L’heure est grave, continuons à serrer les rangs !

23.04.20 | Proposé par: Dr Jean-Pierre Randin

«Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre.» Winston Churchill

Le SARS-CoV a beaucoup fait parler de lui entre 2002 et 2004, mais il est resté confiné en Asie. Le H1N1 nous a déjà plus inquiétés en 2009. Et voilà qu’aujourd’hui le Covid-19 nous terrasse et bouleverse nos vies !

La Suisse avait pourtant réalisé en 2014 un exercice national «pandémie», laissant croire qu’elle serait prête à affronter une situation critique grâce notamment à la constitution de stocks de matériel de biosécurité. En fait, tout cela n’était que de la poudre aux yeux, comme l’atteste la situation actuelle.

Manque de réaction des autorités

L’hécatombe chinoise due au coronavirus aurait dû alerter nos autorités sanitaires. Marcel Salathé, professeur d’épidémiologie à l’EPFL, avait tiré la sonnette d’alarme en janvier déjà. Dans une lettre datée du 25 février, le président de la SVM, Philippe Eggimann, et son secrétaire général avaient informé les autorités sanitaires de la contagiosité du virus, notamment en raison de sa capacité de transmission par des sujets asymptomatiques. Mais ces alertes sont restées lettre morte.

Pourtant, le Covid-19 était bien présent dans le canton de Vaud à fin février déjà. Un virus sournois survivant longtemps sur des surfaces inertes. Bien des patients, bien des médecins, peu habitués aux règles de la biosécurité, ont été piégés.

Dans un premier temps, les médecins généralistes ont obéi aux consignes du médecin cantonal datant du 13 mars 2020 et ont réalisé dans leur cabinet des tests de dépistage par frottis nasopharyngé. Or, ils n’étaient ni préparés, ni équipés pour cela, n’ayant pas suffisamment de masques ou de tests à disposition. Les patients non Covid ont pris peur et ont progressivement déserté les cabinets par crainte d’être infectés.

Les médecins vaudois prennent les devants

In fine, l’ordonnance fédérale est tombée et a contraint les médecins à ne recevoir dans leur cabinet que les urgences vitales. Quelle cacophonie et quel temps perdu ! Coup de chapeau aux confrères de toutes les régions du canton qui ont pris l’initiative de concevoir, dès la mi-février déjà, une filière dédiée au Covid-19. Cela avant même que la FMH ordonne de ne plus faire de dépistages en cabinet et de réserver ces derniers à des endroits spécifiques. Il était temps ! Car, pour les médecins installés, il était impossible de faire aussi bien que le centre Unisanté ou les hôpitaux disposant, entre autres, de masques FFP2 et de surblouses. Ce concept de filière séparée pour des cabinets regroupés ne sera validé de haute lutte par les autorités sanitaires vaudoises qu’au soir du 23 mars 2020 !

Cette lenteur dans l’organisation sanitaire a probablement eu un fort impact sur les soignants, comme l’a révélé un sondage de la SVM réalisé entre le 1er et le 5 avril. Parmi les 1385 médecins en cabinet qui ont répondu, 43 ont été infectés, ainsi que plus de 200 membres de leur personnel. Les médecins intubés répondront plus tard !

Malgré la mise sur pied de filières dédiées, le danger reste omniprésent. Le Dr Georges Gao, directeur du Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies, affirme dans Science qu’il est impératif que tout le monde se protège avec un masque dans les mois à venir, aussi bien en ville que dans les cabinets. Même si cela a été dit et redit, l’approvisionnement en masques pour la Suisse devient donc une priorité absolue. Et il y a lieu d’espérer que les médecins n’auront plus à courir à gauche et à droite pour trouver les derniers exemplaires disponibles.

Le Dr Philippe Eggimann, président de la SVM, appelle de toutes ses forces à la fin de cette cacophonie afin que les patients retrouvent confiance et reviennent sans crainte voir leur médecin. Il en va du suivi des traitements et il en va de la santé financière des cabinets. Ce qui est certain, c’est que, comme jamais, les médecins vaudois ont serré les rangs. Une preuve de plus avec ces 200 confrères qui ont répondu présents pour faire partie, comme volontaires, du dispositif sanitaire cantonal. Il faut que cela continue. Bravo !

Dr Jean-Pierre Randin

NB: cet article est également paru dans le Courrier du médecin vaudois (CMV) n° 2/2020

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