Temps Présent: médecins assistants, la grande désillusion

10.03.25 | Proposé par: Dr Romain Mottaz

Ne rien dire serait consentir. Alors je ne me tairai pas. Suite à la diffusion du reportage Temps Présent du 20 février 2025 sur la situation des médecins assistants (« Médecins Assistants, la grande désillusion »), Il m’est impossible de rester silencieux. Ce reportage met en lumière la souffrance profonde de ces professionnels, accablés par une surcharge administrative toujours croissante.

1.- Une problématique générationnelle?

Face à ce constat accablant, le Prof. Perrier, Président de l’Académie suisse des sciences médicales, choisit d’en minimiser la gravité, évoquant une simple « évolution générationnelle ». Si l’on se réfère à l’ensemble du reportage, en 1976 déjà, les médecins assistants dénonçaient la charge administrative excessive estimé à 50% du temps de travail. Après des décennies d’analyses, d’études et de discussions stériles, nous en sommes aujourd’hui à près de 80% d’administratif. Et malgré cela on préfère invoquer un prétendu changement générationnel. Mais une génération n’est-elle pas estimée à environ 25 ans? Or, cela fait cinquante ans que ce problème est dénoncé. Parler de « problème générationnel » est donc non seulement absurde, mais malhonnête.

2.- Une capacité plus faible à affronter la souffrance des autres?

Le Prof. Perrier évoque aussi des médecins ayant plus de difficultés à supporter la souffrance des gens. Mais ce que les médecins assistants disent clairement c’est bien qu’ils ne souffrent pas de leur incapacité à affronter la douleur des patients. Ils souffrent de ne plus être à leurs côtés pour les aider à la supporter. Affirmer que la nouvelle génération ne supporte plus la souffrance humaine relève moins d’une analyse rigoureuse que d’un mécanisme de défense personnel. Car il est plus facile de se dire: « Si le système va mal, ce n’est pas à cause de mon inaction mais parce que la nouvelle génération est moins résistante que la nôtre ». Ce raisonnement permet sans doute de dormir tranquille, mais il ne fait qu’aggraver le problème. Il alimente le mal-être de ceux qui, sur le terrain, subissent cette situation et crient à l’aide.

3.- Une intervention qui ne relève pas de l’expertise, mais d’un témoignage d’un autre temps

Alors, que faisons-nous? Continuons-nous à nous appuyer sur ces figures d’autorité qui laissent le système sombrer? Ou décidons-nous enfin d’écouter ceux qui sont sur le terrain, les médecins assistants et étudiants, qui lancent depuis 50 ans un appel désespéré? Le constat est accablant: cinq décennies sans aucune amélioration. C’est la preuve éclatante de l’inefficacité des discours et des études qui s’empilent dans des tiroirs poussiéreux. Nous n’avons pas besoin d’une énième analyse, et d’indicateurs. Nous avons besoin de décisions, d’actions, et surtout d’écoute.

4.- Un métier vidé de son sens

Les médecins veulent être auprès de leurs patients, mais ils sont noyés sous une administration inutile. Ils passent plus de temps à justifier leur travail à des bureaucrates qu’à soigner. Et que leur répond-on? Que ce n’est pas le système qui est malade, mais eux. Que ce n’est pas l’absurdité de leur charge de travail qui les broie, mais leur incapacité à supporter la souffrance. Ce reportage démontre selon moi une chose essentielle: nous ne pourrons pas avancer en nous appuyant sur des « experts » déconnectés du terrain et sourds aux réalités actuelles. Nous ne devons pas confier l’avenir de la médecine à ceux qui l’ont laissé dériver. Les solutions ne viendront pas de ceux qui ont conduit à cette impasse, mais de ceux qui arrivent.

Alors, donnons la parole aux jeunes générations. Ecoutons leurs idées et laissons-les faire évoluer les choses car sinon bientôt ce ne seront que les vestiges de cette ancienne génération « si résiliente » qui resteront pour nous soigner.

Dr Romain Mottaz

1 commentaire

    Degallier Xavier

    16.03.25
    Nous médecins cadres en charge de la formation des médecins assistants devons assumer notre part de responsabilité dans ces dérives : - sommes-nous aussi présents auprès des jeunes médecins assistants que nous le souhaitons, dans le difficile passage d’étudiant à medecin? Quel modèle sommes-nous en réalité pour la nouvelle génération? - nous sommes-nous battus pour que l’enseignement de la médecine clinique (la rencontre humaine) ne soit pas érodé par les demandes d’examens para-cliniques, sous un couvert médico-légal témoin d’une société qui se protège au lieu de soigner? - avons-nous dénoncé les dérives d’une informatisation du dossier patient chronophage et non efficiente des hôpitaux publics vaudois avec courage ? Nous avons notre part de responsabilité et ne confondons pas la désillusion de nos jeunes collègues avec la génération d’enfants gâtés qu’on leur prête - c’est une lecture simpliste d’une question plus complexe et œuvrons pour sublimer leur soif de savoir en étant des pairs attentifs et exemplaires - la médecine est un si beau métier !

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