Clause du besoin: plus que deux mois pour s’installer?

30.04.21 | Proposé par: Société Vaudoise de Médecine

Après une vingtaine d’années de discussions et de gestion transitoire des admissions de médecins dans le secteur ambulatoire, la Loi fédérale sur l’assurance-maladie a été modifiée et des ordonnances fédérales d’application de la clause du besoin ont été établies par le Conseil fédéral. Les Cantons pourront désormais réguler unilatéralement l’offre de médecins sur leur territoire. Dès cet été, tout projet de réinstallation ou d’installation de médecin hospitalier en terres vaudoises pourrait donc être grandement compromis.

A partir du 1er juillet 2021, changement de paradigme: toute réinstallation d’un médecin dans un autre cabinet, d’une autre ville ou région que celle pour laquelle il dispose déjà d’un droit de pratique mais pas encore d’une autorisation de pratique à charge de l’assurance obligatoire des soins, de même que toute installation de médecin exerçant actuellement au sein d’un hôpital, pourrait devenir très difficile, voire impossible suivant la spécialisation et la région choisie.

Tel est, en substance, l’avertissement à retenir des nouvelles ordonnances fédérales relatives à la clause du besoin, précisant le champ d’application de la base légale adoptée par le parlement en 2020, avec l’aval de la FMH. Une base légale qui préfigurait déjà un durcissement des critères d’admission de médecins dans le secteur ambulatoire dès l’été prochain. Outre la fixation d’un nombre maximal de médecins autorisés à exercer en libre pratique dans certaines spécialités et régions, elle imposera d’avoir accompli au moins trois ans de formation dans un établissement suisse reconnu, au sein de la discipline pour laquelle l’autorisation d’exercer à charge de l’assurance-maladie a été demandée. Il faudra également démontrer ses compétences dans la langue officielle du lieu d’installation, en se soumettant à un test linguistique si cette dernière ne figurait pas parmi les disciplines fondamentales de sa maturité gymnasiale.

Limitation de l’offre médicale

Ces dispositions auront des conséquences potentiellement importantes sur l’évolution du corps médical et des conditions d’exercice de la médecine. D’autant plus que la nouvelle ordonnance fédérale «relative à la fixation de nombres maximaux pour les médecins qui fournissent des prestations ambulatoires» franchit un pas supplémentaire. Elle prévoit notamment que le taux d’approvisionnement régional, soit le nombre de médecins autorisés à s’installer, correspondra au «rapport entre le volume de prestations observé, résultant de l’offre de médecins disponibles et des prestations fournies par ces derniers, et l’offre nécessaire pour un approvisionnement en soins répondant aux besoins et économique» (art. 1, al. 2, lit. a et b).

Concrètement, le Département fédéral de l’intérieur (DFI) fixera des coefficients pour chaque domaine de spécialisation, que les Cantons appliqueront pour calculer leurs propres besoins en prestations médicales. Les Cantons pourront ainsi déterminer le nombre de médecins autorisés à exercer en pratique individuelle pour chacune des spécialités médicales et chacune des régions qui les composent, en se référant à un volume global de facturation toléré.

Se réunir à la table des négociations

Introduire de telles dispositions revient à instaurer le principe d’un budget global pourtant refusé par le parlement en 2020. Comme souligné cet hiver par la SVM durant la procédure de consultation (1), cette ordonnance outrepasse le cadre de la loi et l’esprit dans lequel le parlement l’a votée, en attribuant le plein pouvoir aux autorités cantonales sans qu’elles aient à consulter les associations professionnelles.

Une période transitoire de deux ans a été fixée aux Cantons pour se mettre en accord avec la législation fédérale. Cependant, la situation est pour le moins préoccupante, puisqu’à l’heure actuelle, aucune négociation n’a pu être obtenue avec l’Etat de Vaud pour convenir d’un mode de corégulation de cette clause du besoin. La SVM appelle donc à l’ouverture prochaine des discussions avec le Canton, s’agissant d’un thème majeur de la Convention-cadre du partenariat public-privé entre le Département de la santé et de l’action sociale (DSAS) et notre association, afin que la population vaudoise puisse continuer à bénéficier d’une offre médicale de proximité, solide et équitable.

NB: Cet article a initialement été publié dans le CMV#2-2021 «Médecine hospitalière vaudoise: un avenir à définir».

  1. Voir chapitre « V. Conclusions » de la prise de position de la SVM du 19 février 2021.

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