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Témoignage d'un médecin retraité

Une carrière sous pression psychique permanente

La vie du médecin, depuis le début de ses études jusqu’à sa retraite, est loin d’être un long fleuve tranquille. Et niveau santé, tout ne baigne pas forcément non plus !

J’ai connu l’impitoyable sélection de la première année propédeutique des études (on parlait alors de pléthore médicale !), la précarité économique, la peur de l’échec et son corollaire, le remboursement de la bourse d’Etat, dont je fus le bénéficiaire depuis le début.

« Seule issue, tenir à tout prix, nier l’évidence du symptôme qui devrait alarmer. »

Puis, la difficile recherche d’un poste d’assistant, la confrontation brutale avec mon inexpérience, les écrasantes responsabilités (il faut lire l’ouvrage de notre collègue Nadia Kilani « Le premier patient »), la confrontation avec des situations dramatiques, sans soutien psychologique (le concept de stress post-traumatique n’existait pas !), le travail de nuit et les horaires insensés.

Aujourd’hui, le jeune médecin n’est plus soumis aux horaires interdits par la loi sur le travail (vraiment ?) mais il est noyé dans le travail administratif kafkaïen et absurde, devant l’ordinateur. Il perd le sens même de sa « vocation ». Ce que nous rapportait une jeune collègue, lors de la dernière journée annuelle de la SVM, déclarant même songer à mettre un terme à son cursus postgrade. J’ai échappé à ce tsunami informatique.

Il faut alors choisir sa spécialité et son orientation académique, ou pas. La limitation de ce choix fondamental pointe à l’horizon. Les plans quinquennaux soviétiques sont en préparation. Rester, confortablement salarié, dans l’institution ou se lancer à l’eau et ouvrir son propre cabinet, seul-e ou associé-e. Cerise sur le gâteau : l’application de la clause du besoin et la perte du libre choix du lieu et du moment de son installation.

Pas de répit, que du déni

Prendre le risque de l’indépendance, cela signifie ne pas tomber malade ou être accidenté-e trop longuement, car sans rentrées financières, nul ne peut à la fois couvrir les charges de son cabinet et son propre revenu en étant en incapacité de travail. Il ne faut pas non plus miser sur une trop coûteuse assurance perte de gains. Seule issue, tenir à tout prix, nier l’évidence du symptôme qui devrait alarmer. C’est probablement une des explications du déni qui nous guette toutes et tous et que j’ai constaté chez quelques consoeurs et confrères qui m’ont consulté trop tardivement…

Tout ceci dans un contexte culpabilisant (« plus il y a de médecins, plus ça coûte »), de perte de la reconnaissance, du « tout, tout de suite » et des patient-es connecté-es qui parfois pensent tout savoir. Sans omettre l’indispensable formation continue… à ses frais.

N’allez pas croire que sous tension psychique permanente, le médecin est moins exposé aux maladies somatiques et psychiques. Ni qu’il est un Deus ex machina parce qu’il dispose d’un savoir. Bien au contraire : je suppose que, soumis au stress tout au long de son parcours, le médecin est plus exposé aux maladies quelles qu’elles soient. Le Covid-19, au pic de la pandémie, a par exemple décimé nombre de consoeurs et confrères, notamment en Italie et aux Etats-Unis.

Pour ma part, j’ai développé un ulcère duodénal aigu hémorragique au cours de mon examen final d’études et peu après l’arrêt de mon activité d’indépendant en cabinet, une coronaropathie sévère avec infarctus…

A bon entendeur, salut !

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