Bienvenue en Suisse ! Rien à déclarer ?

03.12.20 | Proposé par: Dr Philippe Eggimann

Nous autres Helvètes avons la faiblesse de nous considérer parfois comme intrinsèquement meilleurs que d’autres, « y’en a point comme nous » décline même le patrimoine vaudois. Péché d’orgueil qui peut conduire à des défauts de vigilance… Notre incapacité à reconnaître puis amoindrir cette deuxième vague Covid, alors que d’autres pays font mieux, sonne à cet égard comme une leçon d’humilité bien lourde aux plans humain, sociétal et économique.

De mars à fin mai 2020, la première vague s’est soldée dans notre pays par 1689 décès Covid confirmés, puis 45 décès entre juin et fin août, et déjà presque 2000 nouveaux deuils de septembre à fin novembre à l’heure d’écrire ces lignes. La deuxième vague aura donc été plus mortelle que la première. Pourtant nous étions mieux préparés, équipés, formés et informés ! Alors, qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ? Est-ce la faute du virus, du fédéralisme, de la population, des autorités ? Sans chercher à désigner un ou des coupables, il convient dans tous les cas d’apprendre de nos erreurs pour tenter d’abord d’éviter une troisième vague – les vaccins ne sont pas encore arrivés – mais aussi de développer notre capacité à affronter d’autres pandémies dans le futur.

En mai 2020, dans la Revue Médicale Suisse n° 692, j’ai présenté avec le Dr Patrick Bovier (auteur d’une recherche sur l’efficacité du système de surveillance vaudois de 2009 pour la grippe H1N1) l’intérêt de mettre en place rapidement une surveillance épidémiologique du Covid-19, basée sur le modèle Sentinella, que nous avions baptisée « Coronella ». La participation volontaire de 100 à 150 médecins semblait notamment suffisante pour obtenir au niveau vaudois des données épidémiologiques fines, incluant les enfants. Comme le suggèrent les rapports hebdomadaires de l’OFSP, ce dispositif aurait permis de détecter dès le mois d’août que l’augmentation du nombre de tests positifs, limités au printemps, n’était pas seulement un artifice statistique dû à l’augmentation de leur nombre, mais qu’ils correspondaient à des syndromes cliniques bien réels. Mais cette proposition n’a pas rencontré le succès escompté.

On attribue à Guillaume d’Orange la citation : Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. Les circonstances actuelles font que je m’autorise effectivement à persévérer !

Un détour par la France permet en tout cas de constater qu’il y est fait un usage renforcé et a priori efficace de leur « Réseau Sentinelles » en temps de Covid (www.sentiweb.fr/). En particulier, l’organisation française de Sentinella a intégré les cas Covid et la grippe dans un indicateur unique des « Infections respiratoires aiguës (IRA) », avec la définition « apparition brutale de fièvre (ou sensation de fièvre) et de signes respiratoires ». Cet indicateur permet donc bien de suivre en temps réel la dynamique de l’épidémie de Covid-19 en France métropolitaine, ainsi que celle des épidémies de grippe.

Fig 1: Consultations extrapolées pour affection grippale

Comme lorsqu’on franchit la douane, une déclaration volontaire et anticipée peut permettre d’éviter la sanction… On s’y met pour éviter la 3e vague ?

Dr Philippe Eggimann, président de la SVM

NB: Cet article a été initialement publié sous la forme d’une tribune dans la Revue Médicale Suisse, le 2 décembre 2020.

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