Médecine-industrie: la corniche étroite

18.02.21 | Proposé par: Prof. Jacques Besson

En montagne, on peut se retrouver sur un lieu dangereux, une corniche étroite bordée de chaque côté de deux précipices. Qu’en est-il en médecine, dans ses rapports avec l’industrie ?

D’un côté, il y a le précipice de la banalisation des rapports avec le monde du profit, et de l’autre, le précipice de la diabolisation d’une industrie vue comme forcément corruptrice.

Il est écrit « Nul ne peut servir deux maîtres, Dieu et Mammon ». Mammon, divinité antique de l’amour de l’argent et de l’avarice. Il faut donc amasser des trésors dans le Ciel : mais qu’est-ce que le « Ciel » en médecine ? Si ce n’est la référence permanente aux valeurs de la clinique et de l’intérêt du patient.

L’industrie et le bien commun

Rappelons d’abord la valeur du travail et de l’effort collectif pour augmenter le bonheur et diminuer la souffrance des humains. L’industrie y participe indéniablement, et non seulement l’industrie pharmaceutique, mais aussi la recherche appliquée dans les technologies, comme l’imagerie ou le génie génétique. La collaboration entre les Hautes Ecoles et l’industrie permet de fructifier les efforts de nombreux jeunes chercheurs par les passerelles de start-ups, au service de l’innovation. Car les médecins sont aussi des entrepreneurs !

L’industrie et le rapport au profit

Le profit est addictogène : les mécanismes sous-jacents en sont le sevrage et la tolérance. Toujours plus, pour une minorité d’actionnaires mondialisés. Quel profit ? Et pour qui ? Heureusement, c’est le rôle des institutions démocratiques de veiller à la régulation, par une réglementation fondée sur l’éthique. Les profits de l’industrie peuvent être réinvestis dans la recherche et le développement, dans le respect des règles. Ce n’est pas toujours si simple : par exemple, en psychiatrie, les pharmas n’ont plus produit de nouvelles molécules thérapeutiques depuis des années, mais elles développent à grands frais publicitaires de nouvelles formes galéniques sans réelle innovation.

Pour une clinique intégrative

Pour Philippus Aureolus Theophrastus Bombastus Von Hohenheim, alias Paracelse, c’est la dose qui fait le poison, et la médecine se déploie sous le regard de l’Astre. En serait-il de même aujourd’hui ? L’Astre n’est-il pas la référence au bien des patients et ne devons-nous pas trouver un équilibre entre développement économique et scientifique, sous le regard d’une éthique interdisciplinaire ?

C’est ainsi que la médecine, centrée sur la clinique, trouvera son chemin sur la corniche étroite.

Prof. Jacques Besson, Professeur honoraire, FBM/UNIL

NB: Cet article a été publié initialement dans le Courrier du médecin vaudois #1 – 2021 sur les relations médecine-industrie, à lire dans son intégralité ici.

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