Par Pierre-André Repond, secrétaire général de la SVM
L’année 2020 de la SVM a été massivement impactée par la crise du coronavirus, que ce soit en termes d’organisation, de communication interne et externe, de défense des membres SVM et de relations avec nos partenaires. Les principaux points de l’action de la SVM en réponse à cette crise historique figurent dans cette tentative de rétrospective thématique.
Le 25 février, relayant l’inquiétude forte de ses membres, la SVM interpelle les autorités cantonales sur l’existence d’un plan en cas de pandémie et leurs attentes vis-à-vis des médecins, se mettant à disposition pour toute action concertée et si possible préventive. Elle alerte aussi sur le rôle déjà observé en Chine des porteurs asymptomatiques dans l’extension de la pandémie.
Lettre SVM – Mme Ruiz (DSAS)_Covid-19
Covid-19 – presumed asymptonmatic carrier transmission_JAMA
Une task-force interne est créée début mars. A l’appel de la SVM, le 12 mars, plus de 200 médecins retraités ou avec des disponibilités résiduelles se portent volontaires pour soutenir le dispositif de crise du Canton.
Le 16 mars, les cabinets vaudois ferment suite aux limitations de pratique imposées par la Confédération, puis peuvent rouvrir le 20 mars, mais uniquement pour les traitements et interventions urgents. La SVM soutient les spécialités médicales qui doivent soumettre au Canton une liste d’interventions considérées comme indispensables, avant de pouvoir rouvrir. Les recommandations des groupements sont diffusées par la SVM le 7 avril.
Le passage en télétravail dès mi-mars, pour lequel le secrétariat général était heureusement bien équipé, n’empêcha pas la SVM de continuer à fonctionner à pleine capacité, et même davantage ! En quelques jours, afin de maintenir le lien avec les membres, un site web spécial de crise INFOS-COVID fut mis sur pied pour tous les membres SVM dès le 20 mars, suivi de l’ouverture complémentaire d’un groupe privé sur le réseau social Facebook pour permettre aux médecins le souhaitant de converser entre eux à distance (près de 400 adhésions quasi-immédiates), ainsi que d’une page Facebook pour partager toute information utile avec la population.
Depuis février déjà, afin de protéger médecins, personnel des cabinets et patients, des cabinets s’organisent pour mettre sur pied une prise en charge séparée des patients suspects COVID-19. Avec l’appui de la SVM, l’organisation d’une filière dédiée est enfin validée le 23 mars par le Canton.
Le 25 mars, la SVM s’associe à une campagne de prévention primaire lancée par Médecins de famille Vaud (mfv). Des centaines de médecins prennent directement contact avec leurs patients à risques pour s’enquérir de leur état de santé. L’opération sera relancée en avril.
L’AD du 26 mars est remplacée par une visioconférence, afin d’établir un point de situation sur l’organisation de la SVM et son implication dans la gestion de cette crise sanitaire. Une première dans l’histoire de la SVM.
Dès fin mars, la SVM demande l’inclusion de l’anosmie/agueusie dans les critères de diagnostics de suspicion d’infection au COVID-19, ce qui fut fait par le Canton le 7 avril.
Après 10 jours de semi-confinement, le 27 mars, la SVM publie un communiqué de presse pour alerter sur les risques pour la population des limitations de pratique imposées aux cabinets.
Dès fin mars, la SVM relaie au Médecin cantonal les demandes d’optimisation du mode de distribution du matériel de protection. La SVM réalise aussi un sondage auprès de ses membres entre le 1er et le 5 avril. On y découvre entre autres que parmi les 1385 médecins en cabinet qui ont répondu, 43 ont déjà été infectés, ainsi que plus de 200 collaboratrices des cabinets.
A la rue de la Borde à Lausanne, file de médecins en attente de masques chirurgicaux distribués par la protection civile.
Le 6 avril, après une réalisation express, la SVM diffuse un clip de sensibilisation pour inciter la population à contacter sans tarder son médecin en cas de problème, qui sera vu plusieurs dizaines de milliers de fois. Depuis le début de la pandémie, la population vaudoise consulte environ trois fois moins son médecin que d’habitude. La SVM veut prévenir une deuxième vague épidémique composée d’urgences médicales de tous ordres, à cause de problèmes de santé ignorés, détectés trop tardivement, ou aggravés faute de traitement. Le clip est repris par la Société Médicale de la Suisse Romande (SMSR) et même adapté pour le Tessin par l’Ordine dei medici del Cantone Ticino (OMCT).
Le 9 avril, la SMSR écrit à tous les gouvernements des cantons romands pour faire part de l’inquiétude des cabinets médicaux concernant la situation sanitaire, tarifaire, économique, assécurologique et du manque de matériel.
Le 23 avril, la SVM publie un Courrier du médecin vaudois (CMV) spécial consacré au COVID : « Médecins unis face à la crise ».
En collaboration avec la SMSR, la SVM réalise à fin avril un sondage auprès de ses membres. Les résultats rendus publics début mai sont éloquents, la baisse moyenne d’activité des cabinets médicaux vaudois et romands s’établit à 62,5 % ! Pour tenter de limiter l’impact économique de la baisse des activités, 49,9% des cabinets médicaux ont mis en place du chômage partiel (RHT), 15% ont demandé des crédits-relais, 5,4% des APG, 16,6% une baisse de loyer, 13% un report d’impôts et 12,5% un report de cotisations sociales. A relever que les cabinets médicaux n’obtiendront aucune compensation financière directe « à fonds perdus », malgré une interdiction partielle de pratiquer de plus de 40 jours (16 mars au 27 avril).
Début mai, la SVM propose le concept de « Deconfinacheck » (individualisation du déconfinement prescrite par le médecin traitant des patients à risques) puis celui de « Coronella » (veille clinique dans les cabinets médicaux pour prédire en temps réel une reprise de l’épidémie, soit une formule dérivée de celle de « Sentinella » pour la grippe saisonnière). Cette surveillance épidémiologique du Covid-19 aurait permis de détecter dès le mois d’août que l’augmentation du nombre de tests positifs correspondait à des syndromes cliniques bien réels et qu’une 2e vague était en train de débuter. Cette proposition a été reprise par le canton, qui a mandaté Unisanté pour la mise sur pied d’une extension du réseau Sentinella dans le canton de Vaud en 2021.
Pendant cette première vague, la SVM aura adressé 14 newsletters à ses membres et relayé à 12 reprises des communications du Médecin cantonal, soit plus d’une communication par semaine, sans compter toutes les informations utiles mises à disposition sur le site INFOS-COVID (littérature médicale, FAQ médicales, économiques et administratives). La SVM a également été très présente dans les médias, avec des sollicitations parfois quotidiennes au plus fort de la crise.
Le 2 juin, la SVM diffuse un deuxième clip de prévention réalisé avec la SMSR, invitant tout un chacun à consulter son médecin en cas de question sur les mesures de protection à prendre ou pour tout problème de santé. L’objectif est de veiller à ce que le déconfinement ne découle pas sur une baisse de vigilance collective, susceptible de déclencher une nouvelle flambée du nombre de cas de Covid-19…
En juin 2020, un deuxième CMV spécial consacré au COVID est publié et tente de faire le bilan de la première vague, notamment en ce qui concerne la forte mortalité en EMS : « Seniors et COVID-19 : pouvait-on faire mieux ? »
A l’instar certainement du corps médical dans son ensemble, la SVM aura été moins bouleversée dans son fonctionnement et son organisation lors de la deuxième vague de coronavirus, ceci malgré sa vigueur, les mesures nécessaires ayant déjà été prises au printemps. Il n’y eût évidemment pas non plus le même effet de surprise, avec une montée progressive des contaminations depuis l’été, ni les mêmes mesures drastiques de limitations de pratique à accompagner, ou à combattre !
Par contre, la SVM dût régulièrement monter au créneau pendant tout l’automne pour rappeler aux autorités cantonales qu’une réponse en santé publique efficace ne pouvait se concevoir sans une implication également forte et coordonnée du secteur médical ambulatoire privé : cabinets, centres médicaux et cliniques. A plusieurs reprises, l’on constata en effet une tendance de l’Etat à limiter ses réflexions et ses mesures prioritaires aux acteurs publics de la santé, que ce soit en matière de suivi de l’épidémie, de prévention, de tests, de traitement, puis enfin de vaccination. Force est de constater que bien que les hôpitaux aient atteint les limites de leur capacité de prise en charge des cas les plus sévères, plus de 80% des COVID-19 symptomatiques ont été pris en charge en ambulatoire par leurs médecins traitants.
Début septembre, par la plume de son président sur le Blog des médecins vaudois, la SVM avait d’ailleurs pointé les risques de l’organisation du système de soins vaudois décrétée pour continuer de lutter contre le coronavirus, sans aucun bilan partagé préalable. En particulier, l’octroi pérenne d’une forme de droit d’urgence sans mécanisme obligatoire de consultation des autres acteurs de la santé n’incitait pas à la conception et à la mise en place de solutions concertées, ni à la mobilisation de toutes les ressources existantes. De fait, personne n’aura jamais demandé aux médecins installés vaudois ce qu’ils pensaient de la gestion de la première vague, ni ce qu’ils pouvaient proposer en cas de deuxième…
Malgré leur position d’observateurs avancés de différents problèmes, et leur importante capacité d’action collective pour aider à les résoudre, c’est donc parfois un peu impuissants et privés d’informations que les médecins installés vaudois ont assisté à la nouvelle flambée des contaminations. Par exemple, après le manque de matériel de protection au printemps, il fut bien difficile pour les cabinets de s’approvisionner à l’automne en tests pour leurs patients, alors que les files d’attente ne cessaient de s’allonger devant des centres cantonaux surchargés.
Comme ici à Lausanne, d’interminables files d’attente se sont formées devant les centres de dépistage du Covid-19 à l’automne 2020.
Le 5 novembre, dans le journal 24 heures, le président de la SVM lança néanmoins un appel à la population pour qu’elle privilégie son médecin traitant pour tous les problèmes de santé, afin d’éviter d’engorger le système hospitalier.
Face aux nouvelles règles de limitation des contacts, la SVM prit ses responsabilités et mit seule sur pied en fin d’année une campagne d’annonces dans la presse pour inciter la population à consulter sans attendre son médecin traitant en cas de problème de santé, et à ne pas rester confinée envers et contre tout. Ceci pour ne pas reproduire les effets sanitaires collatéraux de la 1ère vague.
Le 17 novembre, le président de la SVM et de la SMSR proposa également la création d’une vraie task force médicale romande, incluant des représentants des organisations faîtières médicales, ceci pour tenter de mettre fin au chaos de mesures cantonales différenciées, notamment entre Vaud et Genève, laquelle n’a été convoquée qu’une seule fois par les autorités.
Les derniers efforts de l’année 2020 de la SVM porteront enfin sur la promotion auprès des autorités de la capacité de mobilisation des médecins traitants pour la campagne vaudoise de vaccination contre le coronavirus. Les premières planifications cantonales prévoyaient en effet une entrée en jeu tardive, bien après les centres cantonaux de vaccination, et uniquement pour les catégories non-prioritaires de la population.
NB : Grâce au travail acharné du groupe d’accompagnement et de coordination de la vaccination en cabinet, formé de membres des comités de la SVM, de mfv et du bureau de l’assemblée des délégués, et l’intention déclarée de plus de 300 cabinets de vacciner leurs patients à risque, ces derniers ont finalement été inclus dans la stratégie vaccinale du canton et ont débuté la vaccination au mois de mars 2021.