«En politique tout est lent, mais il y a parfois des succès»
Engagé en politique depuis son plus jeune âge, député au Grand Conseil vaudois durant 13 ans et Conseiller national depuis 2011, le PLR Olivier Feller se bat depuis plusieurs années pour une plus grande transparence dans le système de santé suisse. Entretien avec un homme politique aussi déterminé qu’optimiste.
Alors que votre activité concerne plutôt le milieu de l’immobilier, pourquoi cet intérêt particulier pour le domaine de la santé ?
J’évolue effectivement dans les milieux de défense de la propriété dans le cadre de mon activité professionnelle comme directeur de la Chambre vaudoise immobilière et comme secrétaire général de la Fédération romande immobilière. Mais en tant que Conseiller national avec un rôle de représentant des électrices et électeurs, je m’intéresse à bien d’autres enjeux comme l’économie, la fiscalité, les enjeux de gouvernance et les causes liées aux infrastructures dont le système de santé fait partie et qui est un élément essentiel de la vie en communauté.
Il y a 15 ans, vous dénonciez déjà dans les médias la pénurie des médecins généralistes, le numerus clausus et le problème de la relève, les consultations chronométrées à cause du TARMED, la mise en danger du libre choix de son médecin… Qu’est-ce qui a changé ?
Ces problèmes n’ont pas disparu et, au contraire, ont empiré. De nombreux milieux conçoivent aujourd’hui la relation médecin-patient·e sous l’angle du chronomètre et non de la qualité de l’échange. La menace sur le libre choix du médecin continue à peser sur les prestataires de soins et les patient·es. Or si on le supprime, ce sont les assureurs maladie dans le domaine de l’assurance obligatoire (AOS) qui feront le choix du médecin à la place du patient. Je constate qu’ils essaient d’ailleurs, depuis plusieurs années, de se placer au-dessus de la mêlée sous prétexte qu’ils seraient les seuls à s’occuper de l’intérêt collectif. En réalité, ils représentent un des acteurs du système AOS, celui qui s’occupe du management financier, ni plus ni moins.
Quelles seraient les trois mesures phares qui permettrait d’améliorer notre système de santé?
Je dois dire que notre système de santé n’a pas que des défauts et qu’il fonctionne plutôt bien. A mes yeux, les mesures prioritaires sont :
Améliorer la transparence des coûts de la santé, des primes – leurs modalités de calcul restent opaques – et des flux financiers comme les prestations d’intérêt général (PIG) dans le canton de Vaud qui ne sont pas clairement documentées.
Éviter la guéguerre entre acteurs privés et publics représentant un frein au pilotage de qualité de notre système de santé qu’il convient d’aborder dans sa globalité. Le seul objectif devrait être d’offrir aux patient·es des soins de qualité à des coûts raisonnables.
Former davantage de soignant·es, une urgence au vu du temps que cela prend.
C’est vrai qu’en politique, tout est lent mais il y a parfois des succès comme en mai dernier, lorsque le Conseil national a accepté, contre l’avis du Conseil fédéral, un postulat que j’avais déposé qui demande que les assureurs maladie dans le domaine de l’AOS affectent obligatoirement les revenus de leurs capitaux à la réduction des primes. Cela concerne 20 milliards de francs placés sur les marchés financiers représentant des rendements annuels moyens de plusieurs centaines de millions.
Au niveau vaudois, trouvez-vous que le système de santé tient le choc de l’augmentation de la population et du vieillissement ? Voyez-vous des améliorations à apporter pour le futur ?
Je n’ai pas le sentiment que le système de santé vaudois va mieux ou moins bien qu’un autre. Mais on ne se dirige pas vers le beau, notamment à cause de la pénurie de personnel. Je sens toutefois que les tensions entre privé et public sont plus accentuées chez nous. Il faut arrêter avec ces questions idéologiques et travailler ensemble en bonne intelligence dans l’intérêt du/de la patient·e.
Vous parlez de pénurie de personnel. Faut-il former plus de médecins dans le canton de Vaud?
Bien sûr. Le numerus clausus devrait être remis en question. Par ailleurs, le moratoire ancré dans la législation fédérale me semble être un mauvais signal tendant à décourager les vocations. J’approuve l’appel lancé par l’association des étudiants en médecine de l’UNIL pour tirer la sonnette d’alarme et exiger des actions concrètes.
Vous vous êtes allié avec la Verte Adèle Thorens pour lancer une motion en 2018, rédigée en collaboration avec la SVM, demandant des statistiques incontestées dans le domaine de la santé. Acceptée au Conseil national le 14 mars 2019, comment expliquer le refus du Conseil des Etats un an et demi plus tard ?
Pour piloter le système de santé, il est impératif de disposer de données incontestables et incontestées, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, les données étant fournies par diverses entités, autant publiques que privées. Ce refus s’explique certainement par le lien fort entre les assureurs, l’Office fédéral de la santé publique et certains parlementaires. Le chef du département de l’époque n’a pas non plus fait preuve d’une fougue particulière pour la défendre devant le Conseil des Etats.
« J’ai toujours plaidé pour le libre choix – de son médecin, de l’hôpital où l’on se fait soigner et de son assurance. »
Vous avez déposé deux nouvelles motions sur le sujet en 2021 (données fournies par les assureurs et par SASIS à l’OFSP). Où en sommes-nous aujourd’hui ?
Après avoir formé un binôme harmonieux avec Adèle Thorens sur ces sujets lors de la dernière législature, elle siégeant au Conseil des Etats et moi au Conseil national, je travaille à présent avec mon collègue Vincent Maitre afin que les assureurs fournissent gratuitement à l’OFSP toutes les données dont cet office a besoin pour exercer ses tâches de surveillance et de suivi des coûts de la santé. Aujourd’hui, elle les achète à une société privée (SASIS SA) qui, pour l’heure, appartient à santésuisse. Comme pour celle de 2018, notre motion a été acceptée au Conseil national mais refusée par le Conseil des Etats, certainement pour les mêmes raisons.
La loi fédérale sur la transmission des données des assureurs dans l’assurance obligatoire des soins, entrée en vigueur le 1er janvier 2023, répond-elle à vos exigences de transparence dans le secteur des primes?
Très partiellement. Désormais, un certain nombre de données doivent obligatoirement et gratuitement être transmises par les assureurs à l’OFSP pour effectuer ses tâches de surveillance. En revanche, cela ne vaut pas pour les statistiques nécessaires à l’OFSP pour suivre l’évolution des coûts de la santé qui reste donc tributaire des données qu’il achète à SASIS SA. Cela me semble constitutif de conflits d’intérêts.
Quelle lecture faites-vous de la fusion récente des deux faîtières des assureurs santésuisse et curafutura ?
Cette décision est certainement liée au débat qui refait surface concernant la caisse maladie unique. J’ai aussi remarqué une divergence de vue entre les deux associations concernant les tarifs ambulatoires (TARDOC). Est-ce qu’en parlant d’une seule voie, les assureurs auront plus de poids ? Que feront-ils des entités de services telles que SASIS SA ? Il est trop tôt pour se prononcer sur les potentielles conséquences.
La caisse unique ou publique serait-elle aussi une façon de mettre fin à cette non-transparence ?
Pour ma part, j’ai toujours plaidé pour le libre choix – de son médecin, de l’hôpital où l’on se fait soigner et de son assurance. Je ne suis pas sûr qu’une assurance étatique serait plus efficace et encore moins sûr qu’elle permettrait de maîtriser les coûts de la santé. J’ai en revanche aussi le sentiment que le système actuel de l’assurance maladie obligatoire peine à se réformer et à faire preuve de davantage de transparence. Les assureurs ont leur part de responsabilités mais l’OFSP qui surveille l’assurance obligatoire a une part au moins aussi grande. Il se trouve que la plupart des assurances ont un pan obligatoire et sur-obligatoire. Certes, les deux sont séparés, juridiquement, au niveau comptable et de la surveillance. Cela éveille malgré tout des doutes et une méfiance croissante de la population qui pourrait à terme se traduire par un soutien à une caisse unique ou publique lors d’une votation populaire, d’autant plus si elle n’a pas de monopole. On pourrait ainsi imaginer une solution de compromis faisant cohabiter une caisse publique aux côtés de caisses privées.
En automne 2024, le peuple suisse sera à nouveau appelé à voter sur un sujet relativement technique (EFAS). Comment pourriez-vous résumer les enjeux et quelle est votre position?
Il s’agit de se prononcer sur les modalités de financement des soins. Actuellement, le système est différent selon qu’il s’agisse de soins stationnaires – financés en partie par les contribuables cantonaux et en partie par les primes maladie – et ambulatoires – exclusivement financés par les primes maladie. L’objectif de cette réforme est d’avoir le même type de financement mixte pour tout type de soins afin d’éviter certains biais, comme le monopole du management financier des soins ambulatoires par les assureurs. A noter que le groupe socialiste au Conseil national a soutenu cette réforme à hauteur de 50% donc elle a de bonnes chances de passer malgré le référendum lancé par les syndicats.
Questions-réponses
Avez-vous un médecin traitant ? Oui
Votre dernier check up ? En avril 2024
Votre remède contre le stress ? Le fitness et la musique
Votre drogue ? Aucune si ce n’est peut-être le coca-cola zéro
Quelle spécialité auriez-vous choisie si vous aviez été médecin ? J’ai beaucoup d’estime pour cette profession mais je n’ai jamais rêvé d’être médecin
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4 Commentaires
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Pittet Jean-Marie
7 mois
Connaissant parfaitement son sujet il aborde avec courage et détermination les réformes nécessaires à un meilleur système de santé.
Une action politique et un engagement à soutenir à tous les niveaux.
J’ai toujours considéré comme un privilège d’avoir fait un bout de chemin avec lui au PRDV de l’époque!
Merci Monsieur le Conseiller national cher ami, continuez nous avons besoin d’hommes politiques comme vous et bonne route pour d’autres sommets que je vous souhaite!
Un grand merci à Jean-Marie Pittet pour ses encouragements qui me touchent beaucoup et pour la classe dont il fait preuve avec constance.
Courdesse Régis
7 mois
Excellent article qui montre que la transparence n’existe pas au Conseil des Etats ! Pourquoi refuser des motions qui vont dans le bon sens ?
Merci à Olivier Feller de se battre – dans le meilleur sens du terme – pour aller vers la transparence et les simplifications administratives.
J’ai toujours apprécié son pragmatisme et son optimisme.
Régis Courdesse, ancien député vert’libéral
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Connaissant parfaitement son sujet il aborde avec courage et détermination les réformes nécessaires à un meilleur système de santé.
Une action politique et un engagement à soutenir à tous les niveaux.
J’ai toujours considéré comme un privilège d’avoir fait un bout de chemin avec lui au PRDV de l’époque!
Merci Monsieur le Conseiller national cher ami, continuez nous avons besoin d’hommes politiques comme vous et bonne route pour d’autres sommets que je vous souhaite!
Un grand merci à Jean-Marie Pittet pour ses encouragements qui me touchent beaucoup et pour la classe dont il fait preuve avec constance.
Excellent article qui montre que la transparence n’existe pas au Conseil des Etats ! Pourquoi refuser des motions qui vont dans le bon sens ?
Merci à Olivier Feller de se battre – dans le meilleur sens du terme – pour aller vers la transparence et les simplifications administratives.
J’ai toujours apprécié son pragmatisme et son optimisme.
Régis Courdesse, ancien député vert’libéral
Un grand merci à Régis Courdesse pour son propos encourageant et bienveillant qui me touche beaucoup.