Groupement des médecins hospitaliers

Sans surprise, le bilan de l’année 2018 s’inscrit en lien direct et dans la suite logique des actions de politique sanitaire entamées durant les années précédentes. La fin du mandat, en 2019, de notre Conseiller d’Etat en charge de la santé nous donne l’occasion de rappeler le bilan des interactions que ce dernier a entretenu avec le corps médical hospitalier et le résultat de l’interventionnisme forcené de celui qui a été à la tête du Département de la santé et de l’action sociale durant de nombreuses années.

A contre-courant d’une gestion fédérale d’inspiration néolibérale, 2018 aura donc, une fois de plus, consacré non pas la volonté de régulation mais celle délibérée du DSAS de donner à l’Etat de Vaud des moyens d’intervenir le plus largement possible et diriger le système de santé cantonal avec l’espoir que ses interventions freinent les coûts et contribuent à contenir l’augmentation progressive des primes d’assurance, ce qui est à l’heure loin d’être démontré, bien au contraire.

Des processus administratifs de plus en plus contraignants

Les hôpitaux déclarés d’intérêt public ont été pris en étau entre une vision fédérale qui mise sur la concurrence entre tous les acteurs, qu’ils soient privés ou publics, dans laquelle chaque établissement doit faire preuve d’innovation et de dynamisme entrepreneurial pour survivre, et celle d’un département cantonal de la santé imposant, principalement au secteur d’intérêt public et à ses médecins, de nombreuses contraintes coercitives. Même s’il n’y a jamais eu autant de structures privées qui se sont ouvertes, jamais autant d’insatisfactions et de démissions de médecins hospitaliers avant leur retraite et jamais autant de contestations légales ayant abouti, la multiplication des règlements, arrêtés, directives avec leurs cortèges d’obligations, de contraintes administratives, de contrôles et d’inspections, n’ont pas particulièrement entamé la crédibilité et la popularité de notre Conseiller d’Etat socialiste auprès de la population.

En 2018 et pour les médecins hospitaliers, ces tentatives de « mise sous tutelle » ont porté sur deux axes principaux. Le premier, récurrent, concerne le mode de rémunération des médecins cadres et leur organisation. Le second concerne l’élargissement de la clause du besoin et la limitation des droits de pratique.

Si l’échec du projet de règlement pour défaut de base légale a provisoirement freiné certaines velléités autoritaires, c’était sans compter la pugnacité de notre Conseiller d’Etat qui a mandaté en 2018 le Contrôle Cantonal de Finances (CCF) pour vérifier l’organisation médicale et le mode de rémunération des médecins cadres. Ainsi donc l’Etat, constatant l’illégalité de sa démarche, prévoit de contourner l’obstacle en espérant obtenir des conclusions du rapport et les arguments nécessaires pour faire adopter, par le Grand Conseil, de nouveaux articles de loi en 2019. Ceux-ci devraient donner à l’Etat de Vaud, en absence de convention collective de force obligatoire valable pour l’ensemble des médecins de la FHV, la légitimité d’intervenir très largement sur les conditions contractuelles qui lient les médecins à leur hôpital. En l’absence d’un système de santé clairement et délibérément étatisé, cette démarche visant à renforcer l’étendue des droits de l’Etat à intervenir pose une fois de plus la question fondamentale de la proportionnalité : mais quels problèmes, si importants soient-ils, justifient cette volonté d’élargir le pouvoir d’ingérence de l’Etat ?

Par ailleurs, après le refus que la convention collective GMH-SVM-FHV en vigueur depuis 2005 ne s’applique aux nouveaux hôpitaux intercantonaux de droit public de l’HRC et du HIB, il était assez surprenant que le principal responsable de cette situation, contraire aux objectifs annoncés d’uniformisation des conditions de travail des médecins, ne vienne à la déplorer. Au surplus prendre appui sur cette déplorable situation pour faire en sorte de donner le pouvoir à l’Etat d’interférer sur des éléments contractuels habituellement négociés entre partenaires n’est pas de nature à renforcer le climat de confiance mutuel et la crédibilité d’une démarche bien éloignée des valeurs syndicales.

 

L’AVOLAF, une barrière pour la liberté du médecin

S’agissant de la clause du besoin, l’élargissement du périmètre justifiant l’intervention de l’Etat sur l’octroi des droits de pratique par un nouvel arrêté (AVOLAF) représente une grave entrave à la liberté de s’installer et de pratiquer. Depuis l’introduction de cet arrêté au 28 mars 2018, la nomination en tant que médecin chef s’associe généralement à l’octroi d’un droit de pratique limité à l’hôpital dans lequel le médecin sera amené à exercer, tout en l’empêchant de conserver ne serait-ce qu’une activité marginale en tant qu’indépendant. De fait, ceci est de nature à mettre en péril la situation personnelle des médecins qui souhaiteraient donner une nouvelle orientation à leur carrière en milieu privé, en les contraignant à devoir faire une nouvelle demande de droit de pratique, sans garantie que cette initiative soit couronnée de succès.

Face à un environnement en pleine mutation et à un groupement dans la tourmente, qui peine a se regrouper face à la multiplicité des dossiers et des questionnements soulevés par les initiatives de l’Etat, une assemblée générale a été mise sur pied le 11 octobre 2018, pour nous retrouver autour des valeurs fondamentales de l’exercice de la médecine et des conditions que notre collectif défend face aux responsabilités et aux mandats qui nous sont confiés en hôpital public. A cette occasion, une résolution a été adoptée et incluse dans les statuts du GMH. Dans la foulée et en regard de l’ensemble de ces préoccupations, Me Wyler, spécialiste reconnu du droit du travail, nous a précisé le cadre juridique dans lequel nous exerçons, notamment ce qui a trait au « Statut et aux responsabilités du médecin hospitalier ».

Après les fortes turbulences de ces dernières années, le changement à la tête du DSAS en 2019 annonce peut-être le renouveau d’un partenariat que nous n’aurions jamais dû quitter et qui aurait dû garder tout son sens. Cette période à venir donne l’opportunité de faire connaître et faire respecter par nos autorités la place singulière des médecins cadres responsables, exerçant dans les hôpitaux publics et déclarés d’intérêt public. Comme par le passé, les chances d’être entendus dépendront de l’engagement des membres, mais aussi de leur capacité à garantir une cohésion autour de la défense de l’intérêt général à offrir une lisibilité et une clarté de vue et d’actions, ingrédients essentiels à l’efficacité de la communication.

 

Dr Philippe Saegesser

Président du Groupement des médecins hospitaliers (GMH)

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