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Sondage

Le médecin, ce malade qui ne s’écoute pas

Le 31 mai dernier, la Société Vaudoise de Médecine a adressé un questionnaire à ses 3700 membres pour connaître leur état de santé physique et mentale, en collaboration avec l’institut de sondage MIS Trend. Ce sondage a également été relayé auprès des 1700 membres de la section vaudoise de l’Association des médecins assistant-e-s et chef-fe-s de clinique (ASMAV). Décryptage.

Les résultats sont riches d’enseignements mais il est parfois nécessaire de lire entre les lignes pour discerner la situation difficile dans laquelle certains médecins se trouvent. La moitié souffre d’épuisement professionnel ! Tous restent néanmoins satisfaits d’exercer leur métier, malgré les sacrifices à concéder : vie familiale difficilement conciliable, nombreuses heures supplémentaires, surcharge administrative, manque de reconnaissance…

Trop d’heures supp!

Penchons-nous d’abord sur les conditions de travail… Dans l’ensemble, les médecins prennent cinq semaines de vacances ou plus. Cela compense certainement le nombre d’heures supplémentaires effectuées par rapport au temps de travail contractuel. Parmi les médecins salariés, seuls 20% respectent leurs horaires et 20% travaillent plus de 5 heures supplémentaires par semaine, dont 4% plus de 21 heures supplémentaires. Les deux tiers l’échantillon n’ont pas répondu à la question des heures supplémentaires, ceci étant dû en partie au fait que les médecins cadres n’ont pas de limite contractuelle. Les indépendants sont 31% à affirmer que leur temps de travail est largement supérieur à ce qu’ils souhaiteraient effectuer, avec une surreprésentation des généralistes et de ceux qui sont atteints dans leur santé physique ou mentale. Quatre répondant-es sur dix travaillent plus de 50 heures par semaine. Ils ne sont pas rares à annoncer 70 à 80 h de travail par semaine…Un cinquième des médecins dort moins de 6h par nuit et plus de la moitié estime ne pas dormir suffisamment. Côté alimentation et activité physique, la plupart considèrent PASleur situation comme bonne même si 21% sautent un à plusieurs repas par jour et 22% pratiquent une activité physique moins d’une fois par semaine ! Une très grande majorité ne présente aucune addiction à l’alcool, au tabac et aux drogues. C’est en tous cas ce qu’ils affirment.

Le médecin, un malade qui se cache

Venons-en à l’état de santé des médecins. Alors qu’ils sont 9 sur 10 à penser qu’un médecin devrait avoir son propre médecin traitant, ils ne sont que deux tiers à être concrètement dans ce cas. Les autres considèrent que leurs propres compétences suffisent ou s’adressent directement à un spécialiste. Un tiers de l’échantillon n’a pas fait de contrôle médical depuis deux ans ou plus, et 6% n’en font jamais du fait qu’ils sont eux-mêmes médecin !

Un quart considère sa santé physique comme moyenne ou mauvaise et trois quarts comme bonne ou très bonne. Ils sont plus nombreux (37%) à juger leur santé mentale moyenne ou mauvaise – ce qui correspond à la moyenne des diverses études sur la question en Suisse – avec une surreprésentation des femmes et des médecins de moins de 50 ans. Près de 4 médecins sur 10 sont déjà allés travailler dans un état de santé qui ne le permettait pas.

Alors que les arrêts de travail liés à la santé physique sont rarement dus à des causes professionnelles, ces dernières ont été à l’origine de 69% des arrêts liés à la santé mentale. Cela représente 3% de l’échantillon total. Et dans 26% de ces derniers cas, l’arrêt a duré plus de 6 mois. Concernant la santé mentale, 16% de l’échantillon ont été atteints de dépression et

47% d’épuisement professionnel. Dans cette dernière catégorie, ceux impactés dans leur santé physique ou mentale sont surreprésentés, les femmes et les salariés plus légèrement. Ces résultats semblent plus élevés que dans la population active générale selon Promotion santé suisse. Il existe sans grande surprise un lien entre santé physique et mentale. En croisant les données, on peut ainsi affirmer que 55% des médecins sont en bonne santé à la fois physique et mentale et que 16% d’entre eux déplorent un état de santé physique et mental moyen à mauvais.

Heureux malgré tout

Les événements ayant le plus fort impact sur l’état de santé des répondant-es sont le Covid et les problèmes professionnels (deux tiers pour chaque catégorie). Viennent ensuite les problèmes familiaux et personnels. Deux médecins sur cinq ont déjà ressenti une détresse psychologique liée à leur travail. Ici aussi, femmes et médecins de moins de 50 ans sont surreprésentés. Parmi ces médecins, une forte majorité l’associe à la charge de travail élevée et à la surcharge administrative. La moitié désigne aussi la charge émotionnelle et le manque de reconnaissance. Les conséquences ne sont pas anodines puisque sur tout l’échantillon, 5% reconnaissent avoir commis une erreur médicale et 15% à avoir été témoin de la mise en danger d’un-e patient-e par un médecin du fait de l’état de santé de ce dernier.

Plus de 9 répondants sur 10 n’ont jamais fait appel à une structure d’aide pour professionnel-les comme Remed, essentiellement parce qu’ils n’en ont pas ressenti le besoin. Il faut toutefois constater que quelques médecins affirment ne pas connaître de telles structures et que plusieurs sont suivis par un thérapeute. Finalement, près de 4 médecins sur 10 estiment ne pas avoir trouvé un équilibre entre vie privée et vie professionnelle, les moins de 50 ans et les salariés étant surreprésentés. Malgré tout, ils sont 9 sur 10 à être globalement satisfaits de leur travail. Cela corrobore l’étude de l’Observatoire suisse de la santé qui place les médecins suisses de premier recours en première position en comparaison internationale sur la question de la satisfaction avec leur pratique, même si le pourcentage a diminué depuis 2019. (1)

Le chiffre

37%
C'est le nombre de répondant-es jugeant leur santé mentale moyenne ou mauvaise.

A retenir

Environ un quart à un tiers des médecins sont globalement concernés par les divers problèmes abordés dans ce sondage sur leur état de santé. Une proportion qui augmente à 4 sur 10 en ce qui concerne le temps de travail élevé, l’épuisement professionnel, la détresse psychologique liée surtout à la charge de travail et la surcharge administrative. Les femmes et les médecins de moins de 50 ans.

Echantillon

Le sondage compte 1075 répondant-es, soit 20% de participation, avec un parfait équilibre entre femmes et hommes. Les groupes majoritaires de cet échantillon sont les 40-69 ans (83%), les spécialistes (58%) et les médecins en cabinet (74%). La grande majorité est toujours en activité.

Références

(1) Médecins de premier recours : situation en Suisse et en comparaison internationale. Analyse de l’International Health Policy Survey 2022 de la fondation américaine Commonwealth Fund (CWF) sur mandat de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), Dr Olivier Pahud, 2023.

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