Publicité

Redéfinir le rôle du médecin

Pas de médecine humaine sans intelligence émotionnelle

A l’heure où le système de santé accélère sa course vers une médecine faite d’«evidence based», de «guidelines» et d’algorithmes déshumanisés, il est urgent de questionner notre rôle de médecin. Encouragée par l’omniprésente préoccupation de rigueur et d’économicité, cette dérive vers une intelligence artificielle nous met au défi de nous redéfinir.

© Mathieu Moret

L’exercice de la médecine a quelque chose de déroutant, en ce sens que nous l’avons apprise en première intention avec nos capacités cognitives cartésiennes, et que rapidement l’expérience clinique nous a perdu-es. Nous avons découvert que l’observation, l’écoute et l’intuition étaient des outils indispensables à la correcte appréhension des êtres humains que nous voulions soigner. Puis l’expérience nous a peu à peu appris que la perception de l’autre, le ressenti de ses émotions et de nos réactions nous ouvraient des perspectives thérapeutiques plus performantes et adaptées à la personne.

De la science à l’individu, un lien à entretenir

Ce parcours vers une pratique clinique empreinte de sensibilité et d’humanité ne peut s’apprendre qu’à certaines conditions. Il faut bien sûr avoir en nous ces aptitudes, et l’envie innée de les développer. Puis vient la qualité de nos mentors, et le nécessaire compagnonnage bienveillant dans lequel notre intelligence émotionnelle (forcément une part fragile de nous-mêmes) va grandir et se fortifier, au contact des dures réalités de la souffrance humaine, de la maladie et de la mort. Enfin, il faut apprendre à voler de nos propres ailes, dans cet espace où nous créons tous les jours le lien entre la science et la personne, ce lien médecin-patient-e qui accompagne sur le chemin de la guérison. Et ici, je ne parle pas forcément de la fin de la maladie, mais parfois aussi du soulagement de la souffrance.

Je ne dis pas que l’intelligence artificielle n’a pas d’utilité, que la numérisation n’a pas de performance. Mais ce doit être des outils en plus, et pas un prétexte pour évincer le facteur humain de la médecine. Souvent accusé d’imperformance, de coûts et d’erreurs, c’est certainement lui qui sauvera l’empathie et le respect auxquels nous avons toutes et tous droit.

L’intelligence émotionnelle est au cœur de la médecine, car l’émotionnel est au cœur de l’humain. C’est son essence, et l’inaliénable lien entre notre âme et cette vie. Et c’est bien souvent en lui qu’il faut chercher la cause de nos maux…

Partagez votre opinion sur cet article !

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires