Par Pierre-André Repond, secrétaire général de la SVM
Et Dr Philippe Eggimann, président de la SVM (dossiers fédéraux TARDOC et Label pour les médecins praticiens)
Politique professionnelle fédérale
Dossiers fédéraux
La SMSR a connu une année placée sous le signe d’une collaboration intensifiée avec les deux autres organisations faîtières régionales, à savoir la Verband Deutschschweizer Ärztegesellschaften (VEDAG) et l’Ordine dei Medici del Cantone Ticino (OMCT), avec comme point d’orgue un séminaire organisé au Tessin à l’automne, en présence de la nouvelle présidente de la FMH, la Dre Yvonne Gilli. La volonté est partagée de travailler ensemble sur les objets cantonaux de politique professionnelle relevant du cadre national, afin aussi d’offrir à la FMH un soutien plus visible de sa base, indispensable à sa légitimité auprès de ses interlocuteurs fédéraux. Dans la foulée, sur le sujet très combattu de l’introduction dans la LAMal de tarifs dégressifs ou d’une enveloppe budgétaire annuelle, une position coordonnée de la FMH et des faîtières régionales a par exemple pu être relayée de manière efficace auprès des conseillers aux Etats avant la session d’hiver.
Les efforts médiatiques déployés depuis plusieurs années depuis la Suisse romande pour mettre en lumière l’inadéquation entre les hausses de primes et les dépenses réelles de santé, ont pu enfin trouver un premier aboutissement réjouissant à l’automne 2021 avec l’annonce d’une mini-baisse des primes AOS pour 2022. Par le biais d’une tribune dans la Revue médicale suisse (l’organe officiel des médecins romands), la SMSR s’était à nouveau positionnée clairement sur le sujet.
Du point de vue du fonctionnement institutionnel, l’Assemblée générale de la SMSR a réélu à sa présidence pour un nouveau mandat de 3 ans le Dr Philippe Eggimann, également président de la SVM. Le Dr Claude Schwarz a par ailleurs remplacé le Dr Remo Osterwalder en tant que représentant de la Société médicale du canton du Jura (SMCJU) et le Dr Michel Matter, président de l’AMGe, a été nommé en tant que trésorier. Pour rappel, la SVM assure de longue date le secrétariat général de la SMSR, avec le soutien de différentes ressources externes.
En tant que troisième plus importante société cantonale de médecine de Suisse, la SVM joue un rôle actif à l’échelon professionnel fédéral, notamment via la vingtaine de ses membres présents dans les différentes instances de la Fédération des médecins suisses (FMH). Sous la conduite de sa nouvelle présidente la Dre Yvonne Gilli (SG), la FMH a consacré passablement d’énergie pour lutter contre deux paquets législatifs visant à limiter la hausse des coûts de la santé (cf. infra). Des mesures exagérées selon les médecins puisque les objectifs du groupe d’experts du Conseil fédéral (moins de 2,5% de hausse annuelle moyenne à l’horizon 2025) ont déjà été atteints. Il paraît dès lors très inapproprié de vouloir décider de nouvelles mesures d’économies sans disposer de la pleine capacité d’en mesurer finement le besoin comme les effets, donc de se doter préalablement d’un dispositif de suivi statistique efficace, neutre et transparent.
Directement ou via la SMSR, la SVM a aussi fait part à la FMH en 2021 de préoccupations vaudoises sur des objets divers de niveau fédéral (concept qualité négocié avec l’OFSP, facturation des prestations de laboratoire, convention globale sur le contrôle de l’économicité, etc.).
Délégués de la SVM à la Chambre médicale de la FMH en 2021
Dr Philippe Eggimann, Dr Charles A. Favrod-Coune, Dr Michael Hagmann, Dr Yannis Vlamopoulos, Dre Catherine Léchaire, Dr Alexandre Delessert, Dr Vassiliades Stamatios, Dr Philippe Vuillemin, Dr Christopher Pfaff
Suppléants SVM
Dre Anne Pictet Vallon, Dr Volker Kirchner, Dr Aurelio d’Alba Mastropaolo, Dr Adrien Tempia, Dr Jacques-André Haury
Délégués des sociétés de discipline médicale
Dre Patricia Roggero (chirurgie plastique, reconstructive et esthétique), Prof. Daniel Hohl (dermatologie et vénérologie), Prof. Thierry Fumeaux (médecine intensive), Prof. John Prior (médecine nucléaire), Dr Volker Kirchner (oncologie médicale), Dr Philippe Pasche (ORL et chirurgie cervico-faciale), Dr Pierre Vallon (psychiatrie et psychothérapie)
Assemblée des délégués de la FMH
TARDOC (Dr Philippe Eggimann). L’année 2021 aura été extrêmement intense pour la FMH et ses instances tarifaires pour convaincre les différents partenaires que le remplacement de l’obsolète TARMED (2004) par la nouvelle structure tarifaire TARDOC était incontournable et sans alternative. Un travail important de finalisation a été fourni pour répondre aux demandes d’adaptations de l’OFSP suite au dépôt d’une première version, notamment pour prévoir l’intégration ultérieure possible de forfaits dans le domaine ambulatoire, mais sans bloquer tout le processus à ce stade.
Pour rappel, dans TARDOC, les sociétés de spécialités ont accepté la revalorisation des prestations pour la médecine de premier recours, en consentant à une baisse de la rétribution de certaines prestations techniques ou médicales spécialisées. Ce rééquilibrage est aussi une réponse à l’initiative « Oui à la médecine de famille », certes retirée, mais dont le contre-projet indirect avait été accepté en 2014 à une très large majorité par la population (Arrêté fédéral concernant les soins médicaux de base).
A l’heure d’écrire ces lignes, une approbation du TARDOC en 2022 par le Conseil fédéral en vue d’une introduction dès 2023 semble être le scénario privilégié. A relever que TARDOC intègre un corridor de hausse possible des coûts à charge de l’AOS de 3% par année, pour tenir compte aussi bien du vieillissement de la population que du transfert souhaité de l’hospitalier vers l’ambulatoire. Une réalité ici mieux prise en compte que dans le canton de Vaud depuis quelques années… Au-delà ou en deçà, à l’issue d’une période de neutralité des coûts de 3 ans, un facteur national et des facteurs cantonaux de pondération de la valeur du point TARDOC sont prévus, avec un impact potentiel sur la rémunération des prestataires, à la hausse ou à la baisse.
Cette période de 3 ans devra donc être mise à profit pour affiner la méthodologie et le suivi de l’évolution des coûts, afin de définir pour la suite une juste évolution cantonale de la VPT, ce qui devrait permettre de sortir des crises récurrentes actuelles. A relever dans ce cadre l’importance stratégique pour les médecins vaudois de la transmission de leurs données de facturation à Newindex via la SVM, processus qui a franchi un cap décisif en 2021. Si ce scénario de l’entrée en vigueur de TARDOC en 2023 se réalise, les médecins vaudois devraient donc entrer dans la nouvelle structure tarifaire avec les VPT actuelles, et en ressortir avec la même valeur 3 ans plus tard, soit début 2026.
Si cela ressemble à une perspective réjouissante, il convient néanmoins de rester prudent à ce stade. Toutes les garanties souhaitables n’ont pas encore été obtenues et le calcul de la neutralité des coûts ne sera pas aisé à suivre. Avec aussi des possibilités de recours restreintes par rapport à la situation actuelle en ce qui concerne le facteur national prévu de pondération.
Financement moniste. Les fronts n’ont à nouveau pas bougé sur ce dossier en 2021. Pour rappel, le financement « moniste » consisterait à uniformiser le mode de prise en charge des prestations ambulatoires et hospitalières, avec une clé de répartition entre Cantons et assureurs maladie de l’ordre d’un quart pour les uns et trois quarts pour les autres. Il s’agirait d’une réforme majeure dont le double effet serait d’obliger les Cantons à participer au financement des prestations ambulatoires (actuellement 0%), tout comme de donner un pouvoir majoritaire aux assureurs sur le financement de l’hospitalier (actuellement 45%).
L’enlisement pourrait toutefois profiter aux propositions portées notamment par la SVM de privilégier une réforme intermédiaire plus modeste, mais plus facile à mettre en place : le système moniste « différencié ». Il s’agirait ici d’obliger les Cantons à prendre partiellement en charge les prestations résultant du transfert ambulatoire obligatoire (six groupes de prestations), comme ils le faisaient jusqu’en 2019 lorsque ces prestations étaient effectuées dans un cadre hospitalier (DRG). Cette réforme a engendré un report de coûts sur les assureurs et les assurés, quand bien même une bonne partie de ces prestations continue d’être effectuée à l’hôpital, mais en ambulatoire.
Transparence dans les coûts de la santé. La SVM a poursuivi en 2021 son engagement aux niveaux cantonal, romand et fédéral pour obtenir davantage de transparence sur les coûts de la santé et la fixation des primes. Une condition préalable selon elle à toute nouvelle mesure d’économie dans le domaine de la santé. A relever en particulier sur le sujet les interventions parlementaires en 2021 des conseillers nationaux Olivier Feller (PLR/VD) et Vincent Maître (Le Centre/GE) pour davantage de transparence sur la surveillance des assureurs par l’OFSP. En juin 2021, Olivier Feller a également présenté aux membres de l’Assemblée des Délégués (AD) de la SVM l’état du dossier aux Chambres fédérales et les nombreuses difficultés rencontrées. Pour mémoire, la SVM demande depuis 2020 que les primes AOS soient calculées sur les coûts réels de la santé de manière rétrospective et pas sur des prévisions. Ce qui serait le système le plus juste et le plus à même d’éviter l’accumulation de réserves.
© Jean-Bernard Sieber – ARC
A relever que l’OFS a publié en 2021 l’édition 2019 de son étude MAS (Statistique des cabinets médicaux et des centres ambulatoires), qui démontre à nouveau que les revenus des médecins indépendants dans les cabinets médicaux n’atteignent de loin pas les montants fantasmés que certains continuent de véhiculer.
Coûts de la santé : 1er et 2e paquets de mesures. 1er et 2e paquets de mesures. Le Parlement fédéral a adopté à l’été 2021 la première partie – il a été scindé en deux projets – du « 1er paquet de 9 mesures visant à maîtriser les coûts de la santé » proposé par le Conseil fédéral en 2019. Notamment, il sera désormais possible de réaliser des projets pilotes dérogeant à LAMal afin d’expérimenter de nouveaux modèles (meilleure maîtrise des coûts, renforcement de la qualité et avancées en matière numérique), les forfaits seront encouragés pour les prestations ambulatoires, une organisation tarifaire nationale pour le domaine ambulatoire sera créée et les médecins et autres prestataires, même en tiers payant, devront transmettre à l’assuré une copie des factures.
Les débats sur la deuxième partie (5 mesures) du 1er paquet ont ensuite continué sans connaître leur épilogue à fin 2021. La FMH s’est notamment fait entendre avec succès auprès des conseillers aux Etats pour le refus d’un nouvel article dans la LAMal (47 c) qui aurait introduit un contrôle des dépenses via des tarifs dégressifs ou une enveloppe budgétaire globale.
A lire sur le « budget global », un dossier complet sur le site de la FMH
Alors que ce premier paquet n’était pas encore traité, le Conseil fédéral en avait déjà mis en consultation un deuxième à la fin de l’été 2020, avec le même objectif, mais d’autres chemins pour l’atteindre. La SVM, comme la SMSR et la FMH, ont considéré que ce 2e paquet présentait également des risques très élevés de rationnement des soins. Le Conseil fédéral devrait soumettre son projet définitif aux Chambres fédérales en 2022.
(Re)-lire à ce sujet : Le 2e paquet n’est pas un cadeau ! (CMV n°6/2020)
Nouveaux modèles d’assurance-maladie. La créativité des assureurs-maladie dans la mise sur le marché de nouveaux modèles d’assurance obligatoire à coût attractif, inspirés du « Managed Care » mais limitant drastiquement l’accès au libre-choix du médecin, avec son lot de mauvaises surprises potentielles en cas de maladie, fût à nouveau constatée en 2021. Notamment, le fameux modèle QualiMed proposé par Assura est désormais également proposé dans le canton de Vaud. A relever que l’entrée en vigueur de ce type de modèles est peut-être même discutable du point de vue des coûts globaux de la santé, du porte-monnaie du patient à franchise élevée et de la pénurie de médecins de 1er recours, puisqu’il oblige à une première consultation parfois inutile chez le médecin de premier recours, en cas de problème de santé spécifique et connu.
Label pour les médecins praticiens (Dr Philippe Eggimann). En 2021 comme en 2020, ce dossier a été une victime collatérale du coronavirus et n’a pas connu l’avancée espérée, les rendez-vous prévus avec les autorités fédérales n’ayant pas pu se tenir. La seule bonne nouvelle dans ce dossier au niveau vaudois est l’arrêt de demandes lourdes de rétrocession des assureurs, qui auraient pu mettre en danger certains médecins praticiens. Si les chances sont quasi nulles d’une modification au niveau national, l’objectif reste l’instauration d’un label des médecins praticiens, reconnu par les Cantons, qui permette aux médecins praticiens de même niveau de formation et pratique que les internistes et généralistes de bénéficier des mêmes conditions tarifaires. Le plus grand nombre de médecins praticiens concernés se trouve en Suisse romande, raison pour laquelle ce projet est mené au niveau régional par la SMSR, sur proposition de la SVM.
Tarifs privés (LCA). Les travaux ont continué en 2021 pour la mise en place d’un nouveau régime de conventions tarifaires privées tripartites (médecins, assureurs privés et hôpitaux/cliniques) permettant d’assurer l’avenir de ce secteur d’activités, compte tenu de nouvelles exigences de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) et de la Commission de la Concurrence (COMCO). Il s’agit notamment que la FINMA puisse valider des éventuelles hausses de primes privées, sur la base d’un état clair des prestations payées et remboursées, et que la COMCO puisse écarter tout risque d’entente cartellaire de nature à générer des surcoûts.
En Suisse romande, les discussions se déroulent prioritairement dans le canton de Vaud entre les partenaires, avec l’objectif d’aboutir à un modèle pouvant ensuite être repris dans les autres cantons. La matière est complexe, puisqu’il s’agit à la fois d’avancer sur de nouvelles conventions entre assureurs privés et établissements hospitaliers (divisions privées des hôpitaux régionaux et cliniques privées) pour la partie infrastructures et hôtelière, entre les médecins indépendants et les assureurs privés pour régler les honoraires admis pour les différentes prestations ainsi qu’une distinction sans équivoque entre prestations médicales AOS et LCA, et entre les médecins et les établissements hospitaliers pour des modalités simplifiées et coordonnées de facturation (via numéro de cas).
Pour les médecins, compte tenu des conditions posées par la FINMA, l’objectif impératif est une finalisation de conventions avec plusieurs assureurs à fin 2022, en vue d’une validation par les autorités en 2023 et une mise en place début 2024.
Des conventions tarifaires plus strictes permettront de préserver les intérêts légitimes des assureurs privés et des établissements, comme des médecins et de leurs patients. En contrepartie de certaines contraintes tarifaires, chaque médecin installé pourra adhérer à des conventions passées avec des assureurs privés dont la SVM sera signataire, et bénéficier ainsi de garanties de protection de son activité indépendante et de sa liberté thérapeutique. Ceci offrira aussi aux patients une garantie de remboursement des prestations. Travailler hors de ce cadre restera possible, mais exigera un devis et un accord préalable entre patient, médecin et assureur privé.