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Politique

Rapport HRC: une base de réflexion pour le futur de nos hôpitaux

La nécessité qu’une commission d’enquête parlementaire (CEP) soit mise sur pied en raison du dépassement de budget de l’Hôpital Rivieras-Chablais Vaud-Valais (HRC) a fait grand débat et a été adoptée de justesse par le Grand Conseil en 2021. Son rapport vient de paraître et a l’immense mérite de regarder dans le passé, en narrant un historique remontant au 18e siècle (!), pour analyser soigneusement les fondements ayant menés à la création d’un hôpital intercantonal autonome de droit public.

© Laurent Kaczor

A en croire que la CEP a pris pour devise une citation attribuée à Otto von Bismarck « Celui qui ne sait pas d’où il vient ne peut savoir où il va ». Le travail est important et les enseignements tirés de ce bilan au regard politique, se fendant de cinq recommandations au Conseil d’Etat, sont nombreux. Sous l’œil du médecin hospitalier, cette analyse met parfaitement en lumière le rôle que l’Etat peut/pourrait/doit/devrait jouer dans le domaine de la santé (publique).

Tiraillements entre autonomie et pilotage étatique

Pour tenter d’appréhender les éventuels dysfonctionnements, la dichotomie entre le rôle de pilotage de l’Etat (Grand Conseil et Conseil d’Etat) et l’autonomie de l’HRC plane en permanence dans le rapport de la CEP et les réactions des personnalités auditionnées. Citons à ce sujet la formule de Pierre-Yves Maillard : « Pour les Conseils d’Etat, avec l’aval des Grands Conseils, les choses étaient claires : l’Etat donne une mission générale et signe un contrat de prestations ». En y regardant de plus près, la Convention de l’HRC stipule que les compétences des deux Conseils d’Etat sont très précises, déterminant passablement de règles de fonctionnement de l’hôpital, et lui donnant notamment la tâche « de fixer le cadre des rapports de travail en l’absence de CCT, ainsi que les directives relatives à la rémunération des membres de la Direction générale et des médecins cadres ».

C’est sur cette base que la CCT des médecins cadres de l’HRC a vu le jour. S’appuyant sur un rapport de 2000, la CEP écrit à ce sujet : « Dans son rapport, Ernst & Young mentionne également la possible résistance des médecins, en particulier ceux de la Riviera, pour des raisons de déplacements, du risque de changement de statut et de rémunération. Il préconise de « définir une stratégie de communication et de changement avec des professionnels expérimentés. En effet, le projet est ambitieux et source de vives résistances. L’investissement à consentir est également lourd. Il ne pourra aboutir que si les acteurs-clés sur le terrain (politiciens, médecins, patients, etc.) peuvent être convaincus du bien-fondé du projet et mis en relais. Il devrait alors être possible d’assurer la promotion du projet en jouant sur un effet de « contagion positive » grâce à ce réseau de prescripteurs ». Enfin, le rapport conclut en affirmant que « l’option de base qui sera retenue dépendra essentiellement de la définition, dans les deux cantons, d’un cadre de référence cantonal clair et accepté en matière de planification hospitalière ».

Le corps médical doit s’engager

Ce regard vers le passé, met en exergue un principe simple et connu de tous, d’apparence banale et qui rejoint l’adage de M. Maillard cité ci-dessus : l’Etat fixe les règles (acceptées par la majorité) et les prestataires les mettent en pratique. Mais comment l’Etat fixe-t-il les règles ? Qui décide de quoi ? Nous faisons trop souvent face au fatalisme basique de considérer que ce qui est écrit dans la loi, les ordonnances et les règlements, est immuable et vérité. Qui connaît mieux les réalités du terrain que les médecins engagés jour et nuit dans nos hôpitaux ? C’est là un appel que je lance à tous les collègues : nous devons participer aux changements majeurs du paysage médico-hospitalier qui sont en cours dans le canton.

Le GMH défend les principes de liberté, de transparence et de relations partenariales tels que décrits dans la résolution de 2018 qui reste d’actualité [1]. Le corps médical des hôpitaux vaudois est plus que jamais démantelé, désuni, fractionné ; résultat de 3 CCT distinctes qui divisent. Il est urgent de remettre de l’ordre dans la maison. Au début de cette nouvelle législature, la SVM et le GMH appellent à définir ensemble, dans le cadre du partenariat DSAS-SVM, l’accord-cadre sur le statut des médecins actifs dans les hôpitaux du canton, processus initié en 2016. Les postes de médecins chefs doivent rester attractifs pour assurer des prestations médicales de qualité à l’ensemble de la population. L’Etat désire fixer des règles conformes à la loi fédérale (LAMal), mais c’est à nous de veiller à ce qu’une interprétation parfois dogmatique ou idéaliste ne s’impose pas.

Préserver la voie du milieu

Le statut des médecins chefs des hôpitaux de la FHV (CCT FHV-SVM) est situé quelque part au milieu d’une échelle dont une extrémité est le fonctionnement en milieu universitaire et l’autre la pratique libérale en clinique privée. Le politique est tenté de nous attirer vers un modèle de fonctionnariat uniformisé, mais ceci sans avoir la réelle possibilité d’une carrière académique stimulante. Sachons préserver la juste voie du milieu définie par la résolution du GMH et assurant au médecin un équilibre de liberté entrepreneuriale et de service public à la population.

A l’heure de l’application de la planification hospitalière cantonale, il s’agit de sérieusement se poser la question si le but n’est pas que les hôpitaux deviennent tous des établissements autonomes de droit public du modèle HRC. Quelle est la volonté de la population, des patient-es, des médecins et des élu-es ? Le travail de la CEP permet justement de stimuler notre réflexion à ce sujet et c’est là son principal mérite.

Références

[1] https://www.svmed.ch/svm/wp-content/uploads/2019/03/resolution-du-gmh-111018.pdf

A retenir

La Commission d’enquête parlementaire a rendu son rapport concernant le dépassement de budget de l’Hôpital Riviera-Chablais Vaud-Valais. Même si sa mise sur pied a fait débat, il n’en demeure pas moins que ce rapport a le grand mérite de stimuler la réflexion sur la distinction des rôles entre l’Etat et la direction d’un hôpital. Dans ce contexte, il est important que le corps médical poursuive son engagement, notamment au travers des associations professionnelles, afin de continuer à assurer la qualité des prestations médicales ainsi que la relève.

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