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Sondage - Densité médicale vaudoise

Des médecins au bord de la saturation

Couverture médicale insuffisante, saturation des consultations, incapacité à accueillir davantage de patient-es et absence de repreneurs/euses côté médecins ; perception de pénurie de pédiatres, difficultés à obtenir un rendez-vous dans un délai convenable et inquiétudes en cas de cessation d’activité du médecin côté patient-es. Tels sont en substance les principaux enseignements d’un sondage mené cet été par la SVM avec l’institut MIS Trend.

Première observation, et non des moindres, moins d’un médecin sondé sur dix estime que la densité actuelle de l’offre est optimale dans sa spécialité médicale, tant au niveau cantonal que régional ! Plus de la moitié (54%) des répondant-es la juge insuffisante et environ un tiers suffisante (22%) ou optimale (8%). Seuls 10% évoquent une offre trop abondante. En médecine générale particulièrement, le constat est sans appel : pas moins de 80% des médecins concernés ressentent une situation de pénurie. Près de la moitié des psychiatres et psychothérapeutes et plus du tiers des pédiatres partagent le même sentiment.

A noter que les tendances sont relativement identiques d’une région à l’autre, avec toutefois la perception d’une pénurie très légèrement atténuée à Lausanne (52% contre 55%).

Figure 1 – Perception par les médecins vaudois de la densité médicale de leur spécialité au niveau régional

Un plafond est atteint

Parallèlement, 7 médecins consultés sur 10 évaluent leur charge de travail au cours des six derniers mois comme étant intense ou très intense. Le taux s’élève même à 8 sur 10 parmi les généralistes. Un quart du panel global (près d’un tiers chez les généralistes) voit déjà plus de 20 patient-es en moyenne par jour ! Trois quarts des médecins sondés affirment ainsi qu’ils ne seraient pas en mesure de travailler davantage si la demande augmentait encore dans leur spécialité/région, un taux de saturation qui atteint même 86% chez les généralistes ! Là non plus, il n’y a pas de différence notable entre Lausanne et les autres districts.

La moitié des médecins interrogés n’accepte par ailleurs plus de nouveaux/elles patient-es ou uniquement dans des cas très spécifiques. Les généralistes (70%) et les psychiatres et psychothérapeutes (67%) sont les moins aptes à en accueillir.

Cabinets de groupe sous pression

Sentiment de pénurie, intensité de la charge de travail, incapacité à travailler davantage et à accueillir de nouveaux/elles patient-es : les mêmes tendances se trouvent renforcées chez les médecins exerçant en cabinet de groupe. Cela pourrait être lié à une part plus importante de médecins actifs seulement à temps partiel (activité à 90% ou moins) dans ce type de structure, ce qui est le cas dans notre panel (61% contre 54% en cabinet individuel). Sur l’ensemble de notre échantillon, les médecins actifs à temps partiel sont également majoritaires (55%). Du reste, n’oublions pas que les médecins risquent de se retrouver dans le collimateur des assureurs s’ils travaillent (et donc facturent) trop…

Inquiétudes chez les patient-es

Côté patient-es, bien que plus mesurée, une pénurie de médecins au niveau régional est perceptible par 4 répondant-es sur 10, un taux qui atteint même la moitié des sondé-es en ce qui concerne les pédiatres. Dans les mêmes proportions, les patient-es interrogé-es estiment qu’il est d’une manière générale difficile d’obtenir rapidement un rendez-vous chez un médecin, et plus spécifiquement chez un-e pédiatre.

Figure 2 – Evaluation de la facilité d’obtenir un rendez-vous chez le médecin par la population vaudoise

Parmi les patient-es interrogé-es, 84% disposent d’un médecin traitant. Pour trois quarts d’entre eux/elles, il s’agit du premier médecin qu’ils avaient contacté pour les suivre régulièrement. Mais pour une nette majorité, ces démarches remontent à plus de cinq ans déjà. Une réponse négative d’un médecin ou l’impossibilité de fixer un rendez-vous dans un délai raisonnable sont les deux principales raisons expliquant les premières tentatives infructueuses, qui représentent tout de même 1 cas sur 5, tant pour la recherche de généraliste que de pédiatre.

Pour les patient-es ayant dû contacter un nouveau médecin spécialiste au cours des douze derniers mois (un peu moins d’un tiers du panel), le taux de refus s’élève là aussi à environ 1 cas sur 5. Malgré le faible nombre de réponses à cette question, on peut noter qu’en de pareilles circonstances, certain-es sont parvenu-es à trouver un-e autre spécialiste disponible et d’autres se sont rendu-es dans un service d’urgence, alors que la majorité a renoncé à consulter. Près d’un quart des personnes acceptées par le/la premier/ère spécialiste contacté-e se dit en outre insatisfait du délai dans lequel il a pu obtenir un rendez-vous. Des résultats pour le moins inquiétants, au vu des risques de détérioration de l’état de santé et à tout le moins d’entrave à la qualité de vie que cela suppose pour les patient-es concerné-es.

Questionner la réglementation par district

La proximité du domicile, la facilité d’accès en transports publics ainsi que la recommandation par un-e proche (surtout chez les 18-34 ans) ou un autre médecin (en particulier pour les 65 ans et plus) sont les critères de sélection du médecin traitant les plus fréquemment évoqués. La maîtrise d’une langue commune est également déterminante pour environ 10% de la population. Un élément à ne pas négliger, dans une société multiculturelle. Pour les répondant-es ayant au moins un enfant mineur, on observe les mêmes tendances vis-à-vis de leur pédiatre.

Relevons toutefois que le cabinet du médecin traitant de près d’un tiers des sondé-es ne se trouve pas dans le district de résidence. La définition des critères d’admission à pratiquer à charge de l’assurance obligatoire des soins (clause du besoin) devrait dès lors tenir compte de cette réalité.

Quel avenir pour la médecine indépendante ?

En cas de cessation d’activité du médecin traitant ou du/de la pédiatre, seul 1 patient-e sur 5 pense qu’il sera facile de lui trouver un-e successeur-e. A en croire les résultats du présent sondage, ces craintes sont loin d’être infondées. Environ 1 médecin interrogé sur 6 a cherché à remettre son cabinet au cours des cinq dernières années, et plus de la moitié (57%) n’y est pas parvenue, dans la grande majorité des cas face à l’impossibilité de trouver un-e repreneur/euse. Une situation plus marquée dans les districts hors Lausanne. La relève de la médecine libérale s’apparente plus que jamais comme un défi de santé publique majeur.

Le chiffre

70%
Des médecins généralistes sondés ne parviennent plus à accepter de nouveaux/elles patient-es ou seulement dans des cas très spécifiques.

Médecins et patient-es sondé-es

En collaboration avec l’institut MIS Trend, un sondage sur la densité médicale vaudoise a été réalisé durant l’été auprès des médecins membres de la SVM et d’un échantillon représentatif de la population, afin d’obtenir une vue d’ensemble aussi complète que possible de la situation actuelle. Au total, 680 médecins de toutes spécialités (très majoritairement indépendants) ainsi que 540 patient-es vaudois-es âgé-es de 18 ans et plus y ont pris part.

A retenir

Plus de la moitié des médecins sondés juge insuffisante la densité actuelle de l’offre dans sa spécialité. La charge de travail au cours des six derniers mois est qualifiée d’intense voire très intense par 70% d’entre eux. La moitié ne peut même plus accepter de nouveaux/elles patient-es ou seulement dans des cas très spécifiques, en particulier les généralistes et les psychiatres-psychothérapeutes. Les patient-es s’inquiètent aussi d’une possible pénurie, notamment de pédiatres, et obtiennent difficilement un rendez-vous dans un délai satisfaisant.

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Évolution inévitable vers une médecine de type hospitalo-étatique. Vaut-il la peine d’encore persister à tenter de freiner ?

Avec la clause du besoin, la planification de la elève va connaître un virage brutal auquel les hôpitaux ne sont pas prêts.
Quelle relève pour la médecine générale et la pédiatrie? comment planifier les postes hospitaliers dans les domaines spécifiques si on ne donne pas de possibilité de titre de spécialisation à l’issue de la formation?
Un partenariat paraît essentiel pour trouver des solutions constructives et utiles. L’intérêt de freiner est de choisir comment on prend le virage, pour ne pas dérailler.

Sans modification profondes des incitations financières des assurances maladies, on poursuivra inexorablement le chemin de la destruction de la médecine de premier recours et du lien médecin / patient. Je comprends volontiers que la relève ne soit pas motivée par la médecine. Cela est à mon avis en lien avec ce système qui récompense le médecin qui applique sans réfléchir par manque de temps les algorithmes de traitements et qui investi peu le lien thérapeutique. Ce système le transforme peu à peu en rédacteur d’ordonnance et de bon de délégation, et ce sous la surveillance de Big Brothers (santé-Suisse) prêt à punir chaque écart de la ligne de conduite établie par le système politique / financier et médical. Le métier de médecin généraliste (notamment) va se dévitaliser, perdre son aura, sa beauté et se vider progressivement de son sens, jusqu’à ce que plus personne avec des valeurs humaniste ne veuille exercer ce métier. Le système va devenir de plus en plus instable et quelque chose finira par casser.