Comptes 2018 de l’Hôpital Riviera-Chablais : bonne nouvelle pour le contribuable et mauvaise nouvelle pour le portemonnaie des patients et assurés. Et pour les médecins ?

29.04.19 | Proposé par: Dr Philippe Eggimann

L’hôpital se réjouit

Alors que son budget 2018 prévoyait un déficit de près de 5 millions de francs, l’Hôpital Riviera-Chablais (HRC) a fièrement annoncé le 15 avril par communiqué de presse (PDF) qu’il bouclait l’exercice comptable 2018 «sur un résultat quasi-équilibré», soit un déficit de 920’000 CHF.

Le contribuable est (moyennement) rassuré

Avec une augmentation continue des subsides cantonaux en faveur de l’HRC depuis 2015 : 13,6 millions de francs en 2015, 16,7 millions en 2016 et 18,4 millions de francs en 2017 (montants 2018 pas encore publiés dans les chiffres clés des hôpitaux suisses de l’OFSP), le contribuable vaudois n’est sans doute que moyennement rassuré, même si la direction de l’HRC se réjouit pour 2018 d’une «bonne maîtrise des charges». C’est en effet probablement aussi grâce à cette manne publique que le déficit qui était de 2,4 millions de francs en 2015, et de 5,5 millions en 2016 a pu être ramené en 2018 en dessous de la barre psychologique du million.

Le patient-assuré se rend compte qu’il paye individuellement toujours davantage pour sa santé

L’HRC se réjouit également d’une «augmentation des recettes ambulatoires» qui lui a permis de presque atteindre l’équilibre.  Le communiqué détaille : «l’Hôpital enregistre une activité stationnaire stable par rapport à l’année 2017 avec une complexité moyenne des cas traités (indice du casemix) qui a très légèrement progressé. S’agissant de l’activité ambulatoire, la tendance à la hausse se confirme (+ 5%) avec une augmentation des recettes liées notamment au développement de nouvelles activités.»

Le patient-assuré verra certainement les choses différemment. Il convient de rappeler ici que seul le 45% de l’activité stationnaire est à charge de l’assurance maladie obligatoire des soins (AOS), donc des primes d’assurance-maladie, alors que le 55% restant est à charge du Canton, donc de la solidarité entre contribuables vaudois. Dans le domaine de l’activité ambulatoire, c’est par contre le 100% des coûts qui est mis directement à charge des patients-assurés (primes AOS, franchise, quote-part).

Plus d’activité ambulatoire dans un hôpital public – le propos n’étant pas ici de dire que le « transfert ambulatoire » ne se justifie pas – c’est donc factuellement aussi un peu moins de solidarité financière entre bien-portants et malades, ainsi qu’entre personnes aisées et à bas revenu. Pour une prestation réalisée auparavant en mode stationnaire, le patient-assuré paie bien davantage en mode ambulatoire, même si celle-ci est moins chère. Concrètement, pour un traitement hospitalier stationnaire de CHF 10’000.-, l’assurance doit financer CHF 4500.- (et l’Etat cantonal 5500.-). Pour le même traitement, dont les coûts sont «optimisés» de 30% environ grâce au traitement ambulatoire, elle doit payer CHF 7000.- (et l’Etat cantonal plus rien).

Il s’agit donc simplement de constater que ce phénomène, au-delà de la plus ou moins bonne santé budgétaire des institutions hospitalières publiques, va contribuer à stimuler l’augmentation des primes, si aucune mesure corrective n’est prise.

L’activité ambulatoire de l’HRC, l’équivalent de 200 cabinets médicaux indépendants

Toujours selon les chiffres clés des hôpitaux publiés par l’OFSP, l’analyse révèle que le volume de prestations ambulatoires facturées à charge de l’AOS par l’HRC est passé de 70,9 millions de francs (25,4% de son bilan) en 2014 à 82,9 millions (27,5% de son bilan) en 2017. Si l’on prend en compte l’augmentation de 5% annoncée ci-dessus, on atteint près de 87 millions en 2018, soit une hausse de 22,7% en 5 ans (+ 4,5% par année). Désormais, à lui seul, l’ambulatoire en hausse de l’HRC représente environ 10% du volume facturé à charge de l’AOS par l’ensemble des 2000 cabinets médicaux indépendants du canton de Vaud ! Ou, autrement dit, l’HRC représente l’équivalent de 200 cabinets médicaux.

Les médecins vaudois constatent qu’ils ne sont pas responsables de la hausse des primes !

Les montants facturés à charge de l’AOS par le secteur ambulatoire hospitalier du canton de Vaud, ont augmenté deux fois plus rapidement que celui des cabinets indépendants au cours de la dernière décennie. Selon le Monitoring des coûts de l’OSFP , le chiffre d’affaires de l’ambulatoire hospitalier est même désormais équivalent à celui des cabinets indépendants.

C’est pour cette raison que les médecins indépendants refusent dorénavant d’assumer le rôle de boucs émissaires lors de chaque annonce de hausse des primes, alors que leurs chiffres d’affaires et leurs revenus sont stables et n’en représentent respectivement que 23% et 6,5%. Quant aux médecins salariés exerçant dans les hôpitaux publics, ils ne coûtent évidemment pas plus cher (et ne gagnent pas davantage) lorsqu’ils soignent leurs patients en ambulatoire plutôt qu’en stationnaire. Seules les finances publiques, donc indirectement les contribuables, sont au final gagnantes, sur le dos des patients-assurés.

Il faut ainsi rappeler que depuis 1995, l’augmentation globale des coûts de la santé (+3,6%) a été presque deux fois moins élevée que celle des primes (+6,3% par an). Cela signifie que chaque année le patient-assuré paie proportionnellement un petit peu plus et le contribuable un petit peu moins. De fait, entre 1995 et 2015, la part des coûts de la santé financée par l’assurance obligatoire est passée de 26,8% à 35,4% (à lire aussi sur ce sujet : « Coûts de la santé: ce que l’on vous cache »)

Les débats politiques à venir diront jusqu’à quel point cette réduction de la solidarité et cette augmentation des primes, dont les médecins ne sont pas la cause, est souhaitable ou acceptable.

Dr Philippe Eggimann, Président de la SVM

Déposer votre commentaire