Des temps troublés

07.12.20 | Proposé par: Dr Michel Matter

La crise sanitaire que nous traversons tous ensemble occupe les esprits et notre travail quotidien. L’implication des médecins lors de cette seconde vague est reconnue et appréciée. Nous sommes là où nous devons être, au plus proche des citoyennes et des citoyens. Les heures sont peu comptées et la charge de travail considérable.

C’ est là le cœur de notre activité professionnelle. Les patients doivent être examinés rapidement et ne peuvent être traités comme des facteurs de coût. L’évidence saute aux yeux que l’on soit en période de crise sanitaire ou non. Le patient doit être reçu dans des délais acceptables et, tout en respectant les normes de l’économicité, ne doit pas dépendre de volumes facturés ou de plafonds liés aux coûts. Le patient n’est pas une marchandise.

Un article inapproprié et inacceptable, rejeté de justesse

Le parlement a dû se saisir de l’objet 19.046 du Conseil fédéral, «Loi fédérale sur l’assurance-maladie. Modification (Mesures visant à freiner la hausse des coûts, 1er volet)», lors des sessions d’été et d’automne 2020 des Chambres fédérales. Le paquet de mesures, dit paquet 1b, contenait un article particulièrement inapproprié et inacceptable, l’article 47c. Ce dernier aurait imposé aux fournisseurs de prestations et aux assureurs de trouver des mesures de régulation des coûts. Il aurait surtout fourni au Conseil fédéral des compétences subsidiaires élargies en cas de désaccord entre les partenaires tarifaires.

Fort heureusement, une motion du conseiller national bernois Lorenz Hess a demandé de supprimer cet article. Le vote, particulièrement serré, a donné une courte majorité à cette motion par 91 voix contre 90. Belle victoire contre la volonté d’Alain Berset d’imposer une limitation des volumes de prestations par l’introduction de tarifs dégressifs.

Se prémunir d’une médecine à deux vitesses

L’année 2021 promet d’autres combats, et non des moindres. La mère des batailles portera sur la volonté du Conseil fédéral de faire passer ses réformes, contenues dans le 2e volet des mesures visant à freiner la hausse des coûts, qui correspondent à la mise en place d’un budget global dans les soins médicaux. Là encore, c’est le désir de mettre un plafond aux dépenses de santé qui fâche, car cela entraînera de fait un rationnement des soins inadmissible. Qui déciderait alors de la possibilité de traiter un patient? Les assureurs ou l’autorité publique? Ce sont les patients et leurs médecins qui doivent prendre ces décisions.

La Suisse est placée tout en haut des comparaisons internationales en termes de qualité des soins et d’accès à ceux-ci. Pourquoi s’attaquer frontalement à notre excellent et performant système de santé, si ce n’est par la seule volonté d’étatiser la médecine? Beaucoup s’opposent à cette réforme, mais si elle devait être souhaitée par le parlement, alors un référendum serait lancé et le peuple devrait se prononcer comme lors des campagnes de 2008 et de 2012, lorsque le politique a voulu imposer la fin du libre choix du médecin. Ce n’est pas en s’attaquant aux plus faibles de la société, en leur imposant un rationnement des soins et une baisse de la qualité de prise en charge, que l’on améliorera le système de santé! La médecine à deux vitesses est en route.

Nous devons poursuivre la pression exercée tant sur le politique que sur les assureurs pour que le système de santé ne tombe pas dans une dérive où patients et médecins pourraient ne plus établir librement de relation de confiance sans d’abord faire le calcul du coût induit d’une prise en charge. Ou, pire, la dérive de voir des médecins ne plus pouvoir traiter leurs patients en raison d’un budget épuisé ou de temps de latence insupportables.

Liens

  • www.medecins-et-patients.ch
  • Revue Médicale Suisse, 2 septembre 2020, interview du Dr Philippe Eggimann, président de la SMSR et de la SVM, par Annick Chevillot de Heidi.news, pages 1590-91, www.revmed.ch

Dr Michel Matter, vice-président de la FMH, président de l’AMGe, conseiller national

NB: Cet article a également été publié dans le Courrier du médecin vaudois de décembre 2020, intitulé “Réforme LAMal: Le 2e paquet n’est pas un cadeau!”

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