Le médecin partenaire envers et contre tout

15.06.20 | Proposé par: Pierre-André Repond

La crise est toujours un révélateur dont il faut se servir pour apprendre et progresser. Ce dossier du CMV avait pour vocation première de faire le point sur la pandémie de Covid-19 dans les EMS vaudois, très fortement mais inégalement touchés. Cette problématique a été rattrapée récemment par une autre crise qui touche le nouvel Hôpital Riviera-Chablais à peine inauguré.

Quel rapport entre la gestion de la crise Covid et la crise du HRC ? Certainement le fait que les deux étaient largement prévisibles, voire attendues, et pourtant on n’était pas préparé.

Crises évitables

S’agissant du Covid-19, le médecin cantonal admet que « l’arrivée de cette crise était quelque chose d’envisagé »[1]. Et l’article 7 de la loi sur la santé publique dispose que « le médecin cantonal est responsable de l’organisation et de la mise en œuvre des mesures à prendre en cas d’événement particulier ou de catastrophe (ORCA sanitaire) ». Se préparer et « protéger les populations des menaces sanitaires », comme indiqué par le site officiel de la Direction générale de la santé (DGS) est donc une mission fondamentale de santé publique qui doit à nouveau émerger comme une priorité au vu des enjeux considérables qui en découlent. Sera-t-on mieux préparé une prochaine fois ? On le verra mais nous ne connaîtrons pas pour le moment les premières conclusions qu’en tirent la Direction générale de la santé et le médecin cantonal qui n’ont pas souhaité répondre à l’invitation du CMV à s’exprimer dans ce numéro.

Les médecins ont payé un prix élevé à ces crises, ce qui leur donne certains droits. La crise Covid-19 laissera des traces sur les plans humain et financier, pour les médecins aussi du fait du brutal, durable et sans doute en partie évitable arrêt des activités. De son côté, la gestion de l’HRC avait déjà provoqué des dizaines de départs de médecins chefs pourtant attachés au service public. Les déficits financiers qui retiennent aujourd’hui davantage l’attention n’en sont que la résultante.

Redonner sa juste place au corps médical

Nous plaidons ici pour que le corps médical soit pleinement associé au bilan qui sera fait des deux crises et nous demandons à être entendus par les instances en charges de rapporter sur ces questions. Le médecin est un partenaire incontournable de la santé hospitalière ou extrahospitalière dont l’avis doit être pris en considération dans tous les processus de décision, y compris au plan stratégique. La construction et le développement d’un hôpital ou la gestion d’une crise sanitaire majeure se placent incontestablement à ce niveau.

Comme le stipule la résolution du groupement des médecins hospitaliers (GMH)[2], nous croyons aux vertus de la transparence appliquées aux organisations et pas seulement aux individus, comme la prévoit également la motion Feller/Thorens en matière d’assurance maladie[3].

Pour y parvenir la communication et la liberté d’expression sont indispensables. Les pressions sur les collaborateurs pour les contraindre au silence est sans doute l’une des raisons qui ont contribué à masquer les dégâts désormais visibles à l’HRC.

Ceci vaut aussi pour les procédures d’engagements de médecins-cadres : bien que public, l’HRC est le seul hôpital vaudois ou même intercantonal à n’avoir jamais appliqué les directives relatives à l’engagement des médecins-cadres[4] qui lui imposaient de requérir le préavis de la Société Vaudoise de Médecine.

Il en va dans ces deux crises de la place des médecins, et indirectement de leurs patients, dans la gouvernance des hôpitaux et de la santé. Les deux crises ont montré chacune à leur manière qu’on ne peut conduire un projet médical sans les médecins et encore moins contre eux.

Faire avec eux sera sans doute la meilleure manière de préparer l’avenir et d’éviter de nouveaux désastres, qu’ils soient humains, financiers ou les deux. Ils ne demandent que cela.

Pierre-André Repond, Secrétaire général de la SVM

NB: cet article est également paru sous forme d’introduction dans le Courrier du médecin vaudois (CMV) n° 3/2020

 

[1] Rapport de la Commission des finances, de la Commission de gestion et de la Commission thématique de la santé publique chargées d’examiner l’objet suivant : Crise relative à la pandémie du coronavirus, p. 13

[2] Résolution du GMH du 11 octobre 2018, https://www.svmed.ch/svm/wp-content/uploads/2019/03/resolution-du-gmh-111018.pdf

[3] https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/amtliches-bulletin/amtliches-bulletin-die-verhandlungen?SubjectId=45603

[4] Directives sur la nomination des médecins cadres dans les hôpitaux privés reconnus d’intérêt publics

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