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Médecins et politique

Pourquoi, pour qui s’engager ?

DOC s’est entretenu avec des médecins vaudois-es (ré)élu-es au Grand Conseil en mars 2022 pour connaître les raisons de leur engagement en politique. La Dre Müller Chabloz (Les Vert-e-s) et les Drs Haury et Vionnet (parti vert’libéral) se livrent sur cette double casquette, les intérêts qu’ils/elle défendent ainsi que les causes prioritaires dans lesquelles s’impliquer durant la prochaine législature.

De gauche à droite: Dr Jacques-André Haury, Dre Yolanda Müller Chabloz et Dr Blaise Vionnet © Jean-Bernard Sieber - ARC

S’engager en médecine et en politique… Quelles similitudes ? Quelles différences ?

Dre Yolanda Müller Chabloz : Pour moi la médecine ne constitue pas un engagement au même titre que l’engagement politique, même s’il y a un moteur semblable derrière ces deux activités, à savoir le désir de comprendre l’être humain et la société, accompagné d’une volonté d’agir pour le bien commun. La différence principale est qu’en médecine on s’occupe avant tout des conséquences des déterminants de la santé sur les individus, alors qu’en politique on a des leviers pour réellement agir sur ces déterminants, par exemple en luttant contre les inégalités ou en développant les réseaux de transport publics.

Dr Blaise Vionnet : Je fais partie d’une génération pour laquelle le mot engagement en médecine a souvent signifié un engagement sans limite. L’engagement en politique est très prenant et nécessite également de trouver de saines limites. Ma fonction actuelle de député correspond au minimum à un 30% de mon activité. La politique est aussi l’art du compromis. J’en fais une similitude avec les guidelines que nous avons en médecine. Très souvent, en médecine générale, nous ne pouvons pas les appliquer à la lettre pour nos patients polymorbides. Il en est de même en politique : nous devons trouver des compromis pour faire avancer les projets et c’est un art qui s’apprend…

Dr Jacques-André Haury : L’activité médicale vise à améliorer (autant que possible) la qualité de vie d’autrui. Ce devrait être l’objectif de tout engagement politique. La grande différence réside dans l’évaluation de l’action. En médecine, c’est un résultat objectif qui donne au médecin tort ou raison : l’effet de son intervention sur la santé du patient. En politique, c’est l’avis d’une majorité qui l’emporte, que l’on ait eu tort ou raison. Comme devant un tribunal.

Lorsqu’on est médecin député-e, quels intérêts défend-on en premier ?

Dr Jacques-André Haury : Au cours de mon long engagement en politique, j’ai toujours considéré qu’une position ou une proposition intelligente était favorable à la société et, par conséquent, à l’image de mon parti. Il est vrai que la profession de médecin en pratique privée donne une très grande indépendance, que d’autres professions ne peuvent pas revendiquer.

Dr Blaise Vionnet : Je compare l’activité de député à celle d’un jongleur de casquettes : Comme député, je suis représentant de mon parti vert’libéral, du district qui m’a élu, de différents lobbys (MfE, SVM, mais pas des assureurs !!), et au final de tout citoyen vaudois qui peut interpeller chaque député. L’important est de savoir à tout moment quelle casquette nous portons, ce qui permet de clarifier nos positions.

Dre Yolanda Müller Chabloz : Lorsqu’on est médecin de santé publique, on voit le monde en termes de santé de la population. Ce sont ses intérêts que j’ai donc à cœur de défendre en premier. Connaissant bien le domaine de la santé, en particulier le contexte de la médecine de famille, je me vois relayer certains intérêts de patient-es ou des professionnel-les de la santé, lorsque ceux-ci vont dans le sens de l’intérêt général. La défense des intérêts et des valeurs des Vert-e-s est un moyen d’aller dans la bonne direction, mais non un but en soi.

Quel dossier vous tient le plus à cœur dans les années qui viennent, et comment comptez-vous influencer les débats ?

Dr Blaise Vionnet : Le dossier qui me tient à cœur pour la prochaine législature est la valeur du point tarifaire (VPT) vaudois. Je suis l’auteur du rapport de minorité qui a permis de convaincre le Grand Conseil de retourner au Conseil d’Etat sa réponse au postulat Riesen pour demander des compléments d’information. Je poursuivrai mon combat pour maintenir une VPT digne de notre engagement de médecin avec des charges qui ne font qu’augmenter.

Dre Yolanda Müller Chabloz : En tant que membre des Vert-e-s, le dossier prioritaire est évidemment la crise climatique. Cette prochaine législature est cruciale pour que l’ensemble de la société adopte réellement les changements requis pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. J’espère influencer les débats en convainquant mes collègues du Grand Conseil d’adopter des mesures décisives, capables d’induire ces changements au niveau populationnel.

Dr Jacques-André Haury : A la différence de la défense nationale, la politique de la santé n’est pas un édifice hiérarchique dans lequel l’Etat commande. Le patient ne demande pas une « prise en charge », mais il demande des soins. Il les trouve auprès de nombreux et divers acteurs choisis aussi librement que possible. C’est dans cet esprit libéral que j’entends défendre une complémentarité ouverte entre acteurs privés et services publics. Reste une autre préoccupation : la surmédicalisation. On empoisonne littéralement une partie de nos aînés sur l’autel de la « prévention ». Mais c’est plus difficile à traduire en action politique !

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