Télémédecine: un résultat clinique similaire à la médecine en présentiel

06.10.20 | Proposé par: Prof. Yasser Khazaal

La relation thérapeutique est-elle compromise par la distance physique qu’implique la télémédecine? Nous proposons d’explorer cette question au travers d’études qui ont été menées dans le champ de la télépsychiatrie.

Les thérapies en vidéo conduisent à un impact clinique similaire à celui obtenu en face-à-face. La dissémination de la télépsychiatrie reste cependant limitée. Aux Etats-Unis, en 2016, moins de 1% de la population rurale a bénéficié de tels services.

Quel impact sur la qualité de l’alliance thérapeutique?

De multiples barrières freinent ce développement. En particulier, l’idée qu’en comparaison avec une thérapie en face-à-face, la visioconférence réduirait les chances d’une alliance thérapeutique. Cette dernière peut être évaluée selon trois dimensions: un accord sur l’objectif; un accord sur les tâches; la qualité du lien (qualité affective de la relation, confiance et engagement).

La méta-analyse de Norwood et al., 2018, conclut à une efficacité comparable de l’impact clinique des traitements en face-à-face versus en visioconférence. Elle rapporte cependant un niveau d’alliance légèrement supérieur pour la modalité en face-à-face. Paradoxalement, malgré cette différence, il n’y a pas de lien retrouvé entre le degré d’alliance et l’issue clinique des traitements. Cela paraît étonnant vu les liens habituellement positifs entre eux. Ce résultat pourrait découler d’un effet plafond, l’alliance étant bonne à très bonne dans les deux groupes.

Certains auteurs suggèrent également que les accords sur les objectifs et les tâches sont plus importants que la qualité du lien en visioconférence. Cette dernière hypothèse est difficile à vérifier, les études ayant souvent mesuré l’alliance de manière globale. En comparaison avec les patients, les thérapeutes rapportent cependant plus souvent une meilleure alliance pour la thérapie en présence.

Le rapport soignant-soigné pourrait être modifié dans l’interface vidéo: le patient étant dans son environnement, une partie des thérapeutes peuvent se sentir moins à l’aise. Par contraste, une meilleure participation des patients (plus d’initiative et de spontanéité) est parfois rapportée.

Quelques pistes pour préserver l’empathie

Malgré ces observations nuancées, une bonne alliance en télémédecine est tout à fait courante, avec un effet clinique attendu similaire à une prestation en présentiel. Les outils utilisés, la manière de s’en servir, ainsi que la qualité de la connexion internet peuvent cependant modifier la qualité des inputs (les données à disposition), la synchronie des échanges, la transmission des informations (moins d’éléments non verbaux), leur compréhension et leur vécu par le patient. Il faudra donc rester attentif à ces aspects.

Ces éléments pourraient notamment avoir un impact sur l’empathie, sa perception par le patient et sa contribution à l’alliance. En effet, l’empathie implique des processus de résonance affective (réactions synchroniques automatiques relatives au vécu du patient), la prise de perspective (processus réflexif volontaire) et la régulation des émotions (pour pouvoir rester dans une relation d’aide). La résonance affective, du fait de sa nature automatique et en partie corporelle, pourrait être plus spécifiquement affectée.

Prof. Yasser Khazaal, service de médecine des addictions du CHUV, faculté de biologie et de médecine de l’UNIL

NB: Cet article a également été publié dans le CMV 4 – 2020 intitulé “Télémédecine: Quel impact sur la relation thérapeutique?”

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