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Poème en prose - Hommage à Palès

Dans la pénombre

Te quoque, magna Pales, et te, memorande, canemus / Pastor ab Amphryso, vos, silvae amnesque Lycaei. / Toi aussi, grande Palès, et toi, ô mémorable, nous te chanterons / Pâtre de l’Amphryse, et vous, forêts et rivière du Lycée. (Virgile, Géorgiques, 3.1)

Le soleil filtre sous les persiennes du soir. Le cabinet se prépare pour le crépuscule et déjà le chien ronfle, bercé par le fauteuil de cuir aux odeurs du pays d’Heidi, vieux cuir comme le pinot de la vallée du Rhin, qui sent aussi la pierre à fusil, bonheur de l’équipier du chasseur. Le chien rêve aux pâturages de l’alpe et aux parfums de gentiane déterrée, aux griffes qui creusent, aux coussinets tannés de terres odorantes.

Un patient dévide sa litanie d’infortunes d’une voix monocorde comme un catholique qui bat sa coulpe. C’est constant, rituel, sans ouverture possible. Un chant grégorien d’où est parti bien loin le diable dans la musique, l’imprévu que personne n’attend.

Le diable de chien qui écoute en rêvant, soudain soupire comme le désespéré qui cherche en vain le chemin vers le torrent rafraîchissant. Il est le cerf altéré. Soupir devant un « Holzweg », la débrosse perdue et impraticable de l’ami jurassien où il furetait avec son maître et devait rebrousser chemin, mais c’était si bon.

Et le médecin dans cette histoire fait confiance au flair du chien. Le patient éclate de rire en entendant le soupir du médor. Il est presque guéri. Laissons œuvrer ce cerveau accessoire, ce tiers sublime qui ouvre le cercle fermé des redites.

© DR

Le médecin se sent si mal depuis que des comptables aux dents jaunes et à l’haleine aussi fétide que leur bonne conscience l’ont condamné pour des moyennes dépassées du temps. Il veut mourir, ou partir loin, renvoyer les patients, ne plus jamais travailler. Il prend du Stilnox pour la première fois de sa vie et cela calme la brûlure infâme de la courbe de Gauss et de ses adorateurs sectaires qui allument déjà les bûchers dans son estomac. Il s’endort.

Médor lui lèche les mains car c’est l’heure de la promenade, le moment de ne pas sombrer et le médecin oubliera avec son chien dans la forêt, de songer à ces rhinocéphales qui se prennent pour les César des bureaucrates et dirigent la guerre qui gaule la bienfaisance et envoie Labienus pour la victoire du budget. Caesar misit Labienum ut budgem peteret comme Il le disait. Mais de qui parlez-vous ? De qui parle-t-il ? De lui… Vous ne vous souvenez pas de lui ? C’était il y a longtemps…

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