La relation de soins en télémédecine

07.10.20 | Proposé par: Dre Sanae Mazouri

La pandémie de Covid-19 a contribué à l’adoption rapide d’outils de télémédecine modifiant la manière dont les médecins interagissent avec leurs patients. En effet, la télémédecine redéfinit les contours habituels de la consultation médicale et de la relation de soins.

La consultation n’est pas uniquement un moment de recueil d’informations médicales, c’est également durant ce temps que peut se construire une relation de confiance, gage notamment d’une meilleure adhésion du patient. La qualité de la prise en charge dépend en effet également de la relation médecin-patient (1). En télémédecine, la distance physique peut rendre la construction de cette relation moins aisée. Dans ma pratique, j’ai l’habitude de réserver les téléconsultations aux patients que j’ai déjà vus en cabinet.

Consultation en ligne plus ciblée

La téléconsultation est habituellement plus courte qu’en cabinet (2). Les attentes en télémédecine et les motifs de consultation plus ciblés expliquent que la quantité moyenne d’informations médicales obtenues lors d’une téléconsultation est inférieure à celle obtenue lors d’une consultation en présentiel, les médecins ayant tendance à donner des réponses plus ciblées et plus courtes (2-4). En téléconsultation, j’ai l’habitude de limiter l’agenda à un ou deux motifs.

Le comportement affectif et les signes d’empathie fortement associés à l’établissement d’une relation de confiance sont moins présents en télémédecine (2).

Lors de ma formation, j’ai été sensibilisée à la place de l’ordinateur dans les consultations traditionnelles, au positionnement des sièges et du bureau afin de favoriser une communication de bonne qualité. Lors d’une vidéoconsultation, on peut avoir du mal à détacher son regard, craignant de perdre de précieuses informations. Il est utile de s’équiper d’un double écran ou d’avoir la vidéo en fenêtre partagée. C’est ce que je fais dans ma pratique, afin de prendre en même temps des notes dans le dossier informatisé du patient (5).

Durant la crise sanitaire, l’Academy of Communication in Healthcare (ACH) a rappelé les bonnes pratiques en communication applicables en téléconsultation (6).

Un examen physique virtuel

L’absence d’examen physique peut créer un sentiment d’incertitude et constituer un frein à l’adoption de la télémédecine, même s’il est admis que l’anamnèse permet de poser le diagnostic dans la majorité des cas (7).

Cependant, les nouvelles technologies permettent de recueillir un grand nombre de données cliniques (8). L’évaluation clinique se trouve facilitée et améliorée par l’intégration de nouveaux dispositifs médicaux connectés (9).

La nécessité d’une palpation ou encore d’un geste technique doit néanmoins faire renoncer à une téléconsultation (10-12).

L’importance d’un outil facile d’utilisation

Aux HUG, nous avons développé HUG@home, une application pensée et adaptée durant des focus groups de patients et de différents profils soignants, dans le souci d’une prise en main ergonomique et intuitive pour le soignant comme pour le patient. Avant la crise, HUG@home servait à des téléconsultations assistées, permettant à des infirmiers exerçant au sein de l’Institution genevoise de maintien à domicile (Imad) ou en établissement médico-social (EMS) de contacter un médecin de garde des HUG pour obtenir un avis médical afin d’éviter un transfert aux urgences de patients dans les suites d’une hospitalisation aux HUG. Après une phase pilote, l’application HUG@home devait permettre d’assurer le suivi des patients chroniques à partir du début de l’année 2021. La pandémie a précipité ces développements en un
temps record de deux semaines.

Le nécessaire accompagnement au changement

Durant le déploiement d’HUG@home, un accent particulier a été mis sur l’accompagnement à la prise en main de l’outil à travers des tutoriels papier et vidéo, une page intranet, une foire aux questions et un box dédié à l’information des patients au sein des HUG. Une équipe a été mise sur pied afin d’accompagner les collaborateurs dans cette nouvelle pratique. Un outil simple conçu avec des soignants et des patients
intégrant des fonctions pour tester la bonne connexion de sa caméra et du micro par le soignant et le patient ainsi qu’un support informatique ont permis d’accompagner ce changement. Dans un souci d’amélioration constante, nous avons mis en place une évaluation de la satisfaction de l’outil par les soignants et les patients en temps réel via l’application.

Ainsi, la télémédecine transforme nos pratiques et notre relation avec nos patients. Il est nécessaire d’accompagner ce changement en définissant un cadre de bonnes pratiques afin de garantir une télémédecine de qualité.

Dre Sanae Mazouri, directrice médicale du Centre Médical Terre-Bonne à Eysins et responsable des projets de télémédecine aux HUG

 

NB: Publiée dans le CMV 4 – 2020, cette contribution est une adaptation de deux articles parus dans la Revue Médicale Suisse en septembre 2020 également, dans une édition spéciale sur la télémédecine à l’ère du Covid-19.

 

1 Stewart M, Brown JB., Donner A., et al. The impact of patient-centered care on outcomes. J Fam Pract 2000;49(9):796–804.
2 Liu X., Sawad a Y., Takizawa T, et al. Doctor-patient communication: a comparison between telemedicine consultation and face-to-face
consultation. Intern Med 2007;46(5):227–32.
3 Tates K., Antheunis ML., Kanters S., Nieboer TE., Gerritse MB. The Effect of Screen-to-Screen Versus Face-to-Face Consultation on Doctor-Patient Communication: An Experimental Study with Simulated Patients. J Med Internet Res 2017;19(12):e421.
4 Barriers and Facilitators to eHealth Use in Daily Practice: Perspectives of Patients and Professionals in Dermatology [Internet]. [cited 2020 Jul 16];Available from: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5605757/
5 Agha Z., Roter DL., Schapira RM. An evaluation of patient-physician communication style during telemedicine consultations. J Med Internet
Res 2009;11(3):e36.
6 COVID-19 Telehealth Communication [Internet]. [cited 2020 Jul 16]; Available from: https://www.achonline.org/COVID-19/Telemedicine
7 Hampton JR., Harrison MJ., Mitchell JR., Prichard JS., Seymour C. Relative contributions of history-taking, physical examination, and laboratory investigation to diagnosis and management of medical outpatients. Br Med J 1975;2(5969):486–9.
8 Ansary AM., Martinez JN., Scott JD. The virtual physical exam in the 21st century. J Telemed Telecare 2019;1357633X19878330.
9 Weinstein RS., Krupinski EA., Doarn CR. Clinical Examination Component of Telemedicine, Telehealth, mHealth, and Connected Health Medical Practices. Med Clin North Am 2018;102(3):533–44.
10 Téléconsultation et téléexpertise: guide de bonnes pratiques [Internet]. Haute Autorité de santé. [cité 7 juill 2020]. Disponible sur:
https://www.has-sante.fr/jcms/c_2971632/fr/teleconsultation-et-teleexpertise-guide-de-bonnes-pratiques
11 American Telemedicine Association. ATA Practice Guidelines for Live, On-Demand Primary and Urgent Care. Mars 2015.
12 American, Telemedicine Association. Core Operational Guidelines for Telehealth Services Involving Provider-Patients Interactions. Mai 2014

Déposer votre commentaire