Médecine et industrie: un mariage forcé

18.02.21 | Proposé par: Dr François Saucy

NB: Cet article a été publié en tant qu’édito du Courrier du médecin vaudois #1 – 2021 sur les relations médecine-industrie, à lire dans son intégralité ici.

Alors que grondent la révolte et la défiance vis-à-vis des vaccins contre le Covid-19, votre comité de rédaction du CMV a décidé de consacrer ce premier numéro de 2021 aux relations parfois ambiguës qu’entretiennent les médecins et l’industrie. L’actualité nous a montré qu’il existe au sein de la population, mais également parmi les médecins, des questions légitimes sur l’incroyable rapidité de la mise sur le marché desdits vaccins. Pourtant, il semble évident que le partenariat entre les institutions académiques et les compagnies pharmaceutiques a permis leur développement fulgurant, nous faisant, on le souhaite, entrevoir une issue bientôt favorable à cette période critique de l’humanité. Ce «mariage forcé», débuté dans l’urgence, reste fragile et doit être encadré par un contrat réglant les conflits d’intérêts, les questions éthiques, mais également les aspects financiers. La transparence est le garant de la qualité des résultats obtenus, garante à son tour de la sécurité indiscutable pour la population.

La publication sur le web des montants provenant de l’industrie perçus par les médecins suisses est acceptable, pour autant que l’on s’accorde sur l’utilisation de cet argent. Les hôpitaux également décrivent dans leurs rapports annuels des montants parfois très élevés versés par l’industrie pour la recherche et la formation. Influence ou philanthropie? Nous avons tous encore en mémoire la publication fallacieuse dans le Lancet, en mai dernier, en lien avec l’effet de l’hydroxychloroquine chez les patients positifs au Covid-19. Les médias ont largement relayé cet épisode, jetant le doute parmi la population sur la véracité des découvertes scientifiques. La Suisse s’est dotée depuis plusieurs années d’un arsenal juridique encadrant les relations entre les médecins et l’industrie. Vous pourrez en prendre connaissance dans ce numéro. Vous comprendrez néanmoins que les dérives sont toujours possibles, ce d’autant plus que les procédures judiciaires demeurent – heureusement – exceptionnelles.

Naviguer au travers de cette législation reste un exercice difficile pour les chercheurs. Frein pour certains, mal nécessaire pour d’autres, tous s’accordent à dire que les temps ont bien changé. Les trafics d’influence massifs que les pharmas ont pratiqués auprès des médecins par le passé se font plus discrets et subtils. Mais ne doutons pas qu’il faut rester vigilant pour éviter de tomber dans le piège du «médecin sous influence».

Le progrès médical nécessite des femmes et des hommes engagés et brillants, et que leurs projets soient soutenus si possible par des fonds expertisés. La réalité laisse la place au partenariat entre l’industrie et les chercheurs; et nous en avons tous bénéficié, fort heureusement. La lecture de ce numéro, qui donne la parole aux deux parties, vous permettra de mieux décoder et comprendre ces relations complexes.

Dr François Saucy, membre du comité de rédaction du CMV

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