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Interview croisée

Les hôpitaux face au défi environnemental

Lorsqu’il s’agit de limiter son impact environnemental, le secteur hospitalier se heurte à un défi de taille : comment gaspiller moins tout en garantissant des normes d’hygiène irréprochables ? Malgré ces considérations sanitaires, de multiples possibilités d’action existent pour limiter l’empreinte carbone. Etat des lieux en terres vaudoises avec Fabrizio Pietro, directeur régional Vaud pour Swiss Medical Network et directeur général de la Clinique de Genolier, Patrick Mayor et Adrien Hermann, coordinateurs développement durable du CHUV et de la Fédération des Hôpitaux Vaudois (FHV).

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De quelle manière votre institution prend-elle en compte les questions environnementales ?

Patrick Mayor : Au CHUV, l’environnement est une préoccupation de longue date avec la création d’un groupe « Environnement » en 2000. En 2008, le CHUV s’est officiellement engagé à une gestion durable dans son plan stratégique 2009- 2013. Depuis, la durabilité fait partie de tous les plans stratégiques de l’institution. En septembre 2020, la Commission durabilité du CHUV, représentée par les directions métiers et un coordinateur de l’ensemble, a soumis au Comité de direction un nouveau programme de durabilité (Agenda 2030) pour les années 2020 à 2030. Ce dernier reprend les objectifs de l’Agenda 21 (défini en 2013) et fixe de nouveaux objectifs prioritaires avec de nouvelles mesures visant à réduire l’impact environnemental de l’institution. Celui-ci comprend 28 objectifs et près de 90 actions.

Adrien Hermann : La commission de développement durable de la Fédération des hôpitaux vaudois (CDD-FHV) est en charge des questions environnementales depuis 2011. Une méthodologie d’analyse des actions a été développée pour identifier les impacts environnementaux, sociaux et économiques. Des analyses complémentaires peuvent être entreprises afin de déterminer les impacts les plus importants selon l’étape du cycle de vie du produit/ service concerné. La CDD-FHV se base sur les nombreux bilans carbone déjà réalisés. Par exemple, l’étude publiée en 2011 à la demande de l’OFEV relève que l’alimentation, l’habitat et la mobilité présentent les impacts environnementaux les plus importants. Ces trois enjeux font partie de notre stratégie de durabilité.

Fabrizio Pietro : Notre ambition est de faire de notre Healthcare Campus de Genolier un lieu de vie meilleur en gérant le capital santé dans son intégralité et en agissant pour le climat. En tant que prestataire de soins de santé, il est de notre devoir de minimiser notre impact sur l’environnement, mais nous avons la conviction que la durabilité de notre système de santé doit aller bien au-delà. Seule une approche holistique pourra générer des impacts positifs aux niveaux économique, social et environnemental. Ainsi, notre programme de développement durable est construit sur trois piliers : la création de valeur partagée, avec le développement novateur d’un système de santé prenant en charge le/la patient-e dans son intégralité, l’empowerment des personnes et les actions pour le climat. Ces dernières ont quatre axes prioritaires : l’efficacité énergétique, la transition vers l’économie circulaire, les produits alimentaires locaux et la promotion de la mobilité douce couplée aux transports publics.

Disposez-vous de moyens de calcul de l’empreinte carbone de votre institution ? Si oui, lesquels ?

Adrien Hermann : La CDD-FHV se réfère à la norme 14064 et le protocole GHG qui encadre le calcul des émissions de GES. Pour les enjeux comme l’alimentation et l’énergie, des audits ont identifié les actions de performance améliorant aussi l’empreinte carbone. Les solutions d’accompagnement de nos prestataires fournissent, à travers leur outil de suivi, différents indicateurs comme le CO2.

Fabrizio Pietro : Nous avons conduit une étude pour évaluer les impacts environnementaux de nos infrastructures et définir un plan d’action afin de décarboniser et améliorer les performances environnementales de nos cliniques vaudoises d’ici à 2030, selon la convention d’objectif de la Direction de l’énergie. Un tableau de bord de la consommation d’énergie a été établi pour la clinique de Genolier et Nescens.

Patrick Mayor : Nous ne disposons pas directement de moyens de calcul aujourd’hui. Dans le cadre du projet national PNR73 « Green Hospital », nous avons récolté et fourni les données pour participer à une analyse de l’impact environnemental du milieu de la santé. Trente-trois hôpitaux ont répondu à cette enquête et les résultats pour le CHUV, comparés aux autres établissements, ont été analysés et ont permis de cibler les axes d’amélioration et de réduction de notre impact environnemental via notre programme durabilité (Agenda 2030).

Quelles mesures avez-vous mises en place pour diminuer cette empreinte, et avec quels résultats ?

Fabrizio Pietro : Nos efforts pour réduire nos impacts écologiques se portent sur toute notre organisation, que ce soit au niveau énergétique (système de chauffage, fenêtrage, isolation, etc.), gestion de déchets alimentaires et médicaux, priorisation aux achats locaux, soutien aux employé-es pour adopter la mobilité éco-mobile, etc.

Patrick Mayor : Au niveau des soins, le matériel réutilisable est favorisé dans la mesure du possible. Pour la restauration, nous privilégions les produits locaux et de saison. En 2020, nous avons d’ailleurs obtenu la note de 70% via l’outil Beelong (objectif 80% en 2024). Plus de 30% du lait acheté est équitable (Faireswiss). Et nous avons réduit les déchets de 7% sur trois ans. Nous avons réduit drastiquement les plastiques jetables via le système ReBOX. Les quelque 12’000 éco-gobelets distribués en 2019 permettent d’économiser 7000 kg de plastique par an. Depuis 2018, notre service hôtelier a mis en place des mesures qui ont réduit d’environ 20% les déchets alimentaires. La même année, nous avons inauguré le premier bâtiment Minergie-P-Eco à Cery. Par ailleurs, nous garantissons que 100% des entretiens extérieurs respectent l’environnement. Enfin, nous poursuivons notre plan de mobilité avec, par exemple, 100 subventions octroyées pour l’achat de vélos à assistance électrique en 2021.

Adrien Hermann : Nos engagements énergétiques visent une efficacité de plus de 120% sur dix ans. L’énergie électrique consommée est certifiée 100% renouvelable depuis plus de sept ans. Des projets d’envergure de chauffage à distance (HRC, Hôpital de Lavaux, Fondation de Nant, PSPE et autres) recourent aux énergies renouvelables. La création d’un microgrid (réseau électrique intelligent) à l’Hôpital de Lavaux (en partenariat avec les propriétaires du plateau de la gare de Cully) illustre également la forte volonté de minimiser l’empreinte carbone. Le cadre de référence pour une restauration collective responsable ambitionne par ses actions (approvisionnement et gaspillage alimentaire) à respecter l’environnement. Toutes nos activités visent à soutenir les engagements cantonaux et fédéraux.

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