Le Dr Philippe Eggimann, président de la Société médicale de Suisse romande (SMSR), salue l’idée de base de Réformer qui vise une meilleure adéquation entre la demande en ressources médicales et les besoins de la population. Il déplore toutefois l’absence des médecins et de leurs représentant-es du dispositif décisionnel et une mise en œuvre déconnectée de la réalité du terrain. Entretien.
Propos recueillis par la rédaction
DR
Parlez-nous de la genèse du projet Réformer…
A la base de ce projet se trouve l’initiative de mutualiser les ressources romandes, c’est-à-dire les sommes allouées par les cantons à la formation des jeunes médecins,
pour réorganiser la formation médicale post-graduée en Suisse romande. Il s’agit de capitaliser sur l’expérience positive du Cursus Romand de Médecine de Famille
pour structurer et étendre ce concept aux 44 autres disciplines médicales reconnues par l’Institut suisse pour la formation médicale post-graduée et continue (ISFM). C’est en s’appuyant sur la démographie médicale en Suisse romande que entend réguler et répartir les places de formation entre hôpitaux et cabinets médicaux, ainsi qu’orienter précocement les médecins en formation en fonction des besoins médicaux futurs estimés par les cantons romands [1].
Comment cette réorganisation a-t-elle été mise sur pied, et avec quels acteurs ?
La décision par la Conférence Latine sur les Affaires Sanitaires et Sociales (CLASS) de réorganiser la formation médicale post-graduée remonte à 2015. Dès 2018, elle a donné mandat au Groupement romand des services de santé publique de mener la phase opérationnelle. Ce sont ainsi les chef-fes de service de la santé publique des cantons qui se retrouvent dans le Conseil d’administration. Les formateurs/trices, les médecins des sociétés cantonales, les directeurs d’hôpitaux, les représentant-es des facultés de médecine, de l’ISFM et de la FMH sont intégrés, mais uniquement dans le comité consultatif.
Quel est le rôle de la Société médicale de Suisse romande, respectivement des sociétés cantonales et des médecins plus généralement dans ce processus ?
En 2018, la SMSR a été invitée, comme les autres membres du comité consultatif, à une séance d’information juste avant le démarrage du projet. En tant que président de la SMSR, j’ai notamment demandé que les groupements de spécialités des sociétés cantonales puissent avoir voix au chapitre car ce sont eux qui peuvent le mieux évaluer les besoins actuels et surtout futurs. A mon avis, il était aussi nécessaire de contacter les responsables des filières qui s’étaient déjà structurées dans de nombreux domaines. Un autre point problématique a été soulevé par les représentant-es des chef-fes de service des hôpitaux, car la nouvelle structure administrative leur enlevait la liberté de choisir les médecins qu’ils/elles auraient à former. Cette sélection qui se fait actuellement par le biais de commissions d’engagement est déjà bien structurée. Or ce lien de proximité et de confiance avec les jeunes médecins en formation est essentiel pour assurer une relève de qualité. Sans parler de la responsabilité engagée vis-à-vis des patient-es par le fait que l’activité des médecins en formation est réalisée sous la responsabilité directe et personnelle des formateurs/trices.
Ces demandes ont-elles été prises en compte ?
Pas de manière systématique en tous les cas. Le projet est allé de l’avant avec, dès 2021, la mise en place de l’organisation Réformer dans sa composition stratégique et le lancement des premières filières. Nous avons finalement été réinvités pour que l’on nous présente, lors d’un forum en mars 2022, ce qui allait être mis en place. Réformer est à présent dans une phase opérationnelle pour ce qui concerne la médecine interne générale et la filière Orientation destinée à celles et ceux qui n’ont pas encore choisi leur spécialité.
Quelle est la voie empruntée et avec quelles conséquences sur la profession, respectivement les systèmes de santé en Suisse romande ?
D’un concept de base excellent, avec des partenaires prêts à contribuer à l’amélioration de cette formation, le projet est parti dans une organisation et une mise en œuvre essentiellement administratives et régulatrices, sans prendre le pouls du terrain, c’est-à-dire sans associer les représentant-es des médecins non hospitaliers. Avec une gouvernance coupée de la réalité du terrain, ce système avance à marche forcée, sans véritable adéquation avec les filières existantes et les besoins réels de la population.
J’y vois un risque de pénurie médicale qui se fait déjà sentir dans plusieurs spécialités autres que la médecine de premier recours et aussi dans différentes régions romandes (une situation actuellement problématique en France [2]. De plus, cette pénurie est appelée à se dégrader rapidement ces prochaines années avec le départ à la retraite de nombreux/euses collègues [3]. La même analyse est faite dans l’étude de PwC « Hopitaux suisses : santé financière 2021, 2022 » [4]. Sans parler de la perte d’attractivité pour les médecins en formation qui n’auront plus le libre choix de leur filière et du lieu de formation et qui partiront se former ailleurs en Suisse.
Les cantons ont désormais lié le projet Réformer à l’art. 55a de la LAMal concernant la limitation du nombre de médecins qui fournissent des prestations ambulatoires à charge de l’assurance maladie obligatoire. En couplant cette réforme à la clause du besoin, l’autre danger est un rationnement des prestations, avec des conséquences sur la qualité des soins prodigués à la population.
Comment améliorer le processus actuel ?
Afin d’avoir une vision réaliste des spécialités où il y a pléthore ou pénurie, le Département de la santé et de l’action sociale (DSAS) et la Société vaudoise de médecine (SVM) ont signé une convention pour mettre en commun leurs informations et ont pu révéler qu’il y a déjà pénurie en médecine interne, pédiatrie, psychiatrie, pédopsychiatrie et gynécologie obstétrique dans le canton de Vaud [5]. Mais je ne suis pas sûr que l’on ait les informations nécessaires pour évaluer les besoins futurs des différentes spécialités dans les autres cantons.
Du côté de la SMSR, nous avons décidé de nous adresser à toutes les sociétés cantonales pour qu’elles demandent à leurs président-es de groupements de s’organiser au niveau romand pour proposer un-e interlocuteur/trice pour chaque filière. Par exemple, pour la médecine générale et interne, il serait judicieux que la direction de Réformer confie le mandat à la Société suisse de médecine interne et générale et aux sections cantonales de médecins de famille d’organiser la filière en question. Il faudrait aussi établir une convention entre la CLASS, les DGS, la SMSR et les sociétés cantonales pour travailler tous ensemble, augmenter la représentativité de toutes les parties prenantes au sein du Comité consultatif, tout en assurant une meilleure coordination avec l’IFSM et la FMH. Bref, il faut se parler !
Encourager la relève médicale sans négliger l’entrepreneuriat
Dr Paul Wiesel
Sondage SVM
Médecins en formation attachés à leur liberté d’orientation
Société Vaudoise de Médecine
Réguler les places en fonction des besoins
Quand le dogmatisme s’empare de la formation
Dr Vincent Bettschart
Enjeux pour les hôpitaux
Entre médecins en formation et besoin de forces de travail
Dr David Petermann
Réformer et médecine de premier recours
Mieux faire connaître la pratique sur le terrain
Dre Myriam Ingle
Témoignage rhumatologie
Alerte pénurie !
Dr Marc-André Schürch
Témoignage cardiologie
Réformer : boule de cristal ou boîte de Pandore ?
Dr Stéphane Chevallier
Entretien avec Nicolas Pétremand, directeur de Réformer
« Réformer vise à apporter une vision d’ensemble des besoins »
Propos recueillis par la rédaction
Formation postgrade en Suisse
Cadre général et rôle de l’ISFM
Dr Jean Pierre Keller
Introduction
Le dirigisme est-il la bonne direction ?
Drs Kim de Heller et François Saucy
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