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Archives de la Cinémathèque suisse

Blouses blanches sous pellicule

La plupart du temps, au cinéma, les médecins apparaissent de façon fugace : ils déclenchent une aventure, ils initient une histoire, une comédie, un drame. En annonçant à leurs patient-es une future naissance, une mort certaine ou une maladie incurable. Après leur bref passage à l’écran, ils disparaissent de l’histoire.

Le film «Barberousse» d'Akira Kurosawa, 1965 © Cinémathèque suisse

Le plus souvent, quand un médecin se trouve au centre du récit, il flirte avec le fantastique. Je ne compte pas les exemples de psychiatres devenus des maîtres du mal à la façon du Dr Mabuse. Ces allumés de la science et du bistouri se projettent en démiurges comme le Dr Frankenstein et ses créatures, le Dr Moreau et ses essais sur les animaux, le Herbert West de Re-animator ou les frères jumeaux chirurgiens de Dead Ringers (Faux semblants) de David Cronenberg. De façon plus positive, outre le super-héros neurochirurgien Dr Strange de la franchise Marvel, rappelons Le voyage fantastique de Richard Fleischer (1966) et son remake L’aventure intérieure de Joe Dante (1987) où les médecins sont miniaturisés et injectés dans un humain pour le sauver.

Heureusement, quand ils ne font pas peur, les médecins font rire. Au cinéma, l’univers médical n’est pas avare de comédies. Du Dr Knock aux chirurgiens du Vietnam de MASH de Robert Altman, en passant par l’infirmier inadapté Jerry Lewis dans The Disorderly Orderly de Frank Tashlin, les méthodes non conventionnelles du clownesque Docteur Patch avec Robin Williams, ou encore l’impayable vaudeville de Camillo Mastrocinque avec Totò, Dites 33 (Totò, Vittorio e la dottoressa), les médecins sont des escrocs, des bons-à-rien, des séducteurs invétérés ou des alcooliques.

L’hôpital comme éternelle source d’inspiration

Bien sûr, le cinéma regorge de médecins bienveillants et héroïques qui démontrent leur talent et leur dévouement dans des situations de guerre, comme dans La chambre des officiers de François Dupeyron, sur les gueules cassées de la guerre de 14-18, ou encore, bien évidemment, le Dr Jivago adapté par David Lean en 1965 à partir du roman de Boris Pasternak.

Mais dans l’histoire du cinéma, les œuvres où un médecin et son activité sont au centre du récit, comme dans l’admirable On murmure dans la ville de Joseph Mankiewicz (1951) avec Cary Grant dans le rôle d’un gynécologue peu conventionnel, s’avèrent beaucoup plus rares. Un nom fait exception : celui du Dr Kildare, interne fraîchement arrivé dans un hôpital de New York, imaginé par Max Brand dans une nouvelle parue en 1938. Rapidement adapté au cinéma, le personnage vivra différents exploits dans dix longs métrages tournés jusqu’en 42, suivi par les aventures de son ancien mentor dans le même hôpital, le Dr Gillespie (six films jusqu’en 1947), ainsi que des adaptations en feuilletons radio, en séries télévisées et en bandes dessinées.

Très logiquement d’ailleurs, le rythme répétitif de l’hôpital avec ses enchaînements tend à abonner les personnages de médecin aux séries télévisées, et cela dès les années 70. L’univers clinique permet de multiplier les aventures (dans tous les sens du terme) et favorise les séries fleuves, du Chirurgien de Saint-Chad (produit par la Télévision suisse romande en 1976) à Urgences (créé en 1994) et ses 15 saisons ininterrompues en passant par Hippocrate, la série de Canal+ inspirée du film (voir ci-dessous). Sans oublier plus récemment la remarquable mini-série Dopesick avec Michael Keaton sur le scandale de l’OxyContin aux Etats-Unis et l’addiction d’un médecin aux opiacés.

Barberousse, une œuvre de référence

Ces dernières années, le cinéma s’intéresse de nouveau un peu plus aux médecins. Que ce soit pour évoquer leur rôle dans un contexte de pandémie dans l’incroyablement prophétique Contagion de Steven Soderbergh (2011), et en attendant les innombrables films qui feront fiction du Covid-19. Ou alors au quotidien, avec La fille inconnue des frères Dardenne (2016), dans lequel Adèle Haenel incarne une jeune généraliste qui se sent coupable de ne pas avoir ouvert la porte de son cabinet à une jeune fille retrouvée morte peu de temps après. L’occasion de relever qu’il y a eu très peu de premiers rôles de femmes médecins jusqu’ici : la féminisation de la profession changera-t-elle la donne ?

Citons encore La fille de Brest de Emmanuelle Bercot (2016), autour de l’affaire du Mediator. Enfin, il ne faut pas oublier Hippocrate de Thomas Lilti (2014), lui-même médecin de formation, qui décrit de façon très juste le travail d’un jeune interne dans un hôpital. Le cinéaste-médecin a d’ailleurs par la suite signé d’autres films dans la même veine.

Pour ma part, s’il fallait n’en citer qu’un, ce serait Barberousse du maître japonais Akira Kurosawa, tourné en 1965, sur la relation entre un médecin de dispensaire et son nouvel assistant. Ce dernier va découvrir peu à peu que sous ses dehors bourrus, Barberousse est en réalité un homme très compatissant et entièrement dévoué à ses patients. Pour lui, la meilleure façon de combattre les maladies est de lutter contre la pauvreté et l’ignorance. Un chef d’œuvre et un film modèle pour la compréhension du rôle du médecin dans la société.

NB : L’Université de Genève a constitué une liste d’archives cinématographiques très intéressante à consulter sur ce lien.

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1 Commentaire
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pour les très vieux d’entre nous…. mais il y a eu une sortie dvd il y a 2 ans:

Cécilia médecin de campagne série de 13 épisodes dans les années 60, mais déjà la médecin est une femme et on voit son travail dans la France profonde de l’époque où le rebouteux a plus de patients qu’elle ( j’ai failli dire clients…)
à voir comme une illustration d’époque révolue