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Souffrance au travail

Sauver et se sauver: le paradoxe du médecin

L’exercice du métier de médecin a cela de particulier que sa posture professionnelle face au/à la patient-e lui impose de faire abstraction de ses propres difficultés rencontrées dans sa vie privée ou professionnelle. Sa mission est de répondre à la demande d’aide de son/sa patient-e en recherchant les causes de la problématique de santé. Une demande qui peut faire écho à sa propre situation de souffrance au travail.

Le-la médecin, quel que soit son âge et ses années d’expérience, est aussi exposé-e à des risques professionnels, notamment psychosociaux : stress, violence interne, violence externe et mal-être au travail qui sont des causes de souffrance au travail1.

Le triangle Sauveur-Victime-Agresseur

Face à ce vécu douloureux qui se fait dans l’ombre de sa pratique de soignant-e, le-la médecin peut se sentir particulièrement seul-e, du fait de sa position professionnelle innée de Sauveur et de l’image d’invincibilité qui lui est attribuée ou qu’il-elle se donne.

Nicolas Zentner

De la position de Sauveur, il peut se retrouver à celle de Victime, lorsqu’il subit un climat de travail détérioré par des mauvaises relations entre collègues ou hiérarchie, qu’il supporte des conditions de travail difficiles en raison d’horaires soutenus et atypiques, qu’il fait face à l’acharnement perçu des assurances et à la pression des politiques, ou encore quand il doit répondre aux exigences et attentes parfois sans limites des patient-es eux/elles-mêmes sous tension. Un cercle vicieux s’installe et « in fine » le médecin, de Sauveur à Victime, se retrouve à la place de l’Agresseur, par analogie au triangle de Karpman2. Agresseur face à lui-même quand il ne sait plus prendre soin de lui, ou face à autrui quand le soin est parasité par des comportements devenus inadéquats et inadaptés. A ceux-ci s’ajoutent d’autres atteintes cognitives, émotionnelles ou physiques, signes de souffrance au travail, et qui s’expriment par de la démotivation, de la perte de sens à effectuer son métier, un sentiment d’inutilité, une baisse de performance ou une perte d’empathie nécessaire pour bien faire son travail.

Une souffrance qui doit être exprimée et reconnue

C’est la double peine : faire face à la souffrance d’autrui tout en souffrant soi-même de causes semblables à celles de son-sa patient-e.  C’est le paradoxe du-de la médecin qui, de Sauveur, aurait besoin d’être sauvé-e à son tour. Et cela n’est pas simple tant le-la médecin est de nature individualiste et que cette posture innée et acquise de Sauveur invincible peut être un frein à la demande d’aide. Or, il importe pourtant que le-la médecin ose sortir de sa solitude, mais surtout qu’il/elle soit écouté-e et reconnu-e. Car en termes d’enjeux de santé publique,

la santé des médecins est intrinsèquement liée à la santé de la population et de la société dans laquelle ils/elles vivent.

Références

1Définition, Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail, Bilbao
2Triangle dramatique, dit de Karpman

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