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Quand patient-es et professionnel-les souffrent de l'hôpital

“Je ne suis pas un numéro”

En raison de la position qu’elles et ils occupent dans le système hospitalier, les patientes et patients repèrent des dysfonctionnements qui échappent aux autres outils de veille de la qualité et de la sécurité. Le récit de leurs expériences contient des informations uniques.

Les témoignages peuvent révéler par exemple des événements indésirables portant sur la discontinuité des soins, des erreurs de prescription, l’attitude des professionnel-les, ou encore des promesses non tenues, telles que des traitements ou interventions évoqués mais non réalisés. L’ensemble produisant un sentiment de dépersonnalisation des soins, soit d’« être un numéro ».

Depuis son ouverture en 2012, l’Espace de médiation entre patients, proches et professionnels du CHUV (EMP) a permis la collecte de plus de 5500 récits d’expériences hospitalières problématiques. Près de la moitié des patientes et patients qui viennent déposer leurs doléances le font dans le but essentiel que d’autres n’aient pas à vivre une même difficulté. Elles et ils ne demandent ni réparation financière, ni sanction juridique. Dans un esprit de démocratie sanitaire, elles et ils expriment le souhait que leur témoignage permette à l’institution de s’améliorer : « Pour que ce que j’ai vécu n’arrive pas à quelqu’un d’autre ».

Ouvrant un lieu basé sur la perception d’un vécu hospitalier et non sur des preuves comme en collecte une unité des affaires juridiques, il nous a semblé central d’adosser le fonctionnement de recueil de l’expérience à un monitoring informatique organisé de façon rigoureuse. Celui- ci permet une classification raisonnée de chacun des sujets d’insatisfaction et une compréhension en profondeur des conditions de leur expression (moment de la prise en charge, ligne professionnelle ou service concerné).

Ces milliers de données servent en retour à produire des éléments quantitatifs et qualitatifs qui informent en profondeur sur l’expérience de l’hôpital et lui sont régulièrement restituées à différents niveaux (direction générale, services) après avoir été anonymisées.

Œuvrer pour un hôpital hospitalier

En dix ans, les milliers de personnes qui sont venues témoigner de leurs difficultés ont fait de ce lieu d’écoute un laboratoire de production de données qui éclairent l’hôpital sur ses manquements et les pistes d’améliorations, inspirent des cours dispensés aux étudiantes et étudiants en médecine, en soins ou dans le domaine administratif et génèrent des projets de recherche.

La doléance des professionnel-les qui témoignent de violences de la part des patientes et patients à leur endroit est venue s’ajouter aux fonctions originelles de ce lieu initialement dédié à l’écoute de la patientèle. L’incivilité croît et les murs de l’hôpital sont poreux. La violence relationnelle y pénètre. Comment pratiquer le soin si les personnes appelées à coopérer – soit les patientes et patients ainsi que celles et ceux qui les accompagnent dans l’expérience de la maladie – connaissent aujourd’hui des conflits d’une intensité inédite ? Préserver et si besoin restaurer une forme d’hospitalité de l’hôpital suppose de reconsidérer la responsabilité de toutes les actrices et tous les acteurs – patientèle comme professionnel-les.

Vient de paraître

(in)hospitalités hospitalières, RMS Editions

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