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Obstacles à la compréhension mutuelle

Médecin-patient-e: comment se mettre au diapason?

La langue, les différences culturelles et sociales ou la maladie elle-même : autant d’éléments qui peuvent complexifier la communication entre le personnel soignant et les bénéficiaires de soins. Comment surmonter ces obstacles pour améliorer la prise en charge ? Le Prof. Patrick Bodenmann, chef du Département Vulnérabilités et médecine sociale (DVMS) d’Unisanté (en photo ci-dessus), livre quelques réflexions et outils.

Quels sont les principaux obstacles à une bonne communication médecin-patient-e ?

Les différences de langue, évidemment, mais aussi des différences de perception, notamment en matière de capacité auditive, ou encore une faible littératie en santé constituent des obstacles importants. Il faut aussi reconnaître que nous, médecins, ne sommes pas nécessairement des expert-es en communication. Plusieurs études européennes ont démontré qu’environ 50% de la patientèle ne comprend pas ce que lui dit son personnel soignant et qu’un faible niveau de littératie en santé est corrélé à un taux plus élevé de mortalité chez les plus de 65 ans.

Que peut faire le médecin pour tenter de contourner ces lacunes en santé ?

Une option consiste à partir du postulat que chaque nouvelle ou nouveau patient dispose d’une faible littératie en santé. En partant de là, un travail mutuel permet de s’accorder et d’adopter un niveau de compréhension confortable. Il existe aussi le teach back qui consiste à demander à la patientèle d’expliquer – non pas de répéter – ce qu’elle a retenu du discours médical, en lui précisant que cette démarche a pour but de s’assurer que les informations fournies sont claires.

Quelles sont les populations les plus en situation de vulnérabilité ?

Toutes les populations qui ne bénéficient pas d’un niveau socio-économique favorable sont à risques. Je citerais les personnes issues de la migration forcée et allophones, certaines personnes en situation de handicap ou de différence, tout comme les personnes souffrant d’un trouble du spectre de l’autisme, ou encore les individus très âgés ou atteints dans leur santé mentale. Dans certains cas, il peut y avoir un cumul de ces facteurs, ce qui rend la patiente ou le patient particulièrement vulnérable.

La formation actuelle en termes de communication médecin-patient-e est-elle suffisante ?

Concernant la surdité et la malentendance, par exemple, notre département a constaté que pratiquement rien n’était fait au niveau post gradué et peu au niveau pré gradué. Nous avons donc mis en place une formation élaborée par des personnes de la communauté sourde. Nous enseignons aussi les modalités particulières du « trialogue » pour des situations nécessitant la présence d’un-e interprète, en commençant par rappeler qu’il faut toujours regarder la personne concernée et non la personne tierce.

Quel rôle jouent les proches ?

Concernant les personnes allophones, des personnes de confiance se chargent souvent de la traduction. Il conviendrait pourtant d’éviter cette situation car l’intervention d’un-e proche augmente les biais. Et cette règle est d’autant plus vraie avec les enfants : il ne faudrait jamais leur demander de remplir ce rôle. Encore moins dans des cas de migration forcée, parce qu’ils risqueraient d’être exposés à des histoires traumatisantes.

Les préjugés du personnel médical peuvent-ils nuire à une bonne prise en charge ?

Les médecins n’échappent pas aux a priori et aux stéréotypes pouvant les mener à des actes discriminants. En tant que médecins, nous avons la responsabilité d’essayer de comprendre ces mécanismes. Pour tenter d’en minimiser les effets, la grille de lecture du personnel soignant devrait s’articuler autour du concept d’équité des soins et non d’égalité. Cela demande de la disponibilité et une certaine adaptation de la part du personnel soignant aux besoins spécifiques de la patientèle.

Le manque de temps entrave-t-il la communication ?

Nous pensons souvent que nous n’avons pas le temps de bien communiquer. Or, les études montrent que l’essentiel est dit dans les trois ou quatre premières minutes d’une consultation. Dans ce contexte, un médecin doit pouvoir sentir assez vite si la communication apporte des éléments de réponse. Si ce n’est pas le cas, des examens paracliniques orientés peuvent aussi nous permettre d’émettre un diagnostic différentiel étayé. Mais même en sécurisant ainsi le processus, il n’y a jamais de certitude absolue : la médecine est un art.

10 conseils pour bien communiquer avec sa patientèle

  1. Etre dans l’instant présentet placer la patiente ou le patient au centre des préoccupations
  2. Considérer, lors de la première rencontre, que la personne en face de soi a un faible niveau de littératie en santé et s’adapter en conséquence
  3. S’assurer que médecin et patient-e parlent la même langue
  4. Demander l’intervention d’un-e interprète communautaire pour les personnes allophones et éviter l’intervention des proches
  5. Utiliser la technique du teach back (reformulation par la patientèle des informations transmises par le médecin)
  6. Poser les questions issues du modèle explicatif de Kleinman (voir ci-contre)
  7. Evaluer la capacité auditive de la personne
  8. Faire attention à l’expression non-verbale, la sienne et celle de la personne en face
  9. Etre sensible à ce que communique l’environnement dans lequel la patientèle est reçue (par exemple, une pancarte arc-en-ciel signifie aux personnes LGBTQIA+ qu’elles sont les bienvenues)
  10. Reprendre du temps si la patiente ou le patient délivre des informations importantes avant de partir (« syndrome du pas-de-porte »)

Une anamnèse efficace en 8 questions

Le modèle explicatif de la maladie de la patiente ou du patient permet au médecin de déterminer comment les choses sont perçues en quelques minutes seulement. Développé par Arthur Kleinman, cet outil efficace s’articule autour de huit questions :

  • Comment désignez-vous votre problème de santé ?
  • Quelle en est la cause ?
  • Pourquoi estil apparu à ce moment précis ?
  • Comment se manifeste-t-il ?
  • Quelle est sa sévérité et va-t-il durer longtemps ?
  • Quels traitements attendez-vous et avec quels résultats ?
  • Comment affecte-t-il votre vie ?
  • Que craignezvous le plus ?

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