Les charges aux assurés, la liberté aux caisses

07.12.20 | Proposé par: Yannis Papadaniel

Pour la troisième année consécutive, le 22 septembre dernier, le Conseil fédéral a annoncé une hausse des primes maladie qu’il qualifie de modérée. Il est vrai que 0,5% d’augmentation de la prime moyenne serait presque réjouissant quand on compare le taux aux 4% de hausse entre 2015 et 2018. Malgré tout, les primes ne baissent pas et elles continueront de peser lourdement sur le budget des ménages. Cela est d’autant plus inacceptable que les réserves des assureurs ont gonflé de plus de 2 milliards de francs en l’espace d’une année, passant à 11 milliards.

Alors que, quatre jours auparavant, le Conseil fédéral a mis en consultation un projet visant à encourager les assureurs à davantage restituer les réserves excédentaires aux assurés, aucun changement radical ne semble s’annoncer; les nouvelles propositions ne visent pas à contraindre les caisses maladie, passé un certain seuil, à rendre les excédents perçus, mais à les laisser libres de les restituer ou non.

Les réserves appartiennent aux assurés

Les réserves sont une propriété collective des assurés, mais, jusqu’à présent, ni les autorités ni les élus fédéraux n’ont entrepris quoi que ce soit pour faire valoir ces «droits de propriété». Plus grave, la FRC a cherché à savoir, durant cet été, comment la part des réserves placées (en bourse, en devises ou dans l’immobilier, selon des critères détaillés dans la Loi sur la surveillance de l’assurance-maladie, LSAMal) était surveillée par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). Ce contrôle est effectué par le réviseur externe de chaque caisse sur la base d’une liste de critères édictés par l’OFSP. Ce dernier peut effectuer des contrôles complémentaires, mais, à notre connaissance, aucun audit n’a encore été diligenté sur ce point. Les caisses disposent donc, là aussi, d’une bonne marge d’appréciation.

En quoi est-ce une circonstance aggravante? Les 2 milliards de francs de plus-value dans les réserves sont en bonne partie dus aux gains issus des placements. Pour autant, ces bénéfices ne sont guère partagés, puisque seuls 211 millions de francs seront restitués aux assurés en 2021. Hormis dans les quelques petites assurances régionales – toujours plus rares et organisées à la façon des mutuelles d’antan –, le plus souvent sous forme de coopératives, les assurés ne disposent d’aucun levier pour influencer la manière dont les réserves sont gérées.

Pour une restitution basée sur la transparence et la traçabilité

Or la législation prévoit qu’en cas de perte sur les marchés boursiers – si elle entraîne une diminution des réserves –, le déficit doit aussitôt être compensé par une hausse des primes (ce fut le cas en 2017). On observe, en résumé, un manque évident de symétrie dans la répartition des réserves et de leurs excédents: la liberté pour les caisses, les charges pour les assurés. Que fait donc l’OFSP?

La FRC plaide pour une restitution automatique et obligatoire des réserves excédentaires. Dans la situation actuelle, la loi stipule que cette restitution peut être faite dès lors que le seuil de 150% des réserves est atteint. Ce seuil doit être abaissé à 110 ou 120% au moins, et la restitution doit se faire en toute transparence et traçabilité: les assurés doivent savoir quels sont les montants qu’on leur restitue d’un exercice à un autre. Par voie de conséquence, la proposition défendue notamment par curafutura qui consiste à inclure le niveau des réserves dans le calcul des primes est insuffisante, car elle fond la gestion des réserves dans un mécanisme déjà fort opaque (et compliqué).

Enfin, la FRC défend le principe selon lequel la part des réserves qu’ils ont contribué à constituer devrait suivre les assurés. C’est une simple question de bon sens: le client d’une banque ou d’une caisse de pension ne perd pas les gains qu’il a cumulés lorsqu’il change d’établissement. C’est aussi un moyen d’éviter que les réserves et leur restitution ne servent d’argument marketing.

Yannis Papadaniel, responsable santé FRC, adjoint de la secrétaire générale

NB: Cette tribune est une version remaniée d’un article paru dans FRC-Mieux choisir n°130 (octobre 2020). Elle a également été publiée dans le Courrier du médecin vaudois de décembre 2020, intitulé “Réforme LAMal: Le 2e paquet n’est pas un cadeau!”

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