doit de faire preuve d’une certaine mesure vis-à-vis de son/sa patient-e. En tant qu’art, la musique est évidemment moins balisée. Cela reste donc deux carrières distinctes que je gère séparément, les enjeux n’étant pas les mêmes. Néanmoins, j’y retrouve une créativité commune. Une capacité d’improvisation face à l’inattendu. Tant la musique que la psychiatrie supposent une rencontre entre des partenaires prêtes à s’engager dans un voyage identitaire, vers soi-même et vers autrui. Il s’agit d’un terrain propice à l’échange sans jugement, où l’un-e est invité-e à se laisser porter par l’autre. A lâcher prise, parfois. L’empathie est la clé : on apprend à découvrir l’autre, à comprendre ses besoins et ses envies, pour mieux l’aider à retrouver son chemin lorsqu’il/elle se sent désorienté-e. A l’image d’une œuvre musicale, une psychiatrie réussie doit permettre de s’octroyer la liberté de se rêver différemment.
Comment vous y prenez-vous pour concilier deux occupations si exigeantes ?
La réponse courte, ce serait de dire qu’il ne faut pas avoir besoin de beaucoup de sommeil, ce qui est heureusement mon cas (rires). Sachant que j’exerce toute la semaine de 8h à 18h dans mon cabinet de psychiatrie et que je joue de la musique au moins trois heures par jour, outre ma vie de famille, cela laisse peu de place pour d’autres activités. Mais aussi longtemps que la passion vous nourrit, cette double vie est un moteur et non un obstacle. D’où l’importance de s’avoir s’écouter, et d’oser dire stop lorsqu’on estime avoir besoin de passer à autre chose. C’est d’ailleurs le cas de mon frère qui a récemment décidé de mettre entre parenthèses sa carrière musicale pour se consacrer à d’autres projets de vie. Une page se referme mais un nouveau chapitre débute, à chacun d’y écrire l’histoire dans laquelle il s’accomplira le mieux.