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IA et psychiatrie

L’humain, être relationnel

En tant que psychiatres, spécialistes de la personne âgée, nous avons une vision assez lointaine de la présence de l’IA dans notre pratique. Nous nous rapprochons des neurosciences par la connaissance du cerveau et la compréhension du fonctionnement émotionnel, mais nous avons besoin du lien pour créer une atmosphère propice à la psychothérapie.

© Midjourney

Par des capacités d’analyse démultipliées, l’IA enrichit la démarche diagnostique que chaque psychiatre doit avoir. Ces systèmes nous aident à réfléchir de façon plus large à des possibilités thérapeutiques et à suggérer des investigations et hypothèses diagnostiques. Nous constatons que l’administratif envahit nos pratiques, nous éloignant toujours plus de nos patientes et patients. Voilà un moyen pour nous recentrer sur notre travail clinique et, un luxe aujourd’hui, reprendre le temps pour notre patientèle dans cet univers minuté.

Il ne faut pas oublier nos origines. Nous sommes des primates, animal social par excellence qui se construit, vit, ressent et s’exprime par le biais du groupe, du lien à l’autre. J’entends que des IA puissent analyser nos comportements et en extraire une signification émotionnelle. En revanche je peine à imaginer qu’une IA, via Emobot par exemple, puisse comprendre nos émotions, et leur donner un sens par simple détection de modification comportementale.

Il n’est pas difficile d’observer un comportement associé à une émotion, mais qu’en est-il de pouvoir aider à la compréhension et favoriser la prise de conscience nécessaire au travail psychothérapeutique ?

E-motion sans sentiment ?

Ces IA sont des outils intéressants mais elles ne peuvent remplacer la qualité et l’importance du lien à l’autre, de l’empathie, de cette capacité à se synchroniser sur le plan émotionnel avec sa patiente ou son patient. Nous l’avons expérimenté durant la crise Covid où nous avons dû mener des entretiens vidéo. Qui n’a pas trouvé que le contenu de ces visioconférences était plus pauvre et superficiel? Encore plus avec la population âgée, présentant souvent une relation de méfiance face aux nouvelles technologies et tout ce que cela représente.

Je ne doute pas que l’IA puisse soulager notre pratique pour améliorer notre réflexion, la détection de comportements inhabituels, la veille sanitaire et l’analyse de divers paramètres de façon bien plus efficiente que nous. Mais s’agissant de la relation à l’autre, de l’empathie et de l’importance du contact social, il me semble que rien ne remplace l’humain. Nous sommes des êtres de lien et de relation. Ici se trouve peut-être la limite de l’apport de l’IA.

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1 Commentaire
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100% d’accord avec cette analyse qui rejoint, en partie au moins, certaines conclusions de Yuval Noah Harari dans son ouvrage sur l’IA, et la difficulté à générer une émotion à partir d’une création que l’on sait avoir été générée par une IA.