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Dr Philippe Eggimann

«Je compte rester actif dans la politique professionnelle»

Membre du comité de la SVM depuis 2009, dont il aura été président entre 2016 et 2024 (son ultime mandat s’achève fin juin), le Dr Philippe Eggimann porte avec engagement et conviction différentes casquettes. Il est aussi président de la Société médicale de Suisse romande (SMSR) depuis 2018 et vice-président de la Fédération des médecins suisses (FMH) depuis 2022. Sans oublier son activité clinique comme médecin adjoint à temps partiel au Département de l’appareil locomoteur au CHUV, à Lausanne. Mais à quel dopant fonctionne-t-il ?

D’où vient votre vocation pour la médecine ? 
Cela remonte probablement à mon enfance car j’ai grandi depuis l’âge de 2 ans dans une habitation familiale attenante au cabinet de mon père, médecin généraliste à Cheseaux. Mauvais élève au gymnase, certainement par ennui, j’ai pensé à faire de la physique avant de me tourner vers la médecine pour son côté humain. Je n’ai jamais regretté car j’y ai vraiment trouvé du sens.

Est-ce que vous recommanderiez ce métier à la jeune génération et quels conseils pourriez-vous leur donner ?
Nous manquons de médecins et l’ancienne génération doit vraiment encourager toutes celles et ceux qui se lancent dans cette profession. C’est un métier extraordinaire qui offre d’innombrables débouchés passionnants, mais il faut aussi se préserver en consacrant suffisamment de temps à sa vie personnelle. La FMH a mis en place un programme de mentorat « Coach my career » qui accompagne les futurs médecins dans les différentes étapes de leur carrière.

Quels ont été les moments clés qui ont façonné votre carrière médicale ?
Ce sont avant tout des rencontres qui ont influencé mon parcours. Le Dr Jean-Pierre Bergé, médecin-chef du service de médecine interne à l’hôpital du Samaritain à Vevey, m’a donné envie de faire de la médecine interne générale hospitalière. J’ai ensuite rencontré le Prof. René Chioléro qui nous a guidés vers la fusion des soins intensifs de médecine et de chirurgie au CHUV. Le Prof. Francis Waldvogel de Genève m’a beaucoup encouragé à continuer une activité académique et de recherche. Enfin, j’ai fait un long bout de chemin avec le Prof. Didier Pittet qui m’a donné le goût de la recherche clinique appliquée, avec à la clé des articles communs dans des publications comme The Lancet et des conférences dans le monde entier.

Quel est le plus grand défi que vous avez rencontré en tant que président de la SVM et comment l’avez-vous relevé ?
Il a fallu à plusieurs reprises maintenir la cohésion entre les différents groupements et fédérer des avis souvent divergents dans une association qui se doit de représenter tous les médecins ayant terminé leur formation et qui exercent dans le canton de Vaud, quel que soit leur profil ou le type de structure dans laquelle ils travaillent. Les relations souvent tendues entre spécialistes et médecins de premier recours se sont apaisées grâce notamment à certains médecins engagés dans ces groupements et au secrétaire général précédent, Pierre-André Repond.

Votre réussite la plus significative dans cette fonction et votre échec le plus douloureux ?
Le plus grand succès, qui revient véritablement à toute l’équipe de la SVM, est d’avoir réussi à maintenir et développer un partenariat public-privé entre le Département de la santé et de l’action sociale du canton de Vaud (DSAS) et la SVM dès 2009. Cela nous a permis d’établir un cadre dans divers domaines clés comme la garde médicale ambulatoire et la clause du besoin.
L’échec le plus douloureux, c’est de ne pas avoir réussi à convaincre la majorité du corps médical vaudois de transmettre ses données de facturation au Centre de confiance, ce qui permettrait de le défendre contre les accusations de surfacturation provenant des assureurs, ainsi que les données concernant les chiffres d’affaires et les charges de cabinet à RoKo. C’est en partie à cause de ces informations insuffisantes qu’il nous a été si difficile de défendre la valeur du point TARMED face aux assureurs et au Canton.

© Régis Colombo – diapo.ch

Une rencontre vous a-t-elle particulièrement marqué durant ces 8 ans de présidence?
Sans conteste le conseiller d’Etat Pierre-Yves Maillard (voir aussi DOC 9). C’est l’artisan du partenariat public-privé côté Canton. Nous avons de nombreux points de désaccord mais de ces moments de confrontation entre 2009 et 2019 sont sortis des éléments favorables qui ont fait évoluer à la fois le corps médical, les fonctionnaires ainsi que le personnel politique du Canton. Je déplore toutefois l’évolution idéologique de sa dernière mandature.

Comment avez-vous géré votre présence grandissante dans les médias ?
Cette visibilité médiatique progressive est quelque chose qui m’a surpris. Elle est certainement due au fait que je porte avec force et conviction les causes du corps médical dans son ensemble, afin de maintenir des conditions d’exercice qui garantissent sa liberté thérapeutique au bénéfice des patient·es.

Comment avez-vous favorisé la collaboration et le dialogue au sein de la communauté médicale pendant votre mandat ?
Je me suis efforcé de m’intéresser à toutes les facettes de la profession médicale au sein des divers groupements de la SVM. Au fil de ma carrière, j’ai pu m’approcher de différentes spécialités et créer des liens avec des collègues d’horizons différents dans toute la Suisse romande et au-delà. Cela a certainement été un atout dans le cadre de mes activités de politique professionnelle.

Y a-t-il eu parfois des conflits d’intérêts entre vos fonctions au sein de la SVM ou des autres associations (SMSR, FMH) et votre poste actuel au CHUV ? 
Dans mes fonctions au sein de différentes associations de politique professionnelle, il n’y a pas de conflits d’intérêts. Il s’agit de défendre le corps médical afin de garantir l’accessibilité et la qualité de notre système de santé. J’ai toujours réussi à séparer ma carrière en politique professionnelle et ma carrière médicale. Dans les médias, je n’apparais jamais comme médecin du CHUV. A l’inverse, l’ensemble de mes activités scientifiques et académiques est exclusivement exercé sous cette casquette.

Y a-t-il un dossier qui vous tient particulièrement à cœur parmi ceux que vous laisserez à la personne qui vous succèdera ? 
Parmi les dossiers importants pour le corps médical vaudois, je place l’évolution de la garde médicale en tête. Les médecins doivent rester actifs dans la garde médicale mais il faut redéfinir leur rôle (voir prochain DOC 11).

Pouvez-vous nous décrire une de vos journées type ?
Lever à 5h00 pour lire mes mails et les informations concernant la politique professionnelle. J’arrive à mon bureau au CHUV à 6h30 pour prendre connaissance de ce qui s’est passé aux soins continus du service d’orthopédie et de traumatologie dont j’assure la supervision. A 7h10, c’est le rapport médical pour être au courant des différents cas et discuter avec les cadres. Dès 8h00, visite médicale des patient·es des soins continus et de celles et ceux qui posent problème. Ensuite, j’ai une grande liberté d’organisation pour mener mes activités cliniques et de politique professionnelle – dont les séances se déroulent heureusement la plupart du temps en visio – tout en essayant de maintenir une certaine activité scientifique. Je reste atteignable par les médecins du service toute la journée jusqu’en début de soirée et les week-ends. Je profite de quelques moments en famille entre 18h30 et 22h00 puis me replonge dans les divers dossiers de politique professionnelle jusqu’à 23h30 avant une courte nuit de sommeil. Les week-ends sont plus légers et permettent de finaliser certains dossiers.

Comment avez-vous vu évoluer la pratique médicale au cours de votre carrière et quelles sont les tendances émergentes qui pourraient façonner l’avenir de la médecine ?
Elle a considérablement évolué durant mes 30 ans de carrière avec une accélération du temps et une explosion des possibilités de la médecine moderne qui sont telles que nous devons évaluer les options les plus pertinentes au cas par cas. Il faut personnaliser ce que l’on propose à la patiente ou au patient en fonction de sa volonté – une nouveauté ! – des possibilités et du sens que cela a pour cette personne en particulier.

Dans les années 1980, en médecine intensive, les personnes mouraient car il n’y avait plus rien à faire. Aujourd’hui, les trois-quarts décèdent car la décision d’arrêter les soins a été prise par elles-mêmes ou leurs proches. Afin de pouvoir continuer à offrir cette médecine de qualité, il faut absolument libérer le corps médical des lourdeurs administratives (représentant jusqu’à 30% de son travail). Nos médecins doivent pouvoir se concentrer sur leur réelle valeur ajoutée qui se situe dans la relation avec leurs patient·es et la mise à jour de leurs connaissances dans des domaines qui évoluent très rapidement.

Quels sont, à vos yeux, les défis actuels du système de santé suisse ?
Il y en a trois principaux :

  1. Le maintien de son accessibilité et de la qualité des prestations qui nous sont enviées loin à la ronde, avec une espérance de vie (en bonne santé) parmi les plus élevées au monde. Et cela, nous le devons en partie à une complexité et à une organisation très décentralisée, dans laquelle chaque niveau prend et assume ses responsabilités. Il ne faut surtout pas copier les pays qui nous entourent, comme la France et l’Allemagne qui ont choisi la voie de l’étatisation en matière de santé. A mes yeux, il serait plus judicieux d’optimiser les instruments déjà mis en place tout en redonnant la préséance aux partenaires qui sont à même de proposer des solutions pérennes issues du terrain.
  2. L’effet baby-boomer et la pénurie de soignant·es qui va se péjorer avec l’augmentation des prestations, du fait d’une population croissante et vieillissante. Pour relever ce défi, il faut clairement permettre aux professions non-médicales d’effectuer un certain nombre de prestations médicales et les accompagner dans leur formation pour garantir la qualité.
  3. Les coûts de la santé, même si la Suisse est plutôt en bonne position lorsque ceux-ci sont mis en relation avec le PIB. Notre problème réside plutôt dans la répartition du financement et la solidarité découlant de la LAMal, mises à mal par l’augmentation des prestations à fournir aux personnes âgées et les progrès de la médecine. Il faudrait concentrer la participation financière publique dans les populations où les coûts sont les plus importants. Cela permettrait de définir des politiques de santé publiques plus efficaces. Mais pour la majorité de la population, le système actuel a fait ses preuves.

© Régis Colombo – diapo.ch

Quel impact espérez-vous avoir laissé en tant que président de la SVM ?
J’espère avoir contribué à maintenir les conditions d’exercice de la médecine, en mettant en avant ce que font les médecins pour la population. Il faut arrêter de prétendre que ce sont des profiteurs. L’immense majorité s’engage corps et âme vis-à-vis de sa patientèle.
Après avoir transmis la présidence de la SVM, je compte rester actif dans la politique professionnelle. Je suis d’ailleurs candidat à ma propre réélection au sein du comité central de la FMH le 6 juin prochain.

Un message pour les membres SVM ?
Je les invite à non seulement rester membres de la SVM mais à s’impliquer dans la vie de leurs groupements, ce qui contribue à donner du sens aux actions de leurs représentants vis-à-vis de nos différents partenaires. Cela est absolument essentiel pour défendre leurs conditions de pratique et leur liberté thérapeutique.

Et un dernier mot pour nos élu·es vaudois ?
Comme déjà évoqué, la SVM a développé un partenariat public-privé en signant une convention avec le DSAS. Mais ce qu’elle a négligé, c’est de développer et entretenir des liens avec nos parlementaires vaudois·es, en particulier avec celles et ceux qui font partie de la Commission thématique de la santé publique. Elles et ils n’ont pour le moment que l’Office du médecin cantonal comme source directe d’information, ce qui est encore plus marqué depuis que le Service de la santé publique est devenu une direction générale, et ce n’est pas qu’un changement sémantique. Or la SVM peut les aider dans la préparation de leurs dossiers, en leur transmettant une multitude de données utiles. Nous avons d’ailleurs commencé ce travail.

Questions-réponses

Avez-vous un médecin traitant ? Non, mais je me rends chez mes pairs en cas de besoin.
Faites-vous des check-up réguliers ? Oui, auto-prescrits.
Avez-vous un DEP ? Non, tous les documents numérisés de ma famille et moi-même sont stockés dans mes propres fichiers.
Votre remède contre le stress ? Ecouter toutes sortes de musique avec un casque audio performant pendant la journée et courir deux fois par semaine si possible.
Vos drogues préférées ? Le travail et le café.
La spécialité que vous n’auriez jamais pu exercer ? La psychiatrie. Si un dialogue n’éveille pas mon intérêt, je décroche immédiatement.
Si vous n’aviez pas été médecin, vous auriez été… Médecin !

Chiffres clés

1960 : année de naissance
3 titres FMH : médecine interne, médecine intensive, infectiologie
243 publications
515 apparitions dans les médias (TV, radio, journaux) en lien avec la politique professionnelle depuis 2016

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