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Etat des lieux

Genèse et évolution du titre de médecin praticien

Quelles sont les différences entre un médecin généraliste et un médecin praticien en Suisse ? Quelle influence a joué TARMED sur leur statut respectif et que peut-on attendre de TARDOC dans un contexte de pénurie de médecins de premier recours ? Retour sur les dates clés et les parties prenantes susceptibles d’infléchir l’avenir des « MP » en Suisse.

Comme le rappelait le Dr Jean-Pierre Keller, vice-président de l’Institut suisse pour la formation médicale et continue (ISFM) dans le DOC 5 de février 2023, la médecine interne et la médecine générale relevaient jusqu’en 2010 de deux formations distinctes. La mise en place des accords bilatéraux a conduit à la reconnaissance des titres de médecine générale acquis dans les pays voisins, avec une durée de 3 ans en général, contre 5 ans en Suisse et en Allemagne.

Pas d’équivalence donc pour le titre de spécialiste en médecine générale pour les médecins français et italiens. Fusionner les titres (et les sociétés) de médecine générale et de médecine interne a alors permis de maintenir cette spécificité suisse de formation sur 5 ans (minimum). On oublie souvent qu’il y a aussi, parmi les médecins praticiens, des collègues formé·es en Suisse à qui il a manqué 6 mois de formation reconnue, la publication d’un article, ou encore le paiement d’une taxe d’examen…

L’impact du TARMED

Avant l’introduction du système tarifaire TARMED en 2004, lorsque la consultation se prolongeait au-delà du premier quart d’heure, je ne gagnais qu’un franc par minute supplémentaire. Depuis, c’est passé à environ 3,5 francs par minute ! Cela vous paraîtra peut-être bizarre ou choquant, mais je pense sincèrement que TARMED a amélioré les conditions de « remboursement du temps » nécessaire pour pratiquer une médecine de la personne.

En 2014 enfin, autre avantage « commun » des médecins internistes généralistes (MIG) et des médecins praticiens (MP) : le supplément pour les médecins de premier recours introduit grâce à la pression mise sur nos autorités par le succès de l’initiative lancée par Médecins de famille et de l’enfance Suisse (mfe).

Le couperet de 2018

TARMED se décline différemment pour les MIG et MP. Ces derniers sont privés des positions « statu », « psychosocial » et « spécifique » et ne peuvent pas facturer entièrement une consultation lorsqu’il est nécessaire de la prolonger. Ils peuvent par contre aussi augmenter le temps de consultation si l’âge de la patiente ou du patient est inférieur à 6 ans ou supérieur à 75 ans ou si cette personne « nécessite plus de soins », et utiliser les positions « informations » et « instructions ». Les positions en absence, les lettres, les électrocardiogrammes (ECG), spirométrie simple et Holter sont remboursés à l’identique, mais pas les Remler.

Jusqu’en 2018, aucune assurance-maladie ne faisait la distinction entre MP et MIG pour l’utilisation de ces positions. C’est alors que le couperet tombe : certains médecins praticiens se voient exiger des remboursements de plusieurs dizaines de milliers de francs pour l’utilisation des positions réservées aux MIG, qui n’avaient pourtant pas posé de problème jusque-là. Que s’est-il passé ? Il est probable que le changement de la valeur intrinsèque (VI) de la position médicale décidée en 2018 par Alain Berset (la VI passe de 0,905 à 0,930 pour les MP et de 0,905 à 0,985 pour les MIG, alors que les autres médecins spécialistes se voient diminuer leur VI au même niveau), ait permis d’identifier aisément les médecins praticiens.

Tardoc 2025, la terre promise aussi pour les médecins praticiens ?

Dans la nouvelle version du tarif médical prévue dans une année (TARDOC) figure la correction de certaines aberrations de facturation actuelles, avec la possibilité pour les MP d’utiliser les positions « statu » et « psychosocial ». Que demande le peuple, me direz-vous ? Justement de l’espoir !

Peut-être que l’ISFM aura décidé d’augmenter les chances pour les MP de pouvoir acquérir le titre de MIG par des curriculums plus souples, en accord avec la Société suisse de médecine interne générale (SSMIG) ? Peut-être que les instituts universitaires auront officialisé la possibilité pour les MP de recevoir aussi des étudiantes et étudiants au cabinet et de former des jeunes médecins ? Peut-être que les médecins praticiens pourront avoir accès à l’obtention d’un titre de formation approfondie et ne seront pas seulement soumis à l’obligation d’une formation continue d’ailleurs identique à celle des MIG ? Peut-être que les médecins praticiens seront admis à mfe au niveau suisse s’ils le souhaitent ? Peut-être que la Suisse aura compris et décidé qu’elle doit former plus de médecins et autres professionnel·les de la santé sur son sol ?

Alors peut-être que les médecins praticiens auront obtenu plus de droits en adéquation avec leurs devoirs et leur contribution essentielle à un système de santé durable en Suisse…

Le chiffre

2025
Année d’introduction espérée du nouveau système tarifaire TARDOC. De quoi contribuer à mettre fin à certaines injustices de facturation actuelles entre médecins praticiens et internistes généralistes ?

Vrai ou faux?

“La formation continue est obligatoire pour les médecins praticiens”
Oui, comme pour les MIG, elle est de 50 heures (crédits) de formation continue structurée et de 30 heures d’études personnelles par an.
A notre connaissance, des contrôles sont effectués aléatoirement par l’ISFM (pointage).

“Les médecins praticiens facturent leurs prestations avec un point tarifaire plus bas que leurs homologues détenant un titre FMH”
Non, le point tarifaire TARMED est le même, il est établi au niveau cantonal. Toutefois, un facteur de pondération est appliqué. C’est cette « valeur intrinsèque quantitative » qui est plus faible pour les MP (0,930 contre 0,985 pour les MIG), d’où une tarification différenciée des prestations médicales. En revanche, les prestations techniques sont facturées uniformément (coûts inhérents aux infrastructures, matériel et ressources).

“Les médecins praticiens peuvent facturer les mêmes prestations que leurs homologues détenant un titre FMH (ISFM)”
Non, il existe des disparités détaillées dans l’article ci-contre. Une « valeur intrinsèque qualitative » distincte est attribuée aux MP et MIG : celle-ci limite le catalogue de prestations médicales que les MP sont autorisés à facturer, en raison d’un niveau de qualification différent (durée de formation postgrade plus courte, pas de titre de spécialiste reconnu par l’ISFM).

“La majorité des médecins praticiens en Suisse sont étrangers”
C’est certain, mais ces données ne sont pas mesurées. Dans le canton de Vaud, selon les chiffres fournis par le service du médecin cantonal, il y avait 255 MP et 660 MIG installés en 2020 (dernier relevé disponible). On ne connaît toutefois pas la part exacte de médecins suisses et étrangers qui les composent.

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