Publicité

Interview GMH-AMC

« Les défis n’ont pas disparu, mais ils ont changé »

Quel constat la hiérarchie médicale porte-t-elle sur les conditions de travail des jeunes médecins ? Etat des lieux en terres vaudoises avec le Dr David Petermann et le Prof. Patric Hagmann, respectivement présidents du Groupement des médecins hospitaliers (GMH) et de l’Association des médecins cadres du CHUV (AMC) qui répondent d’une seule voix.

A gauche : Dr David Petermann, Président du Groupement des médecins hospitaliers (GMH) (photo : Ensemble Hospitalier de la Côte) / à droite : Prof. Patric Hagmann, Président de l’Association des médecins cadres du CHUV (AMC) (photo : SAM-CHUV)

Il y a 20 ans, les médecins assistant-es vaudois-es étaient en grève. Leurs conditions de travail sont-elles meilleures ou pires aujourd’hui ?

Les conditions de travail des jeunes médecins se sont notablement améliorées dans certains domaines, particulièrement pour ce qui est du respect des horaires et de l’organisation de la formation. Une certaine harmonisation a eu lieu et des garde-fous sont en place. Nous faisons nous-mêmes partie de cette génération qui a vécu le changement en tant que médecins assistants. Néanmoins, il faut reconnaître que les défis n’ont pas disparu, mais ils ont changé. Les exigences en termes de productivité, la pression sur le temps et la charge administrative ont certainement augmenté pour les jeunes médecins comme pour tout le personnel hospitalier et probablement toute la société. En fait, il apparaît que les conditions de travail et de formation sont nettement plus transparentes et favorables sur le papier, mais que la réalité du terrain reste faite de compétitivité parfois malsaine dans les spécialités de pointe et d’un manque d’attractivité dans les domaines de la médecine générale.

 

Le cadre réglementaire actuel est-il satisfaisant ? Voyez-vous d’autres pistes d’amélioration ?

Le cadre règlementaire s’est indéniablement développé au cours de la dernière décennie, peut-être de manière excessive et dispersée. Nous retrouvons notamment des CCT successives (CHUV, HRC, FHV), des programmes de formations postgraduées éditées par l’Institut suisse pour la formation (ISFM) en constante mutation, l’apparition de filières de formations postgraduées pilotées par les centres universitaires et encore récemment le projet politique romand visant une meilleure coordination (REFORMER). Les progrès sont énormes, mais le/la médecin assistant-e en formation doit pouvoir s’y retrouver et ne doit pas y voir un caractère limitant (et les formateurs-trices aussi !). Les enjeux conventionnels, académiques, institutionnels et politiques sont nombreux et nécessitent une synchronisation pas toujours évidente à trouver. Les associations professionnelles (asmac par exemple) doivent être soutenues dans leur rôle d’orientation et d’information, et pas seulement considérées comme des syndicats ou des partenaires sociaux. Les réseaux de formation (filières) sont également une excellente manière d’améliorer les cursus. Dans ce cadre, les réseaux de formateurs-trices doivent être encouragés, notamment en favorisant les échanges entre milieux universitaire et périphérique.

 

Malgré toutes les mesures prises, on parle encore beaucoup de burn-out, mobbing, sexisme. Les médecins en formation sont-ils/elles plus touché-es que par le passé ?

Malheureusement, il est illusoire de croire que ces maux touchent minoritairement le milieu médical, quel que soit le niveau hiérarchique ou de fonction. La société en général et toutes les branches professionnelles sont concernées par ces fléaux. Les langues se délient et il devient heureusement plus aisé de révéler ces graves dysfonctionnements. Néanmoins, il est hautement probable qu’une majorité des abus sont encore passés sous silence. La pression mise sur les médecins en formation est énorme et les tabous doivent continuer à tomber. La qualité et l’attractivité d’un employeur devraient se mesurer aussi à l’intelligence avec laquelle il aborde ces problématiques. A noter que le CHUV a récemment rendu obligatoire pour les nouveaux cadres un cours de sensibilisation au harcèlement et au sexisme.

 

Du point de vue des conditions de travail, vaut-il mieux être un-e jeune médecin au CHUV ou dans un hôpital régional ?

Du point de vue purement organisationnel ou formel, il est probable que les conditions de travail au CHUV sont plus favorables que dans un hôpital régional. La mission académique du CHUV lui confère naturellement davantage de moyens mis en œuvre pour la formation des jeunes médecins. Les hôpitaux régionaux offrent également une formation de très haute qualité, par exemple dans bien des aspects pratiques et de proximité avec la réalité du terrain. Le niveau de satisfaction des jeunes médecins ne doit pas se mesurer uniquement au baromètre des conditions de travail, mais doit inclure tous les éléments contribuant à son épanouissement professionnel et d’apprentissage. Les programmes de formations postgraduées de l’ISFM ont en très grande majorité l’avantage de prévoir des années universitaires et périphériques.

 

Les médecins cadres ont-ils/elles suffisamment de temps et de moyens pour former les jeunes médecins ?

Au CHUV, un récent sondage a été réalisé autour du bien-être des médecins cadres.

Ces derniers rapportent de grandes difficultés à concilier leurs tâches hospitalières avec leurs devoirs académiques, d’enseignement et de recherche.

Le manque de temps en est forcément un des paramètres clés, mais la valorisation et le caractère incitatif de l’enseignement ne doivent pas être négligés, ceci apparaissant d’autant plus important dans les hôpitaux périphériques. Chaque médecin attache de l’importance à transmettre son savoir et veille à une relève de qualité. Les mesures du type « teach the teacher » se répandent de plus en plus, mais il est nécessaire de développer davantage de moyens pour promouvoir et valoriser l’enseignement postgradué auprès des formateurs/trices.

 

Propos recueillis par la rédaction

Partagez votre opinion sur cet article !

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires